Fred Dewilde, dernière victime des attentats du 13-Novembre
Fred Dewilde, dernière victime des attentats du 13-Novembre
«Р’В Je cherche tous les jours la vie que ce 13В m’a prise. Je suis Г nu, Г moitiГ© tuГ©, Г©garГ© dans ma propre vie »… Dans le quatriГЁme et dernier livre qu’il avait rГ©digГ© en Г©cho Г sa nuit d’épouvante dans la fosse du Bataclan, le 13В novembre 2015, le dessinateur Fred Dewilde avait ajoutГ© une sГ©rie de poГЁmes Г ses coups de crayons noirs et graves. « Le diable s’en est allГ©. La mort, elle, est restГ©eВ В», Г©crivait-il dans ce recueil intitulГ© « la Mort Г©moiВ В» et destinГ© Г inlassablement dessiner les ravages du syndrome post-traumatique qui le hantaient encore.
Fred Dewilde s’est donné la mort ce dimanche. Il a été « terrassé par la violence de ses traumas contre lesquels il luttait sans relâche avec tant de courage, de talent et de générosité depuis ce soir funeste du 13 novembre 2015 où il disait qu’une partie de lui était morte », écrivent ses proches dans un texte rendu public ce mardi : « Ce sournois poison répandu par les terroristes du 13 novembre 2015 l’a implacablement frappé après plus de neuf ans de résistance acharnée. Ils l’ont tué une seconde fois, sans plus de seconde chance de “survie”. »
Sous ce pseudonyme de Fred Dewilde, cet ancien graphiste illustrateur, cadre d’une société médicale, avait décrit dans « Mon Bataclan, vivre encore » en 2016 puis dans « la Morsure » et « Conversation avec ma mort » son statut de « survivant », terme qu’il préférait à celui de « rescapé » et raconté l’empreinte indélébile du 13 novembre 2015.
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Ce soir-là, venu avec trois amis assister au concert des Eagles of Death Metal dans la fosse du Bataclan, il avait d’abord pensé à des pétards ou à des effets pyrotechniques quand les trois terroristes armés de kalachnikov étaient entrés dans la salle peu après 21 heures 40. Comprenant que la seule issue pour ne pas être ciblé par les tirs était de se coucher parmi les autres corps, il était resté deux heures dans la mare de sang. Il n’avait pu quitter les lieux qu’après une première intervention des équipes de secours, après l’arrivée des colonnes de la BRI et du RAID.
Fred Dewilde avait pu quitter sans blessures apparentes le Bataclan où 90 morts et 413 blessés seront dénombrés. Mais, comme il en témoignait, « dans le sang, dans les lambeaux, dans les débris, dans l’horreur et dans la haine, je n’ai pas pu partir ».
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«Р’В Sous ses airs de colosse bourru, Fred Г©tait un roc doux et sensible, une oreille attentionnГ©e, un observateur affГ»tГ© et toujours des bras immenses grand ouverts dans lesquels tout cЕ“ur saignant trouvait rГ©confort, poursuivent ses proches dans leur message posthume. Fred nous donnait tellement Г nous, sa famille. Il donnait aussi tant Г sa grande famille des victimes du 13В novembre 2015, au public dans ses interviews, aux jeunes dans ses interventions en collГЁge. Il partageait avec tant d’authenticitГ©, son expГ©rience sans tabou, sa foi en la tolГ©rance et son refus de toutes formes de haine.В В»
Ces dernières années, et au-delà des livres, le dessinateur rescapé, reconnaissable à son 1,90 mètre et à ses inimitables rouflaquettes, avait, en effet, souhaité partager son expérience et ses difficultés tant dans la vie quotidienne qu’avec les institutions. « C’était un type immense dans tous les sens du terme, confie Arthur Dénouveaux, président de l’association Life For Paris. Le nombre de lycées, de collèges ou de vidéos pédagogiques qu’il a investis pour expliquer ce qu’est une victime du terrorisme est inimaginable. » Arthur Denouveaux évoque « un anonyme célèbre, lumière de la société civile », qui a œuvré pour le respect des droits des victimes du terrorisme et pour la pédagogie, comme récemment avec 60 élèves de deux classes de troisième des Hauts-de-Seine qui participent au projet « Faire face au terrorisme » dans le cadre du futur musée mémorial du terrorisme.
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Fred Dewilde peut être considéré aujourd’hui comme la 133e victime des attentats du 13 novembre 2015. Lors des attaques, 130 personnes ont péri. Avant lui, deux « survivants », se sont donné la mort. Parmi eux, Guillaume Valette, 31 ans. Son père, lors du procès « V13 » en 2021, avait témoigné en ces termes : « Il n’a pas reçu de balle dans le corps, mais il a reçu des balles psychiques invisibles qui l’ont doucement, mais sûrement, tué. Notre fils qui aimait tant la vie a été envahi et débordé par ce stress post-traumatique, au point de mettre fin à ses jours le 19 novembre 2017. »