Anti-social, anti-écolo, anti-féministe, peu assidu, le bilan peu reluisant du RN à l’Assemblée nationale
Anti-social, anti-écolo, anti-féministe, peu assidu, le bilan peu reluisant du RN à l’Assemblée nationale
Le 19 juin 2022, il y a deux ans presque jour pour jour, 89 députés du Rassemblement national (RN) font leur entrée à l’Assemblée nationale.Ils ont pour consigne de « se comporter de manière impeccable » , pour reprendre l’expression de Marine Le Pen, au sein de l’Hémicycle, cravate bien ajustée et posture droite. Mais leur quête de respectabilité, dans le processus de « normalisation », n’est restée qu’un vernis de surface. Manque d’assiduité, déclarations outrancières, voire racistes, votes à l’encontre des populations les plus démunies… Passage en revue des principales caractéristiques du RN version Palais-Bourbon.
1. Contre les mesures sociales
Le parti à la flamme s’érige en champion des classes populaires et prétend défendre les intérêts des Français les plus démunis. Mais pendant deux ans, leurs prises de position et leurs votes ont souvent fait la part belle aux ménages les plus aisés.
En juillet 2022, les députés RN votent contre l’augmentation du salaire minimum à 1 500 euros net mensuel. En octobre de la même année, ils s’abstiennent lors du vote pour rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et déposent un amendement visant à retirer les droits d’allocations chômage aux salariés en CDD refusant une proposition de CDI. En décembre 2022, ils votent pour la loi Kasbarian sur le logement qui facilite les expulsions des locataires qui ne payent pas leurs loyers.
Dans le cadre du vote sur le bouclier tarifaire des loyers (mai 2023) ils s’opposent à un amendement proposant d’en geler les prix.
Ils se prononcent contre la gratuité des cantines et des fournitures scolaires (octobre 2023).
En janvier dernier, le RN tente de profiter de la colère des agriculteurs, cherchant à s’imposer comme le principal relais de leur désarroi. Marine Le Pen déclare même sur X « Nous sommes comme toujours aux côtés de nos agriculteurs, lâchés par le gouvernement, passés à la moulinette de l’UE qui les submerge de normes, négocie dans leur dos des traités de libre-échange mortifères. » Pourtant, lors du vote pour soutenir financièrement les filières agricoles bio en situation de crise de novembre 2023, les sept députés frontistes présents s’abstiennent. Même chose lors du vote pour instaurer des prix planchers pour les agriculteurs en avril 2024.
2. Réac
Le groupe vote contre la proposition de loi visant à renforcer l’accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique (juin 2023), en opposition à tous les autres groupes de l’Hémicycle.
Ils déposent un amendement pour supprimer l’article établissant l’interdiction des charcuteries contenant des additifs nitrités cancérogènes (mars 2023) et votent contre l’option végétarienne quotidienne dans les cantines scolaires (avril 2023).
Ils s’opposent également à la proposition de loi portant reconnaissance et condamnation du massacre d’Algériens à Paris le 17 octobre 1961, tout en s’abstenant sur le renforcement des sanctions contre les infractions à caractère raciste, antisémite ou discriminatoire (février 2024).
3. Anti-écolo
Les parlementaires du RN déposent une proposition de loi pour supprimer l’obligation de rénovation des passoires thermiques (août 2021), prévue par l’article 160 de la loi Climat et Résilience. Ils tentent ensuite de diminuer la TVA sur le gaz et les carburants, de 20 % à 5,5 % (novembre 2022). Leur texte n’est pas ciblé sur les ménages les plus précaires.
A rebours de tous les autres groupes de l’Assemblée nationale, les députés RN votent contre un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins puis contre l’accélération des énergies renouvelables (janvier 2023). La députée Alexandra Masson porte un amendement visant à supprimer la proposition de loi écologistemettant fin aux vols en jets privés (avril 2023) qui, selon elle, « vise à interdire plutôt qu’à chercher des solutions alternatives. »
L’écologie façon RN, de l’arrêt des éoliennes à la défense des pesticides
Quelques mois plus tard, les députés se prononcent contre l’amendement obligeant les entreprises financées par le plan France 2030 à publier un bilan carbone.
Et lors de l’examen du projet de loi d’orientation agricole, le RN dépose des amendements pour accélérer la construction de mégabassines, prolonger l’utilisation des pesticides, s’opposer à la diminution de l’élevage et supprimer les objectifs de décarbonation du secteur agricole (mai 2024).
4. Ambigu sur l’Ukraine
En novembre 2022, les députés frontistes s’abstiennent lors de la proposition de résolution soutenant l’Ukraine et condamnant la guerre menée par la Russie. Même scénario lors de la déclaration du gouvernement sur la stratégie d’aide à l’Ukraine, en mars 2024.
