Immigration : Darmanin veut accélérer l’expulsion des étrangers délinquants
Le ministre de l’Intérieur, ici à la sortie d’une réunion à l’Élysée, est attendu ce lundi dans le Loiret pour inaugurer un centre de rétention administrative.
Sur le front de l’immigration et à l’approche des échéances européennes, l’exécutif veut afficher son volontarisme. Un bilan du ministère de l’Intérieur porté à la connaissance du Figaro révèle que 1 666 étrangers auteurs de troubles à l’ordre public ont été expulsés depuis janvier, soit une augmentation de 28 % par rapport à la même période de l’année précédente. En 2023, quelque 4 689 mesures d’éloignement forcé ont frappé les immigrés délinquants (+ 30 % par rapport aux 3 615 en 2022). Globalement, 11 722 étrangers ont été renvoyés, contre leur gré, dans leurs pays l’année dernière, soit là encore un bond de 22 % par rapport à 2022.
Ce bilan à la hausse est notamment imputable, selon Gérald Darmanin, aux placements désormais prioritaires des clandestins les plus dangereux dans les centres de rétention administrative (CRA), jadis occupés par des familles et qui ont vocation à être l’antichambre de l’expulsion. Près de 500 places y ont été créées depuis 2017, pour un nombre total qui s’établit à près de 2 000 sachant que l’État va devoir mettre les bouchées doubles pour arriver aux 3 000 places promises d’ici à 2027. Ce lundi, le ministre de l’Intérieur est d’ailleurs attendu à Olivet, dans le Loiret, pour y inaugurer un nouveau centre tandis que d’autres CRA devraient sortir de terre à Béziers, Aix-en-Provence ou encore dans le Dunkerquois.
Propos haineux envers les juifs
Pour expliquer l’augmentation des expulsions, l’hôte de Beauvau y voit les premiers fruits de la loi immigration. « Ce texte a permis d’exécuter 1 000 nouvelles obligations de quitter le territoire français qui ne pouvaient pas être prises auparavant contre des étrangers délinquants arrivés en France avant leurs 13 ans ou ayant développé des liens familiaux sur le territoire national », se félicite-t-on dans l’entourage du premier flic de France. Parmi les « têtes d’affiche », figure Mohamed Tataïat, condamné en 2022 pour avoir prononcé dans un prêche des propos haineux envers les juifs. Imam de la grande mosquée de Toulouse, il a été expulsé le 20 avril dernier vers l’Algérie. Un autre musulman radical, l’imam de Bagnols-sur-Cèze (Gard), Mahjoub Mahjoubi, a lui aussi été contraint de monter dans l’avion pour un aller simple vers sa Tunisie natale. Début mars dernier, le tribunal administratif de Paris avait rejeté le « référé liberté » de l’imprécateur qui s’était illustré en parlant des « drapeaux tricolores qui nous gangrènent ».
À plus bas bruits, les expulsions s’enchaînent. Comme celle, vers un pays du Maghreb, de cet immigré de 33 ans entré régulièrement en France en 2010 : père d’enfants français, il a été condamné à de multiples reprises pour trafic de stupéfiants – trente kilos de cannabis ont été retrouvés dans son coffre de voiture – et menaces de mort à l’encontre d’un dépositaire de l’ordre public. Dans un document porté à la connaissance du Figaro, figure aussi ce quadragénaire, étranger originaire d’Afrique subsaharienne entré irrégulièrement sur le territoire en 1989 avant d’être condamné à plus de trente reprises notamment pour des vols en récidive. Il a été conduit dans l’avion de force le 21 mars dernier, avec une interdiction de retour de cinq ans.
Soixante islamistes expulsés
Toujours selon nos informations, 60 étrangers islamistes radicaux, tous inscrits au fichier des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT), ont été expulsés depuis janvier. Même si c’est deux fois plus qu’il y a un an, le gouvernement, tenaillé par l’opinion, sait que cela n’est pas assez. Dans un télégramme adressé ce dimanche à tous les préfets, Gérald Darmanin veut donc augmenter la cadence. À propos du « suivi des étrangers inscrits au FSPRT », le premier flic de France y rappelle que « 1 535 ressortissants, dont 700 en situation irrégulière, sont actuellement suivis ».
Seul un millier d’entre eux est en France, dont la moitié est déjà incarcérée, en CRA ou placés en structures psychiatriques. Pour l’heure, il reste donc 500 étrangers islamistes en puissance en liberté sur le sol national, tous suivis par les services, dont un tiers est des « irréguliers » faisant l’objet d’une procédure. Aux préfets, Gérald Darmanin demande à ce que soit engagé « dès que possible, et le cas échéant au prix d’un risque de contentieux des procédures d’éloignement ou d’expulsion pour tous les étrangers inscrits au FSPRT ». « S’agissant de ceux en situation régulière, vous procéderez chaque fois que possible au retrait des titres de séjours, et le cas échéant à la demande du retrait de la protection asilaire à l’Ofpra (Office français des réfugiés et apatrides) », poursuit le télégramme ministériel qui invite aussi à « analyser sans délais la situation des étrangers en lien avec les pays présentant un haut niveau de menace terroriste ». En filigrane, apparaît l’ex-théâtre syro-irakien, la région du Khorasan en Asie centrale et bien sûr les pays caucasiens d’où émergent de plus en plus de fous de Dieu.
Une épée de Damoclès
Sur la question des immigrés délinquants, Gérald Darmanin veut que soit procédé le « réexamen de toute situation individuelle d’étranger à l’origine des troubles à l’ordre public et dont l’éloignement n’avait pu être engagé sous l’empire des dispositions antérieures ». Avant de prévenir : « Cet examen doit être systématiquement effectué lors des interpellations réalisées par les forces de sécurité intérieure, ou à l’occasion de la délivrance et du renouvellement des titres de séjour. » En clair, chaque étranger ayant un casier se promène avec une épée de Damoclès sur la tête. « Vous veillerez à vous saisir personnellement de la compétence qui vous est donnée par la loi en matière d’expulsion », exhorte le ministre qui demande aussi à « solliciter les magistrats » pour procéder des « visites domiciliaires », autrement dit des perquisitions administratives, chez les étrangers ciblés « au fin de rechercher et de procéder à la retenue de tout document attestant de leur nationalité, permettant le cas échéant de se dispenser de l’obtention d’un laissez-passer consulaire auprès de son pays d’origine ». Une manière pour Darmanin de se montrer « méchant avec les méchants », même si sa bonne volonté se heurte au faible taux des reconduites effectives qui plafonne, selon les propres chiffres de Beauvau sous la barre des 20 %, avec 20 000 expulsions sur 110 000 mesures prises en 2023. Fustigeant la stratégie « inefficace » du gouvernement, un rapport de la Cour des comptes a même affirmé en janvier dernier que « seule une petite minorité – autour de 10 % – des OQTF est exécutée ».