JO Paris 2024 : le plan de Gérald Darmanin pour traquer les radicalisés islamistes avant et pendant les Jeux
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a écrit aux préfets le 6 mai pour donner des consignes de suivi des personnes radicalisées en vue des Jeux olympiques. LP/Delphine Goldsztejn
Un courrier de cinq pages, signé du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, autour d’un thème unique : mettre en place un plan d’action contre la menace terroriste représentée par des personnes radicalisées en vue des Jeux olympiques de Paris. Le document, envoyé lundi aux préfets ainsi qu’aux patrons de la police nationale, de la gendarmerie, de la DGSI et du renseignement, se penche sur les manières de lutter contre « le risque de mobilisation accrue de la mouvance islamiste et djihadiste » à l’occasion des JO.
« L’ampleur de l’événement et sa surexposition médiatique pourraient avoir un effet galvanisant sur certains profils radicaux », met en garde le locataire de la place Beauvau qui appelle à« une vigilance renforcée » et une « pleine mobilisation » des différents services de sécurité intérieure. Et nomme les cibles de sa « stratégie d’entrave » : les personnes inscrites au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation àcaractère terroriste (FSPRT). Elles sont environ 5000, françaises pour les deux tiers.
« L’ambition est d’exercer un suivi sécuritaire accru àleur endroit, de limiter leurs capacités de nuisance, en les tenant àdistance des événements et de neutraliser la menace dont ils pourraient être porteurs », souligne le texte. « Les profils les plus sensibles » : sortants de prison, étrangers et jeunes radicalisés. Parmi cette dernière catégorie, fin avril, un adolescent de 16 ans qui voulait « mourir en martyr » pendant les Jeux a été mis en examen. Les autres extrémistes violents, sauf ceux suivis pour terrorisme, ne sont pas concernés par cette stratégie.
Utiliser « les infractions sans lien avec la thématique terroriste »
Comment faire ? Le courrier liste les possibilités à disposition des forces de l’ordre pour mettre la pression aux concernés. L’ouverture d’enquêtes judiciaires en cas d’infraction terroriste présumée, chapeautées par le parquet national anti-terroriste (PNAT), mais aussi pour des faits de droit commun, comme l’apologie du terrorisme, la provocation à des actes de terrorisme ou des infractions à la législation sur les armes. Gérald Darmanin appelle ainsi les forces de l’ordre à faire remonter au parquet concerné « les infractions sans lien avec la thématique terroriste », si par exemple la personne radicalisée est impliquée dans un trafic de drogues ou en détention d’images pédopornographiques.
Les détenus terroristes islamistes sortis de prison dans le cadre d’un aménagement de peine feront aussi « l’objet d’un suivi particulièrement rigoureux ». Si l’un d’eux ne respecte pas ces obligations, comme le non-respect du périmètre imposé par un bracelet électronique, un rapport sera fait au PNAT, qui pourra saisir le juge compétent pour demander la réincarcération de la personne.
Mais si la voie judiciaire, plus lourde à mettre en place, n’est pas possible à déployer, les préfets sont incités à multiplier les mesures administratives. Pour à la fois surveiller les personnes présentes en France et empêcher l’entrée de radicalisés sur le territoire.
Multiplication des visites à domicile
« La visite domiciliaire doit être très largement mobilisée », souligne Gérald Darmanin, qui a fait passer le message auprès des préfets au cours d’une visioconférence organisée lundi après-midi à15 heures. Comprendre que les policiers et les gendarmes vont multiplier les contrôles chez les personnes inscrites au FSPRT. Dans un département de la grande couronne que nous avons joint, cela concerne environ 150 personnes.
« En général, on ne les fait que pour des cas limite, quand on a des billes, explique un préfet francilien. Là , l’approche me semble plus préventive. » Certains préfets avaient déjà augmenté la fréquence des visites avant même la note de Gérald Darmanin, ciblant notamment de jeunes radicalisés.
Ces visites domiciliaires pourront permettre, le cas échéant, de lancer des procédures judiciaires ou de fournir des éléments pour mettre en place des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas). Celles-ci obligent par exemple les personnes visées à aller pointer tous les jours au commissariat. Elle sera « systématiquement proposée » pour suivre les anciens détenus condamnés pour terrorisme ou radicalisés ou pour n’importe qui « porteur d’une menace d’une gravité particulière pour la sécurité et l’ordre publics ».
L’idée : « Restreindre ses possibilités de déplacements ou ses fréquentations durant la période des Jeux olympiques et paralympiques ». La Micas pourra, en plus de leur visite quotidienne aux forces de l’ordre, leur interdire de se rendre dans certaines zones, à savoir celles des sites olympiques.
Enfin, une attention particulière sera portée aux personnes étrangères radicalisées inscrites au FSPRT. Celles installées en France « doivent faire l’objet d’un nouvel examen en vue de mesures d’éloignement ». Les préfets sont appelés à mettre en place des OQTF (obligations de quitter le territoire français) « dès lors qu’une irrégularité est constatée ». Pour les radicalisés installés à l’étranger, soit environ un tiers des membres du fichier, les autorités mettront en place des interdictions administratives du territoire.
« Ce télégramme met un coup de pression àl’ensemble de la chaîne de traitement : les préfets, mais aussi et surtout les services de renseignement nationaux et locaux qui doivent proposer des mesures quasi systématiques pour chaque cas » explique un préfet d’Île-de-France. « L’accent est mis sur ces points depuis plusieurs semaines, mais làc’est gravé dans le marbre et ça indique àtous la marche àsuivre », note un de ses homologues du sud de la France. « On passe au cran du dessus avec ces mesures », indique l’un de ses collègues. Une nouvelle brique dans l’arsenal sécuritaire des JO.