Mort de Marie-France Garaud, le mauvais génie de Chirac

Ses admirateurs la décrivent comme «une enracinée», une sorte de Scarlett O’Hara poitevine. Comme la rude héroïne d’Autant en emporte le vent, elle était, plus que tout, attachée à sa terre. Profondément conservatrice, avec son éternel chignon et ses impeccables tailleurs Chanel. Marie-France Garaud est la fille unique et adorée de Marcel Quintard, avoué et conseiller général de la Vienne. A six ans, elle l’accompagne à la chasse au perdreau gris, apprend à reconnaître les traces du gibier. Dans sa retraite comme au temps de sa vie politique, elle aimait se réfugier dans son domaine de Saint-Pompain (Deux-Sèvres), où elle est morte mercredi 22 mai à 90 ans, vaste bâtisse Louis XIII restaurée par ses soins. Elle se plaisait à y conduire son tracteur et à soigner ses chevaux et ses brebis. Depuis sa retraite, elle y passait l’essentiel de son temps. En juin 2020, on apprit à la rubrique faits divers que les gendarmes de la région étaient à sa recherche. Ses proches avaient signalé la «disparition inquiétante» de la vieille dame de 86 ans, partie seule en voiture et souffrant de «problèmes d’orientation». Après une nuit de vaines recherches, elle sera retrouvée le lendemain, trempée et fatiguée, à une quarantaine de kilomètres de son château.

Favorable à la peine de mort, «réservée» sur l’IVG

Energique, autoritaire, parfois brutale, voire méprisante, ce pur produit de la bourgeoisie provinciale française entre dans le monde politique en 1961, quand Jean Foyer, ministre de la Coopération du gouvernement de Michel Debré, la recrute comme attachée parlementaire. Elle quitte alors le cabinet d’avocats de Poitiers où elle commençait tout juste sa carrière professionnelle. C’est dans l’université de cette ville que Foyer avait été, quelques années plus tôt, son professeur de droit. Et c’est un autre professeur de cette même université, l’avocat Louis Garaud, que la jeune femme de 25 ans avait épousé en 1959.

En 1962, elle suit Foyer au ministère de la Justice du gouvernement Pompidou. Elle y croise Simone Veil, alors magistrate à la direction de l’administration pénitentiaire. Les deux femmes entretiendront une longue relation. «Elle était ma plus vieille amie, dira-t-elle en 2017, après le décès de son aînée. Nous n’avions pas les mêmes engagements. Simone était profondément centriste, moi j’étais plus à droite ; cela n’avait aucune influence sur notre amitié.» Favorable à la peine de mort, «réservée» sur la légalisation de l’IVG, Marie-France Garaud avait, c’est le moins qu’on puisse dire, des sujets de désaccords majeurs avec son amie. Tout les oppose. En particulier l’Europe, question sur laquelle elles fonderont, chacune à sa manière, leur identité politiques.

L’«appel de Cochin», lancé en décembre 1978 par Jacques Chirac et dénonçant le «parti de l’étranger», restera son principal fait d’armes. Mais comme beaucoup de ses coups politiques, il se soldera par un échec

En 1979, quand Simone Veil est élue eurodéputée puis présidente du parlement de Strasbourg, Garaud, elle, s’est déjà imposée, dans l’ombre du jeune Jacques Chirac, comme l’égérie du combat souverainiste. Avec son complice Pierre Juillet, éminence grise de Pompidou qui l’avait recrutée douze ans plus tôt, elle est l’une des inspiratrices du fameux «appel de Cochin» du 6 décembre 1978. Signé par Chirac deux ans après son retentissant départ de Matignon, ce texte prétendait marquer de manière irréversible la rupture entre la droite néogaulliste incarnée par le RPR et le «parti de l’étranger», c’est-à-dire le centre droit de Giscard (UDF), promoteur «antinational» d’une Europe fédérale. Cet appel restera son plus notable fait d’armes. Et comme beaucoup de ses coups politiques, celui-ci se soldera par un échec. Six mois plus tard, aux élections européennes, la liste RPR de Chirac est très nettement distancée par la liste UDF, conduite par Simone Veil. Ce fiasco sonnera la rupture définitive entre le futur président et celle qui ambitionnait d’en faire le porte-étendard de son combat souverainiste.

«Machiavel en jupon»

Leur compagnonnage avait commencé en 1967, dans l’entourage du Premier ministre Georges Pompidou. Lui ministre, elle conseillère. Garaud et Chirac sont deux trentenaires ambitieux, très engagés, après le départ de De Gaulle, dans la campagne pour l’élection de leur mentor à la présidence de la République. Elle va au charbon, s’attache à désamorcer la sordide affaire Markovic qui mêlait le couple Pompidou à des «affaires de mœurs». Sous pseudonyme, elle publie un portrait hagiographique de celui qui brigue la succession du général. Elu président de la République en 1969, Pompidou en fait sa conseillère politique. Dans les coulisses du pouvoir, elle est à son affaire. Après la mort de Pompidou, au printemps 1974, elle jouera un rôle déterminant dans l’élection de Valéry Giscard d’Estaing. Contrôler la droite, tourner la page du gaullisme originel et de ses encombrants barons : ce sera sa grande affaire, aux côtés Pierre Juillet. Leurs victimes les appellent «les Diaboliques».

