« On ne change pas Davi » : à Marseille, un Insoumis en rupture avec Mélenchon
«Ã‚ On ne change pas Davi » : àMarseille, un Insoumis en rupture avec Mélenchon
Au pied de la basilique Notre-Dame de la Garde, à Marseille, la haute silhouette de Hendrik Davi ? 1,97 m ? se faufile dans un salon de coiffure. « Ah non, Mélenchon, je ne peux pas le voir », maugrée le coiffeur alors qu'il lui tend son tract de campagne. « Ça tombe bien, moi non plus, il ne peut pas me voir ! » s'esclaffe le député sortant. À l'instar de quatre autres députés de La France insoumise (LFI) jugés trop critiques du « chef », Hendrik Davi a été purgé.
Son tort ? Avoir osé s'opposer à la stratégie de Jean-Luc Mélenchon sur l'affaire Adrien Quatennens, sur la démocratie au sein de LFI, sur la stratégie du « bruit et de la fureur » à l'Assemblée et sur le pogrom du 7 octobre 2023 ? il a été l'un des seuls à avoir, très tôt, qualifié de « terroristes » les actes du Hamas. Qui a décidé qu'il ne serait pas réinvesti ? Une obscure « commission électorale », dont les députés LFI ne savent à peu près rien, si ce n'est qu'elle est gérée par Paul Vannier, proche du coordinateur national du mouvement, Manuel Bompard.
D'ailleurs, Allan Popelard, qui se présente comme le « candidat officiel » du Nouveau Front populaire (NFP) dans cette 5e circonscription des Bouches-du-Rhône, est un proche de Bompard et Vannier ? sollicité par Le Point, il n'a pas souhaité nous répondre.
Un même logo NFP mais deux visages
Hendrik Davi n'a, bien souvent, pas le temps d'expliquer tout cela aux électeurs qu'il croise. Il a, souvent, à peine le temps de leur dire qu'il est le député sortant et candidat du NFP. « Vous êtes quoi, au départ ? » s'enquiert une vieille dame un peu perdue : devant une école du quartier Vauban, elle a vu, sur deux panneaux d'affichage distants d'à peine cinq mètres, un même logo NFP et, pourtant, deux visages.
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«Ã‚ LFI mais j'ai été viré, je fais partie des purgés », répond Hendrik Davi, rappelant au passage la « méthode détestable » de la direction du mouvement. Comme les autres purgés, il l'a appris par e-mail, à23 heures, 48 heures avant la date limite de dépôt des listes. À ceux qui lui accordent un peu de temps, il décrit le profil de son concurrent : un apparatchik, parachuté, qui assume d'être le candidat de la « discipline ». « Un Insoumis discipliné », plaisante-t-il, en soulignant l'oxymore.
L'ex-député LFI veille toutefois à ménager Allan Popelard. « Mon adversaire, c'est le RN, rien que le RN », martèle Hendrik Davi, qui tente de mener une campagne joviale. Ses militants cherchent encore le meilleur slogan pour interpeller les passants : « On ne change pas Davi » ou « Avec Hendrik, plus belle Davi ».
Les habitants du 6e arrondissement qu'il croise ce mardi sont plutôt bienveillants ou compatissants. « Ne vous inquiétez pas ! On vous retient », lui dit une femme, mimant sa taille ? avant la dissolution, il était le plus grand député de l'Assemblée nationale, à égalité avec un autre député de Marseille, Sébastien Delogu.
Soutenu par Ruffin « comme la corde soutient le pendu » ?
«Ã‚ Désolée de vous poser la question, j'imagine que vous devez passer votre journée àexpliquer pourquoi il y a deux candidats », lui glisse une femme d'une trentaine d'années. « Oui, mais c'est normal, j'ai décidé d'y aller et il faut que je m'en explique ! » affirme Davi, qui essaie toujours de faire de la pédagogie. Il explique notamment qu'il a longtemps hésité àse maintenir.
Mais ce scientifique, relecteur pour la France des travaux du Giec, a fait ses calculs : dans cette circonscription longtemps tenue par la droite ? Renaud Muselier en a été député de 1997 à 2012 ? la gauche, toutes listes confondues, a cumulé 50 % des suffrages aux élections européennes. Aucun risque, donc, qu'aucun des deux candidats ne se qualifie pour le second tour. Et, en cas de triangulaire, le mieux placé des deux candidats de gauche se retirerait.
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«Ã‚ Ah, vous faites partie des cinq, vous ? Vous savez, c'est désespérant pour nous les électeurs de voir qu'il y a ici deux candidats parce que Mélenchon, seul, en a décidé », lui lance un électeur qui a suivi les tractations àgauche. Paradoxalement, cette purge peut être sa chance, tant Mélenchon inspire du rejet dans ce quartier. « Vous n'êtes pas soutenu par Mélenchon ? Alors on votera pour vous », lui assureront, dans l'après-midi, plusieurs commerçants.
«Ã‚ Plus personne ne peut le piffrer, cingle un militant de Davi. S'afficher avec Jean-Luc sur un tract, par endroits, c'est s'assurer de perdre des électeurs. » Dans le quartier Vauban, un récent tweet de Sophia Chikirou n'est pas du tout passé. Lundi soir, Hendrik Davi poste un message de soutien de François Ruffin et cette députée, proche de Mélenchon, y répond en affirmant que ce dernier soutient Davi « comme la corde soutient le pendu ».
Meeting avec Clémentine Autain
«Ã‚ Panique àParis ! Sophia Chikirou propose de me pendre? Puis supprime son tweet face aux indignations unanimes », moque Hendrik Davi, qui préfère en rire. « Sophia, c'est notre meilleure communicante », s'esclaffe-t-il en allant àun concert donné au parc Longchamp, près du quartier des Cinq-Avenues, dans le 4e arrondissement de la cité phocéenne. Didier Jau, maire des 4e et 5e arrondissements, le rejoint. Avec d'autres élus, dont Clémentine Autain, qui a participé à un meeting à Marseille avec Davi ce jeudi, il soutient le député sortant.
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À l'entrée du parc, ils tombent sur des militants d'Allan Popelard, qui font du tractage. À l'écart, il croise Charlotte Deweerdt, qu'il connaît bien. « Désolée, mais je ne peux pas te faire la bise, je suis la suppléante d'Allan Popelard et je ne voudrais pas te mettre dans l'embarras? »
«Ã‚ C'est ridicule et c'est révélateur de l'absurdité de cette situation. Deux militants de gauche, qui s'apprécient et partagent les mêmes idées, doivent s'affronter parce qu'un seul homme, àParis, en a décidé, souffle un proche de Hendrik Davi. Après les gauches irréconciliables, les gauches qui ne peuvent plus se faire la bise ! »
Purgés, mais pas (encore) vaincus. Pour les législatives, Jean-Luc Mélenchon a choisi d'écarter plusieurs élus de La France insoumise accusés de déloyauté. Ils maintiennent néanmoins leurs candidatures en Seine-Saint-Denis, à Paris et à Marseille. LFI présente à chaque fois un candidat en face. Que révèlent ces frictions ? Le Point vous raconte leur campagne en quatre épisodes vus du terrain.
Épisode 1 : Coupure de sono et tractage périlleux : à Montreuil, chez Alexis Corbière, la gauche est à couteaux tirés
Épisode 2 : « Vote pour moi, regarde ce que Mélenchon m'a fait » : évincée de LFI, Danielle Simonnet ne lâche rien
Épisode 3 : À Drancy, chez Raquel Garrido, l'ombre de Lagarde plane sur une gauche désunie