Comment cette entreprise normande est devenue leader mondial des distributeurs de pizzas
Ils essaiment un peu partout sur le territoire. Avec plus de 4.000 points de vente recensés à ce jour, la France est devenue en l'espace de vingt ans le premier marché des distributeurs automatiques de pizzas. Implantées aussi bien en ville qu'en zones rurales, ces machines longtemps boudées par les consommateurs et les restaurateurs font désormais les beaux jours d'Adial, une PME normande leader mondial du secteur.
Basée à Lisieux (Calvados), cette entreprise de 140 employés a produit plus de la moitié des distributeurs installés dans l'Hexagone. Depuis 2019, plus de 300 machines sortent de ses ateliers chaque année, soit dix fois plus qu'il y a dix ans.
Remplacer les distributeurs de DVD
La success story d'Adial démarre en 2002. À l’époque, son fondateur, Max Petit, s'intéresse aux espaces laissés vacants par les distributeurs de DVD qui disparaissent les uns après les autres. L'idée lui vient alors de mettre au point une machine capable de fournir des pizzas fraîches précuites 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Mais les débuts de l'entreprise sont timides. Sur les 12 premières années d'activité, seuls 200 "PizzaDoor" sont produits.
"On était encore dans une ère où acheter des repas à une machine était un sacrilège. Les artisans avaient aussi du mal avec l'idée de mettre leurs pizzas dans une machine", souligne Vincent Le Gouic, président d'Adial depuis 2015.
"Mais on était déjà leader mondial, parce que c'était un marché de niche", ironise cet ancien dirigeant de chez Arcelormittal.
Avec le temps, les mentalités changent: "On a commencé à intéresser un certain nombre de restaurateurs qui ont compris que ces distributeurs étaient un moyen pour eux de développer leur activité sans avoir à ouvrir un autre établissement", se souvient Vincent Le Gouic. Au milieu des années 2010, les ventes bondissent et la croissance du chiffre d'affaires d'Adial atteint 50% par an.
Dans le même temps, les équipes d'ingénieurs et techniciens travaillent au perfectionnement de leurs machines en accélérant notamment sur la digitalisation (machines 100% tactiles, paiement sans contact, possibilité de commander en ligne…).
Surtout, l'entreprise met le paquet pour améliorer la qualité des pizzas sorties des distributeurs en intégrant de nouveaux supports de cuisson et en améliorant la performance de ses fours pour séduire davantage de clients: "On a beaucoup travaillé sur ce système. Rien ne marche si le produit n'est pas qualitatif", indique Vincent Le Gouic.
Un succès dans les zones rurales
Les années passent et Adial continue de grandir. En 2020, l'entreprise ne pâtit pas vraiment du Covid. Au contraire, la PME normande explose les compteurs avec une croissance de 100% en 2021 et 2022, au sortir de la pandémie.
"Le Covid a été un catalyseur, il y a eu un effet accélérateur", observe Vincent Le Gouic.
C'est durant cette période que ceux qui avaient hésité à acquérir un "PizzaDoor" sautent le pas, constatant le succès de ceux qui en exploitaient déjà.
Et pour cause, le patron d'Adial assure que son produit présente de très nombreux avantages pour les restaurateurs: "Quand vous avez une pizzeria qui marche bien, soit vous ouvrez un autre restaurant, soit vous déménagez pour avoir un établissement plus grand", explique-t-il. Des démarches lourdes qui représentent un coût bien plus important que l'investissement dans un distributeur (50.000 euros environ).
Sans compter que cette solution permet de toucher une autre clientèle dans les zones rurales où il est souvent difficile de faire tourner un établissement physique: "C'est l'essentiel du succès: les restaurateurs qui ont installé des distributeurs dans des endroits où il n'y avait pas de zone de chalandise pour ouvrir un restaurant", poursuit Vincent Le Gouic, affirmant de surcroît que la mise en place d'une machine à pizza peut améliorer "les conditions de vie des artisans", lesquels sont plus libres d'aménager les horaires d'ouverture de leurs restaurants comme ils l'entendent, tout en continuant leur activité.
