Rencontre entre le président argentin, Javier Milei, et le pape François au Vatican, le 12 février.
Des violentes insultes à l’accolade. Javier Milei a été reçu pour la première fois ce lundi 12 février au Vatican par le pape François, lui aussi originaire de Buenos Aires. Après avoir été accueilli en grande pompe ce matin, le président argentin a discuté en privé avec son compatriote, lors d’un entretien qui s’est déroulé «dans une atmosphère détendue» et avec des «gestes cordiaux», assure le quotidien argentin Clarín.
«La rencontre a été plus longue que prévu : elle a duré une heure et dix minutes, réaffirmant la bonne entente entre les deux, qui s’était déjà manifestée dimanche», a ajouté le journal, faisant référence à la messe célébrée la veille dans la basilique Saint-Pierre et à laquelle Javier Milei et le pape François ont assisté. Un événement qui célébrait la canonisation de la première sainte argentine, la religieuse et missionnaire du XVIIIe siècle María Antonia de San José, aussi connue sous le nom de «Mama Antula».
Tout sourire, les deux hommes ont profité de la cérémonie pour échanger quelques mots. Un moment capturé dans une photographie qui fait la une de nombreux quotidiens argentins ce lundi, et sur laquelle on voit Javier Milei donner une franche accolade au pape François, qui se déplace en fauteuil roulant. Une rencontre qui semble «marquer le début d’une nouvelle étape», analyse le quotidien conservateur la Nación.
«Personnage néfaste»
Il faut dire que tout n’a pas toujours été rose entre les deux hommes. «Personnage néfaste», «imbécile qui promeut le communisme», «représentant du Malin» sur Terre… Pendant sa campagne, Javier Milei – adepte des sorties impulsives – n’avait pas hésité à traiter le pape de tous les noms, l’accusant aussi d’ingérences politiques. «C’était un Milei provocateur, percutant, qui cherchait – et il le cherche toujours d’ailleurs – à faire le buzz, à attirer le regard», analyse la maîtresse de conférences en sociologie à l’Institut catholique de Paris et spécialiste de l’Argentine Maricel Rodriguez Blanco.
Quelques mois plus tard, pourtant, le Président de 53 ans a radicalement changé de ton, présentant ses «excuses» au chef de l’Eglise catholique et assurant le «respecter». «Il s’est rendu compte que c’était une erreur politique de laisser cette relation se dégrader», poursuit la sociologue, qui rappelle que le pape est une figure politique importante, notamment en Amérique latine.
Visiblement pas rancunier, le pontife avait appelé en novembre le président fraîchement élu pour le féliciter, et lui avait même envoyé un chapelet. Javier Milei, lui, a invité en janvier le pape François à se rendre en Argentine, à travers une lettre officielle. A 87 ans, Jorge Bergoglio ne s’est pas rendu dans son pays natal depuis son élection sur le siège pontifical, en 2013.
«Je pense que le moment était bien choisi»
Malgré les excuses, tout semble séparer le pape et le président argentin. Alors que le premier prône l’aide aux plus démunis et dénonce les dérives des marchés financiers, le second – ultralibéral et d’extrême droite – entend refaire de l’Argentine «une puissance mondiale» à coups de dérégulation et privatisations. Sur l’écologie, thème fort du pontificat, Javier Milei assure que le changement climatique n’est pas «une responsabilité de l’homme», là où le pape dénonce l’impact humain sur la «Maison commune».
Cette rencontre survient au moment où l’Argentine connaît un contexte politique tendu, marqué cette semaine par le revers au Parlement de la déréglementation massive de l’économie voulue par Javier Milei. «Je pense que le moment était bien choisi», acquiesce Maricel Rodriguez Blanco. Structurellement endettée et faisant face à une inflation à plus de 200 % en 2023, la troisième économie d’Amérique latine est menacée de récession en 2024, sous l’effet des premières mesures d’austérité décrétées par Javier Milei.
Une stratégie politique
L’Argentine est «au début d’une crise économique et sociale très importante, qui va crescendo» et devrait «se sentir davantage à partir du mois de mars», détaille Maricel Rodriguez Blanco. Dans un tel contexte, «le fait d’aller rencontrer le pape doit être vu comme une stratégie politique». En revanche, nuance la spécialiste de l’Argentine, c’est loin d’être une solution miracle. «S’il pense que le fait de dialoguer avec le pape empêchera la communauté internationale et le pape lui-même de critiquer le gouvernement argentin, ce n’est pas bien vu…»
A l’issue de leur rencontre, et comme le veut la tradition, le président argentin a remis au chef de l’Eglise catholique plusieurs cadeaux, dont des biscuits traditionnels argentins au citron et à la confiture de lait. Alors qu’il effectue sa première visite officielle à Rome, Javier Milei s’est ensuite entretenu avec des hauts responsables de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, avec qui il a évoqué «le programme du nouveau gouvernement pour lutter contre la crise économique», a rapporté le Vatican. Plus tard dans la journée, le président argentin poursuivra sa visite par des rencontres avec le président italien, Sergio Mattarella, et la cheffe du gouvernement, Giorgia Meloni.
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