Décryptage - Quand peut-on interdire la tenue d'un événement en Belgique? Voici ce que dit la loi

Devant le “Claridge”, la police monte la garde. L’affaire du “Natcon” fait polémique, d’abord auprès des militants antifascistes et puis, plus largement, auprès des défenseurs de la liberté d’expression.

La conférence controversée rassemble des élus et représentants nationalistes à Bruxelles, comme Eric Zemmour, Nigel Farage et Viktor Orban. Les manifestants ne tardent pas à sortir les banderoles près de la salle.

Vers la mi-journée, mardi, le bourgmestre Emir Kir annonce la nouvelle sur Facebook : “J’ai pris un arrêté (…) pour interdire l’événement “National Conservatism Conference” afin de garantir la sécurité publique”. Les agents de police de la zone reçoivent pour ordre de se rendre sur les lieux pour faire appliquer l’arrêté. Finalement, la direction opte pour un huis clos.

Retournement de situation ce mercredi : le Conseil d’État, saisie par les organisateurs, a statué d’urgence : l’arrêté du bourgmestre est suspendu.

Que dit la loi ?

Le Conseil d’État évoque l’article 26 de la constitution. “Les Belges ont le droit de s’assembler paisiblement et sans armes, en se conformant aux lois qui peuvent régler l’exercice de ce droit, sans néanmoins le soumettre à une autorisation préalable”, dit-il.

Alors, dans quel cas peut-on interdire la tenue d’un événement ? Déjà, il est important de distinguer la notion d’événement privé ou public.

Il n’existe pas de définition juridique. Mais, François Tulkens, maître conférencier en droit constitutionnel à l’UCLouvain Saint-Louis, la définit comme telle : “La réunion publique, c’est celle qui est accessible à tous ceux qui le souhaitent. Qu’importe que ce soit dans un lieu clos, privé ou public. Qu’importe que ce soit gratuit ou payant. Qu’importe une invitation ou pas”.

Un bourgmestre, a priori, n’est pas compétent pour interdire une réunion privée

À l’inverse, une réunion privée, est “une réunion d’accès limité”, distingue François Tulkens. “Ne peuvent y participer que des personnes qui sont convoquées et ont invitées personnellement par les organisateurs, par le responsable du lieu”, précise-t-il.

Dans ce cas-là, l’interdiction n’est pas possible. “Un bourgmestre, a priori, n’est pas compétent pour interdire une réunion privée dans une salle privée fermée. Un congrès d’un parti politique qui se tient à huis clos, qui n’est ouvert qu’aux militants invités personnellement, ça peut se tenir”, explique François Tulkens.

Si l’ordre public est menacé par cet événement, alors, “on doit s’organiser pour permettre que cette réunion se tienne, et que les opposants puissent également manifester de leur côté”, ajoute-t-il.

Concrètement, la commune peut prévoir une mobilisation policière près de l’événement, pour garantir la sécurité, et agir si besoin. Une amende est, par ailleurs, possible en cas de tapage nocturne.

Lorsqu’un événement est public, en revanche, une autorisation peut être nécessaire. L’article 26 de la Constitution le prévoit : “Cette disposition ne s’applique point aux rassemblements en plein air, qui restent entièrement soumis aux lois de police”.

“Il y a parfois des autorisations à demander pour organiser une manifestation, que l’autorité est censée délivrer, sauf s’il y a motif pour l’interdire”, confirme François Tulkens. “Mais ça reste évidemment rare, parce que c’est une atteinte à la liberté proprement dite”, nuance-t-il.

Il ne faudrait pas que sous ce prétexte-là, on empêche toute expression, évidemment.

François Tulkens complète : “Il y a déjà eu plusieurs fois des interdictions communales pour des manifestations qui vont dégénérer ou dont on a des raisons de penser qu’elles vont dégénérer par l’objet, qu’elles ont, ou par les réactions qu’elles suscitent. Mais il ne faudrait pas que sous ce prétexte-là, on empêche toute expression, évidemment”.

Là aussi, généralement, on s’organise : “Il y a plutôt une jurisprudence qui dit que les pouvoirs publics doivent permettre que les réunions se tiennent même s’il y a des oppositions et s’organiser pour que les deux puissent avoir lieu dans des lieux séparés, distants, avec des mesures de police, ou non”.

C’est pour cette raison que les interdictions préventives de se rassembler sont assez exceptionnelles. “Si vraiment, on doit constater qu’il y a des motifs supérieurs, impérieux, qui le justifient, on peut l’interdire. Mais c’est sous contrôle d’un juge, parce que celui qui est privé de son droit de manifester, va pouvoir aller saisir le juge pour dire que les motifs invoqués ne sont pas, à son sens, admissibles ou légalement admissibles”, prévient le spécialiste.

Malgré tout, des interdictions ont déjà eu lieu. En 2014, un congrès antisémite, qui devait rassembler l’humoriste polémique Dieudonné, l’essayiste Alain Soral et l’ancien député Laurent Louis, est interdit à Bruxelles. Le bourgmestre avait motivé sa décision en raison des risques importants pour la sécurité, la sûreté et la tranquillité publique liées à l’organisation du congrès. Cette fois-ci, le Conseil d’Etat a confirmé l’arrêté de la commune d’Anderlecht.

Qu’en est-il des limites à la liberté d’expression ?

L’interdiction de l’événement nationaliste à Saint-Josse a fait réagir Alexander De Croo, qui a évoqué la liberté d’expression : “L’autonomie communale est une pierre angulaire de notre démocratie, mais ne peut jamais l’emporter sur la Constitution belge, qui garantit la liberté d’expression et de réunion pacifique depuis 1830”

Il convient pourtant de noter que des limites à la liberté d’expression existent en Belgique. L’UNIA en liste 4, lors d’un événement comme une manifestation.

Inciter à la discrimination, la haine, la violence ou la ségrégation envers autrui dans un lieu public, consciemment et pour un motif bien précis Diffuser des idées fondées sur la supériorité ou la haine raciale Faire partie d’un groupement ou d’une association qui, de manière manifeste et répétée, prône la discrimination ou la ségrégation Le négationnisme

Ainsi, l’invitation d’une personnalité ayant précédemment été condamnée pour “complicité de provocation à la haine raciale”, comme Eric Zemmour, pourrait-elle être un argument pour interdire de l’événement ? “Oui, bien entendu. Si on a des raisons de penser que des propos négationnistes, racistes ou autres vont se tenir”, répond François Tulkens.

Mais c’est loin d’être simple : “Il faut encore avoir véritablement des preuves de cela. On ne doit pas préjuger de cela. (…) L’interdire préventivement, c’est très compliqué, sauf en ayant un solide dossier en la matière”, continue l’expert.

Généralement, les propos illégaux sont jugés après qu’ils aient eu été tenus. “On ne va pas regarder chaque propos qui va être tenu. Sinon, on ne pourrait plus avoir une liberté d’expression”, termine le maître conférencier.

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