Immigration : sur quoi s’appuie Gérald Darmanin pour affirmer que la moitié des autoentreprises sont créées par des sans-papiers ?

immigration : sur quoi s’appuie gérald darmanin pour affirmer que la moitié des autoentreprises sont créées par des sans-papiers ?

Gérald Darmanin à l’Assemblée nationale le 28 novembre.

Le 11 décembre débutera à l’Assemblée l’examen en séance publique du projet de loi visant à «contrôler l’immigration» et «améliorer l’intégration», plus simplement appelé «projet de loi immigration». Les députés se pencheront sur le texte voté mi-novembre par le Sénat, puis largement remanié par la commission des lois de l’Assemblée nationale, qui a occupé toute sa semaine dernière à discuter des divers amendements déposés par ses membres. Durant les débats, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, a mis en avant un chiffre inédit : la moitié des créations d’autoentreprises seraient le fait d’étrangers présents illégalement en France.

Le chiffrage avancé devant les députés de la commission des lois par le ministre a, dans la foulée, été repris par différents médias d’extrême droite, notamment Fdesouche et Livre noir, dont le directeur de la rédaction est allé expliquer sur le plateau de CNews : «Aujourd’hui, un étranger illégal peut créer son autoentreprise quand un Français a du mal à créer sa SAS [société par actions simplifiée]».

Plusieurs des élus de gauche de cette commission avaient déposé des amendements visant à supprimer l’article 5 du projet de loi, qui tous ont été rejetés. L’article en question, qui inscrit dans la loi l’obligation de fournir un titre de séjour pour obtenir le statut d’autoentrepreneur, subsiste donc dans le texte qui va être discuté en séance publique. Dans le détail, cette disposition prévoit d’insérer, au milieu de l’article du Code de commerce définissant l’entrepreneur individuel, un alinéa disposant que «le statut d’entrepreneur individuel n’est pas accessible aux étrangers ressortissants de pays non-membres de l’Union européenne, d’un autre Etat partie à l’Espace économique européen ou de la Confédération suisse ne disposant pas d’un titre de séjour les autorisant à exercer sous ce statut». Il s’agit de la rédaction de l’article telle qu’adoptée par le Sénat, puisque dans sa version initiale il ne mentionnait que les «pays non-membres de l’Union européenne».

«Salariés déguisés de plateformes»

Pour attester de la nécessité de cette mesure, le ministre de l’Intérieur, principal artisan du projet de loi immigration qui a été à ce titre entendu par la commission des lois tout au long de l’examen du texte, a esquissé un chiffrage des étrangers en situation irrégulière travaillant sous le statut d’autoentrepreneur. Jeudi 30 novembre, Gérald Darmanin a ainsi déclaré : «aujourd’hui il y a 100 000 autoentreprises créées sur ce principe, et on évalue entre 50 000 et 60 000 le nombre de personnes irrégulières qui seraient assujetties à ce principe». Quelques instants après, le ministre a répété : «Là on parle de 100 000 [individus] dont la moitié – [c’est] évidemment difficile à vérifier, puisqu’on n’a pas ces papiers – seraient irréguliers. Pas seraient devenus irréguliers, sont irréguliers quand ils le créent [leur statut d’autoentrepreneur].» Et quelques minutes plus tard, a encore martelé : «sur 100 000 créations d’autoentreprises par an, à peu près, nous considérons – mais ce sont évidemment des contrôles qui ne sont pas scientifiques, dans la mesure où par nature, ce qui est fraudé ou irrégulier n’est pas parfait dans la comptabilité – [que] c’est à peu près la moitié de ces 100 000, [donc] 50 000 personnes, qui sont irrégulières».

Soit, selon Gérald Darmanin, autant de «personnes qui ont un statut validé par Bercy, qui payent des impôts, qui payent des cotisations», susceptibles de «demander à être régularisées» et d’exprimer leur incompréhension en ces termes : «le ministère des Finances me demande de pouvoir travailler puisque j’ai un statut fiscal, et le ministère de l’Intérieur me demande de partir parce que j’ai une OQTF [une obligation de quitter le territoire français, ndlr]». Tous ces travailleurs sous le statut d’autoentrepreneur «ne sont pas dans une situation où ils auraient créé leur propre autoentreprise pour profiter du système, pour être régularisés […] Il y en a qui le sont car on les a obligés à le faire, pour être en fait des salariés déguisés de plateformes [de livraison de repas et de chauffeurs VTC] ou d’autres situations» – le ministre cite les secteurs du bâtiment, de la restauration et du nettoyage.

Dès lors, poursuit Gérald Darmanin, que «les plateformes refusent de réguler elles-mêmes en demandant le titre de séjour des personnes qui créent leur statut d’autoentrepreneurs», le gouvernement entend inscrire ce principe dans la loi afin d’être en mesure de «forcer les plateformes à accepter que l’Etat demande des papiers réguliers quand on veut créer sa boîte d’autoentreprise».

Le 8 novembre déjà, Darmanin avait revendiqué devant les sénateurs (qui ont rétabli l’article 5, précédemment supprimé par la commission des lois du Sénat) l’existence d’une «filière d’immigration irrégulière» basée sur «la création d’autoentreprises sans vérification de la régularité du séjour». Et évoquait alors «plus de 100 000 autoentreprises dans ce genre de fonctionnement, notamment sur les plateformes». Un chiffre à mettre en parallèle avec les 4,3 millions de microentreprises (synonyme d’autoentreprises) que comptait la France en 2021, ou bien les 656 400 créations d’entreprises individuelles sous le régime du microentrepreneur recensées en 2022, selon les données de l’Insee.

