En Turquie, de violences anti-syriennes éclatent, les Syriens répliquent avec des manifestations meurtrières

Les réfugiés syriens : enjeu des tensions en Turquie et en Syrie. Ici, des réfugiés dans le quartier de Ulus à Ankara en Turquie, le 23 octobre 2022.

L’arrestation d’un homme syrien soupçonné de harcèlement sur une fillette de son entourage a déclenché de véritables pogroms contre des commerces appartenant à la communauté syrienne dans la ville anatolienne de Kayseri. Les violences se sont propagées dans d’autres villes du pays et ont également déclenché des manifestations anti-turcs du côté syrien de la frontière. Mardi 2 juillet, la police turque a annoncé l'arrestation de 474 personnes, tandis qu'au moins sept personnes sont mortes côté syrien.

La peur règne au sein de la communauté syrienne de Turquie depuis lundi 1er juillet. La nouvelle de l’arrestation d’un homme syrien soupçonné de harcèlement contre une enfant de sept ans a embrasé la ville de Kayseri en Anatolie, dans le centre de la Turquie, rapporte notre correspondante à Istanbul, Céline Pierre-Magnani.

Des expéditions punitives ont été organisées dans des quartiers habités par des réfugiés syriens. Des commerces ont été vandalisés, voire brûlés, et de nombreux slogans xénophobes circulaient sur les réseaux sociaux. Les autorités turques ont arrêté 474 personnes ayant participé à ces émeutes anti-syriennes, a annoncé mardi 2 juillet le ministre turc de l'Intérieur. La police a par ailleurs renforcé la sécurité autour du consulat syrien à Istanbul, a constaté un journaliste de l'AFP.

Des violences constatées dans plusieurs villes du pays

Les violences se sont propagées dans d’autres villes du pays, dont Istanbul. Depuis la guerre en Syrie, le pays accueille une importante population syrienne, soit 3,2 millions de personnes à l’heure actuelle, sur 85 millions d'habitants en Turquie. S’ils avaient été bien reçus au début, les tensions autour des Syriens réfugiés en Turquie se sont durcies ces dernières années, dans un contexte de grave crise économique.

Le gouvernorat de Kayseri a appelé les habitants à la retenue, précisant dans un communiqué que l'enfant victime de harcèlement, âgée de cinq ans, possédait aussi la nationalité syrienne. Le président turc Recep Tayyip Erdoğan avait condamné lundi cette dernière vague de violence à l'encontre de l'importante communauté de réfugiés syriens en Turquie.

La question syrienne a été l’objet de récupération politique lors des dernières élections en Turquie et des pogroms avaient déjà eu lieu, notamment dans le quartier d’Altindaga, à Ankara, en 2021. Cette nouvelle flambée de violence survient alors que la communauté syrienne continue de vivre dans la peur des reconduites arbitraires à la frontière qui se sont multipliées ces dernières années.

Des violences en réaction en Syrie contre des intérêts turcs

En réaction, des heurts dans des secteurs frontaliers contrôlés par la Turquie ont éclaté entre des manifestants et des gardes de positions turques. Sept personnes y ont été tuées, dans le nord de la Syrie, , selon un nouveau bilan fourni mardi 2 juillet par une source médicale et une ONG.

Des centaines de personnes ont manifesté lundi dans plusieurs villes syriennes de cette bande frontalière, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), en réaction aux attaques menées la veille par des groupes d'hommes contre des biens et commerces syriens à Kayseri, dans le centre de la Turquie.

Les manifestations anti-turques ont éclaté presque simultanément en 15 points différents. Le principal foyer ayant été observé à Afrine, un ancien fief kurde. D’importants heurts se sont également produits à l’ouest d’Alep, dans des régions contrôlées par les jihadistes de Hayaat Tahrir al-Cham, rappporte notre correspondant régional, Paul Khalifeh.

Les cibles privilégiées des manifestants, dont une partie portait des armes, ont été les positions militaires et les symboles de l’influence turque, les points de passage frontaliers entre les deux pays, ainsi que les camions et véhicules immatriculés en Turquie.

Mouvement spontané ou organisé ?

La rapidité avec laquelle le mouvement de protestation s’est propagé, avec un mode opératoire globalement identique mis en œuvre par les manifestants, suscite un certain nombre de questions sur le caractère spontané de ces manifestations. Même si les images des violences anti-syriennes en Turquie ont provoqué la colère d’une grande partie de la population d’Alep et d’Idleb, un mouvement de cette ampleur nécessite un minimum de planification et d’organisation.

Ces protestations interviennent dans un contexte particulier, quelques jours seulement après des propos jugés conciliants du président Recep Tayyip Erdoğan à l’intention de son homologue syrien Bachar al-Assad. Les principaux perdants d’un éventuel rapprochement syro-turc seraient les Kurdes et les jihadistes. C’est justement dans des zones d’influence de ces acteurs que les heurts les plus importants se sont produits.

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