Les consommateurs y trouvent également leur compte, notamment dans les villages où les commerces de proximité sont peu nombreux et "où les services de livraison n'existent pas", rappelle le dirigeant. Mais le succès est aussi au rendez-vous en zones urbaines, notamment sur les parkings de supermarchés.
L'aventure à l'international
80% des clients d'Adial sont aujourd'hui des pizzerias. Les autres sont restaurateurs, boulangers, voire des personnes en reconversion qui veulent se constituer un parc de "PizzaDoor". L'entreprise, qui affirme que sa machine la plus performante est capable de générer un chiffre d'affaires de 500.000 euros, intervient en cas de panne mais les cas sont rares:
"On a des machines extrêmement durables, il y a relativement peu de maintenance. On a une machine qui a 18 ans et qui fonctionne encore", témoigne Vincent Le Gouic.
Chacun des distributeurs se compose d'une zone réfrigérée dans laquelle les pizzas, préparées à l'avance et précuites, sont stockées. Lorsque que le consommateur passe commande, la pizza choisie est récupérée par la machine avant d'être mise dans le four deux à trois minutes et de lui appliquer les paramètres de cuisson qui correspondent au type de pizza sélectionnée. À moins que le client ne choisisse de retirer sa pizza froide s'il souhaite la manger plus tard à son domicile.
Grâce à ce savoir-faire, Adial affiche aujourd'hui un chiffre d'affaires de plus de 40 millions d'euros. Ses machines s'exportent désormais dans le monde entier: en Espagne, en Belgique, en République tchèque, en Finlande, au Royaume-Uni, en Australie, en Mongolie, mais aussi en Amérique du Nord où la PME a scellé des accords de distribution et d'assemblage en installant une usine à Toronto, même si cette expansion n'est encore qu'au stade "embryonnaire" avec quelque 300 distributeurs implantés dans une trentaine de pays, selon son président.
L'Allemagne, où Adial a décidé d'exploiter elle-même ses machines, est un cas à part: là-bas, "il n'y a quasiment pas de pizzerias et celles qui existent sont souvent tenues par des Italiens qui n'achètent pas de machines, c'est pour ça qu'on y a été nous-mêmes", explique Vincent Le Gouic.
"Les marchés sont différents" d'un pays à l'autre, ajoute-t-il. Parfois pour des raisons culturelles. Impossible par exemple d'envisager une implantation de l'autre côté des Alpes, au pays de la pizza. Quant aux autres marchés où Adial exporte, le succès des distributeurs n'est pas encore aussi flamboyant que dans l'Hexagone.
"Une des erreurs est de considérer que ce serait pareil ailleurs. Mais le marché de la pizza en France est unique au monde. La principale différence c'est qu'en France, 80% des pizzas sont le fait d'artisans. Dans les pays anglo-saxons, 80% des pizzas viennent de chaînes", analyse le patron d'Adial, jugeant que "quand il n'y a pas d'artisans, il faut changer d'approche".
Des distributeurs à paninis et tacos
Les chaînes, qui ont longtemps considéré que la gestion d'un parc de distributeurs n'était pas compatible avec leur business model, semblent y être de moins en moins réfractaires. Y compris en France où Domino's Pizza s'est tourné vers Adial après avoir annoncé l'an dernier l'ouverture d'une centaine de distributeurs pour toucher des clients au-delà des ses zones de livraison.
D'autres enseignes pourraient toquer à la porte d'Adial alors que l'entreprise tente de diversifier son activité en proposant des distributeurs de paninis et tacos depuis 2022. "Dans un groupe, il y a toujours quelqu'un qui ne veut pas de pizza. On a testé le concept: quand on met une machine de panini à côté d'une machine à pizzas, il y a bien sûr des ventes de paninis mais ça augmente aussi les ventes de pizzas", souligne Vincent Le Gouic.
L'entreprise normande vient également de mettre au point des casiers secs et réfrigérés alimentés de produits frais locaux destinés aux habitants des zones les plus reculées: "Dans les zones rurales il n'y a pas de commerce de proximité. Si vous voulez manger local, il faut faire des kilomètres d'une ferme à l'autre. Comme les petits marchés ruraux ont quasiement disparu, on s'est dit qu'on allait installer des 'places de marché automatiques'", détaille le président d'Adial qui dit vouloir "s'occuper des oubliés".