Avec Pierre Juillet, Marie-France Garaud est à la manœuvre en 1974 pour barrer la route de l’Elysée à Jacques Chaban-Delmas. Plutôt faire élire Giscard, calculent-ils, qui sera prisonnier de son alliance avec leur poulain, l’intrépide Chirac. Pompidou n’est pas encore mis en bière que, déjà, Garaud et Juillet s’activent.

Le duo est en effet à la manœuvre pour barrer la route de l’Elysée à Jacques Chaban-Delmas. Compagnon de la Libération et maire de Bordeaux, le candidat naturel de l’UDR en 1974 est beaucoup trop à gauche pour eux. Plutôt faire élire Giscard, calculent-ils, qui sera prisonnier de son alliance avec leur poulain, l’intrépide Chirac. Pompidou n’est pas encore mis en bière que, déjà, Garaud et Juillet s’activent. Ils font circuler, à droite, des rumeurs de possibles candidatures comme celle du baron gaulliste Pierre Messmer ou encore du président de l’Assemblée nationale, Edgar Faure. Craignant de se faire doubler, Chaban tombe dans le piège et se déclare candidat en plein deuil national. Chirac, s’empresse de condamner cette «hâte indécente». Dans la foulée, «les Diaboliques» recrutent dans les rangs gaullistes des élus prêt à lâcher Chaban. Ils seront 43 à signer avec Chirac le fameux «appel» au ralliement implicite à Giscard. Le maire de Bordeaux sera battu à plate couture. Victime, dirent ses amis, d’une «Machiavel en jupon».

1,3% à la présidentielle de 1981

Giscard élu, elle devient conseillère politique officieuse de son Premier ministre, Jacques Chirac. Omniprésente à Matignon. Elle gère l’agenda et s’invite dans la plupart des réunions. On la voit à l’œuvre dans les mémoires de Catherine Nay (1) : la journaliste raconte les dîners qu’organisait chez elle cette éminence grise «drôle et moqueuse» qui «éblouissait par sa conversation» sous le regard d’un mari «qu’elle vouvoyait et qui ne pipait mot». Dans le monde politique de l’époque, on l’appelait «Madame venez me voir», tant elle faisait défiler de monde dans son bureau, dans son appartement, ou même… chez Chanel. Catherine Nay raconte comment elle fut conviée un jour, avec sa collègue de l’Express Michèle Cotta, dans un salon du grand couturier. Entre deux essayages de tailleurs, Marie-France Garaud, «en combinaison de soie à dentelle», se répand sur «la mollesse de Giscard» et sur la nécessaire reprise en main du parti majoritaire. Une scène d’anthologie.

mort de marie-france garaud, le mauvais génie de chirac

Marie-France Garaud arrive à l'Hôtel Matignon lors de la démission de Jacques Chirac comme Premier ministre le 25 août 1976 à Paris.

Avec Juillet toujours, elle est à la manœuvre lors de la retentissante démission de Chirac en 1976. C’est encore elle qui l’incite, un an plus tard, à défier le candidat de Giscard dans la bataille pour la mairie de Paris. Tout semble alors réussir au fringant président du RPR, tout nouveau parti conçu pour être une machine de guerre contre les centristes pro-européens. Mais les choses se gâtent vite après l’échec de la liste RPR aux élections européennes de 1979, au grand soulagement de Bernadette Chirac, très agacée par l’encombrante conseillère. De son côté, Marie-France Garaud doit se rendre à l’évidence. Elle avait misé sur le mauvais cheval. Ce Chirac n’était décidément pas à la hauteur des ambitions qu’elle plaçait en lui. Elle résumera sa déception d’un cruel bon mot, resté dans les annales : «Je pensais que Jacques Chirac était du marbre dont on fait les statues, il est en fait de la faïence dont on fait les bidets». Une allusion probable au père de Bernadette Chirac, Jean-Louis Chodron de Courcel, directeur commercial des Emaux de Briare.

La conseillère dépitée décide alors de porter elle-même ses idées et de se soumettre aux suffrages des Français. Elle se déclare candidate à l’élection présidentielle de 1981 contre le président sortant, Giscard d’Estaing, et son rival Chirac qu’elle accuse d’avoir renié leurs idéaux communs. Financée par un investisseur britannique (sir Arthur Forbes), sa candidature est encouragée en sous-main par Mitterrand, ravi de voir la droite se déchirer. Elle ne séduit que 1,3 % des électeurs. Nullement découragée par ce score misérable, elle tente de nouveau sa chance aux législatives de 1986. Nouvel échec (2,57 %). Elle devra attendre encore une bonne décennie avant de décrocher son unique mandat électif. Non pas sur son nom mais en tant que colistière du duo Philippe de Villiers-Charles Pasqua aux élections européennes de 1999. Aux côtés de ces ténors de la droite et de certains des animateurs du Club de l’horloge (partisans de l’union entre droite et extrême droite), elle s’engage dans les deux grandes batailles référendaires françaises : contre le traité de Maastricht en 1992 puis, en 2005, contre le traité établissant une Constitution pour l’Europe.

«Nous sommes placés devant l’éventualité d’un IVe Reich» déclarait l’octogénaire en avril 2017, dans l’un de ses dernières interviews au Figaro. Aboutissement logique de ses obsessions souverainistes teintées de germanophobie : après avoir voté blanc aux élections présidentielles de 2007 et de 2012, elle finira, en 2017, par rejoindre Marine Le Pen, la seule candidate qui ne serait pas, selon elle, «pieds et poings liés devant les Allemands».

(1) Souvenirs, souvenirs..., éditions Robert Laffont.

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