Assurance chômage : le gouvernement suspend sa réforme après la claque aux législatives, les règles actuelles prolongées
Gabriel Attal à Ternay, le 28 juin.
Il n’y aura pas de nouvelle réforme de l’assurance chômage, du moins pas tout de suite, et pas comme le gouvernement sortant l’envisageait. Matignon a annoncé ce dimanche 30 juin au soir, dans la foulée des premiers résultats du premier tour des élections législatives, que le décret concrétisant son nouveau tour de vis à l’encontre des demandeurs d’emploi serait remplacé lundi, date prévue de sa publication, par un «décret de jointure» prolongeant les règles d’indemnisation actuelles. Le renoncement est symbolique – c’est la première fois que le gouvernement recule sur une réforme de l’assurance chômage – et traduit la difficulté dans laquelle il se trouve.
«Gabriel Attal a décidé ce soir de suspendre la mise en Å“uvre de la réforme de l’assurance chômage, dont la parution du décret était prévue demain», a annoncé son entourage dans la soirée, alors que la majorité sortante se retrouve en difficulté face au RN et au Nouveau Front populaire, les deux principales forces du scrutin, toutes deux opposées au projet. «Cette réforme pourra ainsi faire l’objet d’aménagements, de discussions entre forces républicaines. Il s’agit du premier acte de Gabriel Attal dans l’esprit des futures majorités de projets et d’idées qu’il a évoquées ce soir», précise Matignon. «Le gouvernement ne souhaite pas avancer sur le sujet sans en parler à la future Assemblée et aux parlementaires nouvellement élus», corrobore parallèlement un conseiller de l’exécutif auprès de Libération.
Un «décret de jointure» publié lundi
Le «décret de jointure» devrait donc être publié lundi 1er juillet au Journal officiel, qui paraîtra exceptionnellement ce jour de la semaine. La publication du décret originellement prévu aurait été la source de polémiques dans l’entre-deux-tours, quand bien même le nouveau tour de vis ne devait concrètement s’appliquer qu’à compter du 1er décembre. Celui-ci prévoyait en effet un double calendrier. Dans l’immédiat et pour cinq mois, les règles actuellement en vigueur ne devaient pas bouger. Les nouvelles règles, elles, devaient être appliquées à compter du 1er décembre, le temps que France Travail les intègre dans son système. Elles prévoyaient notamment que huit mois de travail sur les vingt derniers soient nécessaires pour ouvrir des droits (contre six sur vingt-quatre actuellement), que la durée maximale d’indemnisation soit réduite à quinze mois (contre dix-huit), et qu’il faille désormais avoir 57 ans ou plus (contre 53 ans actuellement) pour bénéficier d’une indemnisation rallongée (plafonnée à 22,5 mois contre 27 actuellement).
Seule contrepartie proposée à ces reculs pour les salariés : un «senior» qui aurait repris un emploi moins bien rémunéré que le précédent devait se voir verser par l’assurance chômage un complément lui permettant de retrouver le même niveau de salaire, pour une durée d’un an. Cinq jours avant le premier tour, le Premier ministre, Gabriel Attal, avait par ailleurs assuré qu’en cas de victoire de la majorité sortante aux législatives, il souhaitait «généraliser» le système de bonus-malus mis en place en 2021 dans sept secteurs pour décourager l’abus de contrats courts.
Dans les tout premiers jours suivant la dissolution de l’Assemblée nationale, l’exécutif a d’abord semblé hésiter sur le sort à réserver à cette réforme, pas aussi impopulaire que celle des retraites l’année dernière, mais jugée néfaste, ou a minima inutile, par de nombreux économistes et plusieurs membres de la majorité. Le mercredi 12 juin, à l’occasion d’une conférence de presse, Emmanuel Macron évoquait de possibles discussions post-législatives sur les «modalités» d’application du projet, et semblait donc ouvert à son assouplissement. Mais dès le lendemain, Gabriel Attal, chargé de mener la campagne pour la majorité sortante, assurait sur France Inter qu’«un décret sera[it] pris d’ici au 1er juillet pour cette réforme». Le gouvernement arguait en effet que ce décret était en tout état de cause nécessaire pour que les chômeurs puissent encore être indemnisés après le 1er juillet, date d’échéance des règles actuelles. Les syndicats, eux, défendaient l’idée d’un nouveau «décret de jointure» pour proroger ces règles, comme le gouvernement l’avait lui-même fait à la fin de l’année 2023. Demande finalement exaucée, avec l’aide d’une crise politique.