France-Belgique : Dézonage, contre-emploi, manque de jus… Mbappé peut-il encore courir comme à la belle époque ?

Après une saison très compliquée du côté du PSG et une fracture du nez contre l’Autriche, Mbappé peine à redevenir le monsieur plus de l’équipe de France cet été à l’Euro

ANALYSE - Après une saison très compliquée du côté du PSG et une fracture du nez contre l’Autriche, Mbappé peine à redevenir le monsieur plus de l’équipe de France cet été à l’Euro

De notre envoyé spécial à Düsseldorf,

Deux matchs, un nez fracturé, un but sur péno et cinq masques testés. Voilà pour les statistiques de Kylian Mbappé depuis le début de l’Euro. Mais au-delà des chiffres et de l’inefficacité du futeur buteur du Real Madrid, c’est l’impression générale et visuelle qui crie « problemos » avec Mbappé depuis son arrivée en Allemagne. Avant de mettre la tête dans le guidon et d’analyser en détail ce qui cloche dans les courses du champion du monde 2018, il faut d’abord évoquer son positionnement qui n’est pas non plus sans poser question.

A ce titre, le match contre la Pologne vendredi dernier à Dortmund est un résumé parfait des limites du système « tout pour Kyky » mis en place par Didier Deschamps cet été. En positionnant son facteur X en pointe, que ce soit dans le 4-2-3-1 contre l’Autriche ou, plus encore, dans le 4-3-3 face aux Polonais, le sélectionneur a pu constater que celui-ci ne jouait finalement que très peu en position d’avant-centre. Il suffit de jeter un œil à sa heatmap pour s’en convaincre.

Mbappé penche encore largement à gauche (sur le terrain seulement). - Sofascore

Pour bien comprendre le pourquoi du comment, « on doit tenir compte de ce que répète Deschamps depuis le début de l’Euro, à savoir que Mbappé est libre », pose Yacine Hamened, éducateur et chroniqueur pour Paris United et le Club des 5. « C’est à l’équipe de s’adapter en permanence. S’il a envie d’aller à gauche, à droite, s’il a envie de décrocher, quelqu’un doit tout le temps compenser. Ça explique le fait qu’on l’a souvent retrouvé du côté de Barcola et très peu à la pointe du 4-3-3, où il était censé être, au moins sur le papier. »

Deux actions symptomatiques

Et pas qu’un peu. Car comment se donner toutes les chances de marquer des buts si, à la réception des centres de Théo Hernandez, Barcola ou Dembélé, c’est Casper le gentil fantôme qui est dans la surface adverse ? Prenons deux exemples où Mbappé a brillé par son absence dans les seize mètres adverses contre la Pologne.

• Action numéro 1

Mbappé choisit d'offrir une solution en soutien à Barcola. - Capture d'écran

» A l’arrêt sans possibilité d’avoir le ballon, Mbappé délaisse la surface de réparation alors qu’il connaît la qualité de débordement de Barcola, son coéquipier au PSG la saison dernière.

Le démarrage de Mbappé est beaucoup trop tardif. - Capture d'écran

> Résultat, le temps que Mbappé lance sa course, Barcola est déjà en position de centrer.

• Action numéro 2

J'y vais, j'y vais pas ? - Capture d'écran

>  Cette action-là est encore plus criante, limite à s’arracher les cheveux. Toujours avec Barcola, qui récupère un ballon très bas et claque une accélération folle alors que l’équipe polonaise n’a pas eu le temps de se replier. Devant Mbappé, un boulevard.

Oh non flemme. Mais donne-moi quand même la balle, frérot. - Capture d'écran

> Pourtant que fait l’attaquant français ? Il décide de ne pas suivre et, pire, il a le culot de réclamer le ballon en retrait dans une situation qui exige de prendre la profondeur, sans compter que la ligne de passe est absolument fermée et que Barcola ne peut pas la lui donner.

Bon ben démerde-toi tout seul. - Capture d'écran

> Résultat, voyant qu’il est abandonné en rase campagne, l’ailier parisien n’a d’autres choix que de frapper.

«Ã‚ Mbappé fuit naturellement l’axe pour revenir régulièrement à gauche, car c’est là qu’il se sent le plus fort et le plus confortable, en ayant le jeu face à lui et les épaules déjà orientées vers le but, sur son pied droit. Il faisait souvent ça cette saison déjà, notamment lors de la double confrontation contre Dortmund », analyse Alex Teklak, ancien footballeur professionel belge désormais consultant dans les médias.