Carte d’identité italienne

Mais d’où sortent les statistiques citées par Darmanin ? L’étude d’impact du projet de loi, rendue le 1er février dernier, suggère qu’à cette date elles n’existaient pas. On y lit qu’«une part non évaluable des autoentrepreneurs commerçants et artisans étrangers sont dépourvus de titre de séjour», ou encore que «l’évaluation des impacts budgétaires de cette mesure [celle prévue à l’article 5] nécessiterait de pouvoir évaluer le nombre d’entrepreneurs individuels en situation irrégulière. Or, cette donnée n’est par définition pas connue». Sollicités à ce sujet, aussi bien le ministère délégué aux Petites et Moyennes Entreprises, que ceux de l’Economie et du Travail, se retranchent derrière le ministère de l’Intérieur. Lui-même nous renvoie à la direction générale des étrangers en France (DGEF), dont CheckNews attend toujours la réponse.

Surtout, les propos du ministre de l’Intérieur peuvent laisser penser que des étrangers présents illégalement sur le territoire sont en droit de créer des autoentreprises sans être contrôlés. Or, depuis le 1er janvier, toute déclaration de création d’entreprise se fait sur le Guichet électronique des formalités d’entreprises (ou Guichet unique) de l’Institut national de la propriété industrielle (Inpi). Et parmi les pièces justificatives pour la création d’une microentreprise, l’INPI exige que «les microentrepreneurs de nationalité étrangère résidant en France» produisent un titre de séjour en cours de validité. Plus exactement, «les personnes de nationalité étrangère (excepté les détenteurs d’une carte de résident, les citoyens d’un État de l’Espace économique européen et les citoyens suisses) qui souhaitent exercer en France une activité non salariée doivent détenir une carte de séjour portant la mention «entrepreneur / profession libérale»», précise l’Urssaf à CheckNews.

Par ailleurs, il est désormais devenu obligatoire de fournir un numéro de Sécurité sociale valide. Tandis que «dans l’ancien formulaire, il était possible d’indiquer ‘Ce numéro ne m’a jamais été attribué’», relève Thomas Aonzo, président de l’Union-Indépendants, syndicat représentatif des travailleurs indépendants, qui rassemble notamment 60 000 livreurs indépendants. De même, certains clandestins s’en sortaient auparavant grâce à une carte d’identité qui leur était délivrée par les autorités italiennes. Si cette carte porte une mention «non valable pour l’expatriation», elle «ressemble trait pour trait à une carte d’identité italienne», souligne Thomas Aonzo. Ce document, qui n’est désormais plus accepté par l’Inpi et l’Urssaf, a permis à un certain nombre d’individus issus de l’immigration de créer leur compte d’autoentrepreneur, bien qu’il ne soit pas un titre de séjour. «Pour les personnes migrantes arrivées en Italie avant d’exercer leur activité de livreur en France, la carte de séjour délivrée par les autorités italiennes a permis à certaines d’entre elles d’enregistrer leur microentreprise en dépit de l’irrégularité de leur situation administrative», notait également la maîtresse de conférences en droit du numérique Barbara Gomes, dans la revue Plein droit (éditée par le Gisti) de décembre 2022. Dans une étude sur les «travailleurs des plateformes et sans-papiers» parue deux ans plus tôt dans la Revue de droit du travail, Barbara Gomes et sa consœur Lola Isidro, maîtresse de conférences en droit social, rapportaient qu’il arrivait aussi que «des travailleurs sans papiers [soient] directement employés sous le statut d’autoentrepreneur par des plateformes peu regardantes quant à la situation administrative de leurs livreurs».

Réseau de sous-location de comptes

Les règles ont été durcies à la faveur d’un renforcement par l’exécutif de la lutte contre le travail illégal, qui s’est notamment traduit par un accord signé en juin 2022 entre le ministère de l’Intérieur et de grandes plateformes telles qu’Uber et Deliveroo, à la suite duquel «les plateformes ont dû procéder à une déconnexion massive de comptes», retrace Thomas Aonzo. Pour ne pas perdre le statut d’autoentrepreneur, la solution a dès lors été de se rabattre «sur l’achat ou la location de faux comptes».

Et ainsi de prendre part à un système qui s’est développé sous l’effet de l’explosion des plateformes de livraison, permettant à des sans-papiers de travailler sous de fausses identités. Des rouages bien identifiés depuis 2020 notamment, lorsqu’ils ont été mis au jour à l’occasion d’un scandale éclaboussant Frichti, une société de livraison de courses et de repas à domicile. Etant donné que les plateformes sont susceptibles de faire appel à d’autres sociétés pour assurer les livraisons, «ce système d’externalisation a permis en parallèle à un réseau de sous-location illégale de comptes de se développer», pointait une enquête de Libération en juin 2020. Réseau au sein duquel «les sous-traitants des plateformes louent parfois eux-mêmes illégalement leurs comptes à des travailleurs sans papiers sous alias», moyennant une centaine d’euros par semaine.

Malgré les déconnexions de comptes opérées par les plateformes, le syndicat Union-Indépendants défend encore «10 000 à 15 000 livreurs» en situation irrégulière, indique son président Thomas Aonzo. «Le chiffre de Darmanin me paraît légèrement tiré vers le haut», poursuit-il. Estimant plutôt dans une fourchette comprise «entre 40 000 et 50 000» le nombre d’autoentrepreneurs sans titre de séjour, tous secteurs confondus.

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