Décryptage - Quelles règles pour les agents qui font appel à des indics, ces "taupes" qui aident la police?

Décryptage – Quelles règles pour les agents qui font appel à des indics, ces “taupes” qui aident la police?

Lundi dernier, une opération de police a viré au drame: alors que les forces spéciales allaient perquisitionner le domicile de Ricardo Gomez, celui-ci a fait feu sur les agents. Résultat, un policié tué, un autre grièvement blessé, et le tireur mort à son tour.

Le même jour, trois policiers de Charleroi étaient interpellés et mis sous mandat d’arrêt, pour une série d’infractions: violation du secret professionnel, consultation illicite des banques de données, détournement par fonctionnaire, heures de travail mal encodées, usage abusif des voitures de service… D’après nos informations, l’un des policiers inculpés a bien été en contact direct avec le tireur Ricardo Gomez.

En janvier, trois policiers ont également été arrêtés dans le cadre d’un vaste dossier de stupéfiants. Ces “flics ripoux” comme on les appelle, c’est-à-dire des policiers corrompus qui divulguent des informations confidentielles à leurs indicateurs, dérapent de leur rôle principal. Mais comment l’expliquer? Quelles règles encadrent les relations que la police entretient avec ses indicateurs? Une source policière nous a expliqué, dans les grandes lignes, comment ça fonctionne.

Une aide précieuse 

En 2017, 1.500 arrestations ont pu être réalisées grâce à des informations émanant directement d’indicateurs de la police, d’après les chiffres de la police judiciaire fédérale. Indicateur, c’est leur titre officiel. Leur surnom: les “indics”. Mais on les appelle aussi taupes, balances ou traîtres dans le milieu criminel qui n’apprécie pas particulièrement leur rôle. La définition de l’indicateur est très précise dans la loi: la personne doit entretenir des contacts avec le milieu criminel, et doit donc en être proche ou en faire partie.

Pour leur service rendu à la police, les indicateurs peuvent recevoir une rémunération. Dans la pratique, elle oscille entre 50 et plusieurs milliers d’euros. Cette rémunération dépend du risque que l’indicateur court, mais aussi de la valeur de l’information. En la matière, c’est très clair: pas de résultat, pas de paiement. Pas question non plus de jouer double jeu. Faire appel à des indicateurs est une méthode particulière de recherche de la police, et la rémunération de ces informations est réglementée par une circulaire ministérielle confidentielle.

En 2021, en moyenne, deux informateurs par jour ont reçu de l’argent pour leurs informations sur le milieu belge du crime. La police a ainsi versé 862 primes à des indics, soit 9% de plus qu’en 2020, selon des chiffres de la police fédérale. Ces indicateurs représentent donc une aide précieuse pour la police.

Mais comment ça fonctionne? Comment expliquer que, parfois, certains policiers dérapent de leur rôle en divulguant des informations confidentielles? Est-ce que les relations entre policiers et indicateurs sont encadrées afin d’éviter les dérives?

Mais comment ça marche? 

D’après notre source, “c’est encadré et réglementé, et géré au niveau de la police judiciaire fédérale”. Concrètement, les relations qu’entretiennent les policiers avec leurs indicateurs sont réglementées par la loi du 6 janvier 2003 qui concerne les méthodes particulières de recherche de la police.

C’est le service techniques spéciales (BTS) de la police fédérale qui assure, au niveau national, la coordination, la gestion et la politique opérationnelle des méthodes particulières de recherche: observations, infiltrations policières et civiles, et enfin, recours aux indicateurs. Les policiers qui font appel à des indicateurs sont donc spécialement formés pour ça.

Concrètement, l’indicateur entretient des contacts réguliers avec la police. Il fournit des informations de sa propre initiative ou à la demande de la police. Les infos fournies n’ont pas valeur de preuves mais permettent d’ouvrir ou d’orienter un dossier. Il convient de s’assurer en permanence de la fiabilité des indics mais aussi de leur protection et de celle des agents de contact. L’identité des indicateurs est évidemment protégée par le secret professionnel.

Un registre national d’indicateurs de la police, et des règles bien précises 

Ensuite, tous les indicateurs de la police sont à priori codés dans un registre, tenu au niveau national. Pour rencontrer un indicateur, les agents sont toujours à deux, on les appelle les “fonctionnaires de contact”. Les opérations sont chapeautées par le “gestionnaire national des indicateurs”. Ce-dernier “exerce un contrôle permanent sur la fiabilité des indicateurs et veille au respect des règles et à l’accomplissement correct des tâches des fonctionnaires de contact”, peut-on lire dans la loi du 6 janvier 2003.

La loi précise aussi que le gestionnaire national des indicateurs doit faire un rapport général au procureur fédéral, au moins tous les trois mois, concernant le recours aux indicateurs au sein du service de police intégrée.

Pour la police locale, c’est un peu différent: l’agent qui chapeaute les interventions est le “gestionnaire local des indicateurs”, et il agit sous l’autorité du procureur du Roi. “Dans chaque corps de police locale au sein duquel il est fait appel à des informateurs, un officier est désigné afin d’assister le gestionnaire local des indicateurs dans l’accomplissement de sa tâche”, précise la loi.

Là aussi un rapport doit être rédigé par écrit, mais la particularité c’est qu’il doit être rendu immédiatement au procureur du Roi. Aucune place n’est laissée à l’improvisation, contrairement à ce que l’on peut voir dans certains films policiers. “A l’époque, c’était parfois un peu borderline, c’est pour ça qu’aujourd’hui, c’est très cadré: on ne peut pas faire ce qu’on veut, le policier n’est jamais seul avec les indics, et il y a obligation de faire des rapports. L’officier reçoit le rapport et fait un autre rapport au magistrat du parquet”, précise notre source.

Le recrutement aussi ne se fait pas n’importe comment, précise notre source: “Le recrutement a lieu dans différents milieux, grâce à un travail de recherche en amont, où les agents enquêtent et voient comment ils peuvent approcher telle personne”. Les relations police et indicateurs sont donc bien encadrées chez nous. Mais en pratique, il semble qu’au-delà de ce que prévoit la loi, certains policiers travaillent encore à l’ancienne.

Comment peut-il y avoir des dérives? 

Notre source est formelle: “Dans le milieu des indics, on est toujours un peu borderline parce qu’on se met en contact avec eux, et parfois on est en contact direct avec le milieu criminel”. Et à l’époque, avant qu’une loi ne règlemente les relations police/indics, ce n’était pas autant encadré qu’aujourd’hui: “Chacun gérait comme il en avait envie”.

Et ça amenait forcément son lot de dérive. Notre source, qui a fait partie de ce service spécial, a elle-même était en contact avec des indicateurs à l’époque: “Ils avaient mon numéro de gsm, il n’y avait pas de sécurité. Mais aujourd’hui, ça a changé, le numéro de gsm est anonymisé. De manière générale, le policier ne peut plus faire tout ce qu’il veut”, assure notre source.

Autre exemple: un policier a fait fuité une info à un de ses indicateurs. Et forcément, ça a pris plus d’ampleur: “Il y a eu divulgation parce que ce n’était pas encadré”.

Malgré certaines dérives qui persistent encore aujourd’hui, faire appel à des indicateurs est une aide précieuse pour la police. “Ça apporte de beaux résultats. Parmi les méthodes particulières de recherche, il y a aussi l’infiltration dans certains milieux”, termine notre source. Et là aussi, tout est bien évidemment encadré.

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