Un rapport enterre définitivement la fin du nucléaire : la capacité nucléaire mondiale doit tripler pour atteindre les objectifs climatiques en 2050

Sans réelle surprise, à notre allure actuelle, on est encore loin d’atteindre le bilan carbone net nul en 2050. Les efforts mondiaux pour la transition énergétique doivent s’accélérer. La capacité nucléaire mondiale a ici un rôle important à jouer, selon Capgemini.

Malgré des progrès réalisés dans la transition énergétique, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter et les conséquences du changement climatique se font sentir bien plus rapidement que prévu. L’urgence croissante de cet impact et la crise énergétique ont réveillé un nouvel intérêt mondial pour l’énergie nucléaire.

En préambule : L’étude présentée ci-dessous provient de Capgemini, une multinationale française spécialisée dans les services de conseil, la technologie de l’information et l’externalisation. Capgemini a établi des liens avec l’industrie nucléaire, notamment à travers un partenariat avec Horizon Nuclear Power. Dans le cadre de cet accord, Capgemini devait fournir des services informatiques pour soutenir Horizon dans son développement en tant qu’entreprise leader dans le domaine de l’énergie nucléaire.

L’essentiel : Pour atteindre l’objectif de zéro émission nette de carbone d’ici 2050, la capacité nucléaire mondiale devra tripler, selon l’Observatoire Mondial des Marchés de l’Énergie (WEMO) de Capgemini.

• La capacité nucléaire devra ainsi représenter 870 GW dans moins de 30 ans, contre 390 GW aujourd’hui.
• Selon le rapport, il faut multiplier les efforts pour étendre la durée de vie des 440 réacteurs existants et augmenter leur capacité​.
• Des nombreux projets de développement nucléaires sont en cours dans le monde. La Chine devance de très loin ses concurrents dans cette course. L’Europe semble presque hors-jeu.
  • Début 2023, sur les 59 réacteurs en construction dans le monde, 22 se trouvaient en Chine et 43 étaient basés sur la technologie russe ou chinoise. Cela signifie que quatre des cinq réacteurs en construction dans le monde sont construits par Moscou ou Pékin.
  • La Chine espère faire du nucléaire une vitrine technologique à l’étranger. Cependant, ses tentatives de développer sa technologie en Europe n’ont pas été couronnées de succès. Jusqu’à présent, la Chine n’a exporté des centrales nucléaires qu’au Pakistan.
  • L’Europe est à la traîne. Seuls le Royaume-Uni et la France font partie du haut du tableau des nouveaux projets nucléaires.

À ce train, la Chine est sur le point de dépasser les États-Unis en tant que plus grand producteur d’énergie nucléaire au début des années 2030.

Source : WEMO report / Energy Monitor – Globaldata

Zoom avant : Un combat acharné en Europe entre les pro et les anti-nucléaires.

• Du côté des pro, on retrouve l’Alliance Nucléaire Européenne menée par la France pour développer une industrie nucléaire intégrée. Son objectif : une capacité de 150 GW d’ici à 2050, la construction de 30 à 45 nouveaux grands réacteurs et le développement de petits réacteurs modulaires (SMR) dans l’UE. 
  • Notons que la Belgique a rejoint cette alliance en tant qu’observatrice. Notre pays a prolongé cette année les réacteurs Doel 4 et Tihange 3 de 10 ans. Alors qu’initialement, la Belgique devait sortir complètement de l’énergie nucléaire d’ici 2025.
• Du côté des anti-nucléaires, c’est surtout l’Allemagne, première puissance économique d’Europe, qui bloque la machine.

À noter : et la fusion nucléaire, dans tout ça ? Cette méthode est capable de produire 4 millions de fois (contre 1 à 2 millions de fois pour la fission) plus d’énergie que les combustibles fossiles. Une belle promesse pour la transition énergétique. Mais la fusion nucléaire n’arrivera pas avant 2050 dans les scénarios les plus optimistes.

« Le monde n’est pas sur la bonne trajectoire »

Plus de détails : les autres chiffres importants du rapport :

• La consommation mondiale d’électricité devrait passer de ~28 000 TWh en 2022 à ~110 000 TWh d’ici 2050.
  • Avec plus de 75% de cette électricité provenant du vent et du soleil, ce qui nécessite une expansion majeure de ces réseaux.
  • Bonne nouvelle : en 2022, la part des renouvelables a atteint un record avec un apport de 340 GW. 2023 devrait également être une année record.
• La croissance actuelle est toutefois inférieure à ce qui est nécessaire pour un bilan carbone net nul en 2050. Pour ce faire, la capacité en renouvelable mondiale devrait augmenter de 2.400 GW au cours de la période 2022-2027. Soit une croissance annuelle moyenne de 480 GW.
• Les investissements dans la transition énergétique ont atteint 1.300 milliards de dollars en 2022. Mais doivent s’élever à 5.000 milliards de dollars par an pour atteindre les objectifs de 2050.
• Une nécessité particulière : accélérer la décarbonation de la flotte mondiale de véhicules d’ici à 2050. Pour ce faire, la capacité de batterie totale devrait augmenter à 150 TWh.

«Â Malgré les progrès réalisés, le monde n’est pas sur la bonne trajectoire en matière de climat. Même si les investissements dans les énergies renouvelables ont atteint un niveau sans précédent en 2022, l’accélération des technologies propres sera essentielle, non seulement pour permettre l’abandon des combustibles fossiles, mais aussi pour garantir la sécurité de l’approvisionnement en énergie. »

Colette Lewiner, conseillère Énergie auprès de la Direction générale de Capgemini