Il y a quelques semaines, lorsque le président ukrainien Volodymyr Zelensky s’est exprimé dans l’Hémicycle, les parlementaires du Rassemblement national, en très faible nombre, ne se sont pas levés pour l’accueillir, comme les autres députés qui lui ont fait une standing ovation. Marine Le Pen, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale, est restée assise.
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5. Dérapages
Dès le premier jour de la XVIe législature, en juin 2022, le député RN José Gonzalez, profitant de la tribune qui lui était offerte en tant que doyen de l’hémicycle, fait l’apologie de l’Algérie française : « Enfant d’une France d’ailleurs, arraché à sa terre natale et envoyé sur les côtes provençales en 1962, j’ai laissé là-bas une partie de ma France et beaucoup d’amis. Je suis un homme qui a vu son âme à jamais meurtrie. » De retour dans la salle des Quatre-Colonnes, il ne revient pas sur ses propos et déclare aux journalistes « Venez avec moi en Algérie, je vais vous trouver beaucoup d’Algériens qui vont vous dire “quand est-ce que vous revenez, vous, les Français ?” ». Il estime ensuite que la France n’a pas commis de crimes de guerre, et ajoute, à propos de l’Organisation Armée secrète (OAS), « Non, je ne suis pas là pour juger si l’OAS a commis des crimes ou pas. L’OAS, je ne sais même pas bien ce que c’était. »
Cinq mois après, c’est l’élu de Gironde, Grégoire de Fournas, qui se fait connaître pour avoir crié « Qu’il retourne en Afrique ! », au moment où le député insoumis Carlos Martens Bilongo évoquait la situation de 234 migrants secourus au large de la Libye. Le frontiste est exclu du Palais-Bourbon pendant 15 jours.
Mais les déclarations problématiques ont surtout lieu en dehors de l’Assemblée nationale.
Notamment sur les réseaux sociaux. Après le drame de Crépol le 24 novembre 2023, Christophe Barthès, élu de l’Aude, écrit sur X (ex-Twitter) : « Le combat continue, jusqu’à ce que la racaille succombe à son tour. »
Au moment de la manifestation des agriculteurs en janvier, c’est encore une fois Christophe Barthès, aux côtés de ses collègues parlementaires Frédéric Falcon et Julien Racoul, qui suscite la polémique. Les trois élus RN posent en photo devant une banderole portant l’inscription “Va faire la soupe salope”, en référence à l’insulte sexiste d’un agriculteur le 13 juin à l’encontre de la députée écologiste Sandrine Rousseau et de la secrétaire nationale des Verts Marine Tondelier.
6. Peu assidu
Si le Rassemblement national était le premier parti d’opposition dans la précédente législature, il n’a réussi à faire voter qu’une cinquantaine d’amendements, le score le plus faible de tous les groupes parlementaires.
Beaucoup d’élus frontistes se caractérisent par une faible assiduité. Marine Le Pen, bien que présidente de groupe, fait partie des 150 députés les moins actifs en commissions parlementaires, elle n’a écrit aucun rapport pendant son mandat et n’a proposé que 101 amendements, trois fois moins que le député socialiste Boris Vallaud, pour ne citer que cet exemple. En revanche, elle s’illustre par de longues diatribes, faisant partie des 150 parlementaires les plus actifs en interventions courtes et longues au perchoir, souvent reprises sur les réseaux sociaux du RN.
Sébastien Chenu, le vice-président du Rassemblement national, fait partie des élus les moins actifs en termes d’intervention dans les commissions… Mais des plus constants pour les interventions longues et courtes dans l’hémicycle, toujours pour alimenter les réseaux sociaux du parti et les chaînes info.
Dans la même veine, Jean Philippe Tanguy, député de la Somme, se fait remarquer dès les premières semaines de la mandature avec des prises de parole enflammées. Il fait cependant partie des 150 députés les moins actifs dans la rédaction de rapports.
Laure Lavalette, députée du Var, figure dans la liste des 150 parlementaires les moins actifs en termes de semaines d’activité – semaines où elle a été présente en commission, a pris la parole dans l’hémicycle ou a participé physiquement à un scrutin public. Comme les autres élus RN, elle prend régulièrement la parole au perchoir.
Au final, le Rassemblement national représente 15 % de l’ensemble de l’hémicycle mais ne comptabilise que 9 % des interventions en commission, le score le plus faible de tous les groupes d’opposition, avec 105 interventions contre 258 pour les socialistes ou 164 pour Les Républicains. Il est à l’origine de 10,7 % des amendements proposés, soit 188 amendements en moyenne par député, face aux 453 des socialistes ou 498 des Républicains. Sur toute la législature, un député RN est, en moyenne, à l’origine de trois propositions de lois écrites, contre 5 pour un socialiste et 10 pour un Républicain.