Moins de jus, moins de sprints

Mais s’il n’y avait que ça, encore. La deuxième action évoquée plus haut traduit peut-être autre chose qu’une simple frilosité pour ce rôle de renard des surfaces. On en vient alors à la question des capacités physiques du capitaine de l’équipe de France, lui qui sort d’une deuxième partie de saison au rythme contrarié pour les raisons que l'on sait. « Mentalement, je suis prêt à tout pour essayer de gagner cet Euro. Pour le moment, j’ai la tête et demain on verra si j’ai les jambes », avait-il déclaré avant le premier match contre l’Autriche.

Force est de constater après deux matchs que la réponse n’est pas forcément celle espérée. Même si, d’un point de vue des chiffres, cela ne se ressent pas. Mbappé a couru environ huit kilomètres par match depuis le début de l’Euro, soit un tout petit peu moins que sa moyenne habituelle en club ces dernières saisons (autour de 8,5).

«Ã‚ C’est pour ça que les stats ont leurs limites. Il court grosso modo les mêmes distances qu’avant mais je suis certain qu’il y a beaucoup, beaucoup moins de courses à haute intensité, juge Yacine Hamened. Est-ce qu’il ne veut pas les faire ou est-ce qu’il n’a pas les jambes pour ? On a vu beaucoup de situations cette saison avec le PSG où il ne faisait pas les courses en profondeur, même quand la contre-attaque se développait. Je ne veux pas croire que c’est une question d’envie mais une histoire de jambes et de coffre. »

« C’est un peu le prolongement de sa saison avec Paris, embraye Teklak. Je pense qu’il a traîné ça toute la saison et ça s’est senti très fort, notamment lors de la double confrontation contre Dortmund en demi-finale de Ligue des champions. Il semblait moins convaincu par tout ce qu’il faisait. »

«Ã‚ Je pense qu’il est en train de ''payer'' son comportement de la saison dernière, prolonge l’auteur des Hors-jeu du football français : Le coup de gueule d’un éducateur, chez Talent Sport. Avant, sur les huit kilomètres qu’il courait, il faisait 25, 30, 35 sprints. Aujourd’hui avec le PSG il doit en être à 15 ou 20. Je compare souvent ça aux gens qui courent des 10 kilomètres. Si tu t’entraînes pendant deux mois pour le courir en soixante minutes, il y a très peu de chance pour que le jour J tu le coures en trente-huit minutes. » « Ce n’est pas en dix jours de préparation que tu récupères toutes tes capacités physiques, valide Teklak. Je pense qu’il lui faut beaucoup plus de temps pour récupérer entre chaque course à haute intensité qu’avant. »

Quand Mbappé ne veut plus faire du Mbappé

Reste un dernier point, plus général celui-ci. Au-delà d’un déficit physique somme toute compréhensible, ne faut-il pas voir dans cette évolution du jeu de Mbappé la volonté de changer de registre et d’évoluer, certes beaucoup plus tôt dans sa carrière, à la manière d’un Cristiano Ronaldo sur ces dernières années au Real et à la Juve ?

«Ã‚ Je pense depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs saisons, qu’il ne veut plus être réduit à un joueur rapide qui fait la différence avec sa vitesse, acquiesce Hamened. Donc il vient chercher des ballons plus bas pour combiner, organiser le jeu. Il a envie de prouver que ce n’est pas qu’un vulgaire 'tout droit', même si moi je ne l’ai jamais réduit à ça. »

Si l’idée peut s’entendre, un joueur ayant besoin tout au long de sa carrière de se renouveler pour ne pas devenir trop lisible pour ses adversaires, attention en revanche à ne pas changer du tout au tout, au risque d’oublier en route ce qui a fait sa force première. « Je ne sais pas si ça vient de son entourage ou si c’est sa réflexion personnelle, mais je pense qu’il se trompe dans cette évolution qui est trop marquée à mon sens », conclut Hamened. On attend qu'une prise de profondeur létale face à la Belgique pour nous faire mentir.

FootballEuro 2024 : « Tacler Mbappé au tibia », la Fédé belge s’excuse après une vidéo « censée être humoristique »FootballEuro 2024 : Fuites dans la presse et management critiqué… Deschamps est-il en train de perdre son groupe ?