Blocages à Sciences-po : pourquoi la mobilisation propalestinienne est-elle moins forte dans les facs ?
Les forces de l’ordre ont évacué, ce vendredi, 91 étudiants qui se trouvaient dans les locaux de Sciences-po Paris. Dans d’autres IEP de régions, les occupations continuent. Mais dans les facs, le mouvement semble avoir du mal à prendre. Photo LP / Fred Dugit
Les portes étaient fermées à Sciences-po Paris, ce vendredi matin. Depuis plusieurs jours, des étudiants occupaient les locaux de l’établissement en soutien au peuple palestinien. Les forces de l’ordre ont dû les évacuer pour mettre fin à cette occupation.
Ces rassemblements s’étendent un peu partout en France. Plusieurs Institut d’Études Politiques (IEP) sont désormais concernés : Rennes, Lyon, Strasbourg, Aix-en-Provence, Bordeaux, Toulouse, les campus régionaux de Sciences-po Paris, Menton, Poitiers et Reims.
Si quelques universités comme Paris 8 à Nanterre, l’ENS Paris-Saclay, Paris 1 Panthéon-Sorbonne, Lyon 3 ainsi que l’université Paul Valery à Montpellier sont mobilisées, le mouvement semble prendre beaucoup moins d’ampleur du côté des facs.
Parmi les revendications des étudiants, l’arrêt des partenariats avec les universités israéliennes et une prise de position claire des établissements sur le conflit. Les mobilisations prennent diverses formes : blocages, communiqués, fermetures, sit-ins… Des modes opératoires qu’on a souvent mis en place dans les universités par le passé. Pourtant, c’est bien à Sciences-po Paris a été lancé un « sit-in pacifique » dans le hall de l’école et le début d’une grève de la faim par six étudiants « en solidarité avec les victimes palestiniennes » ce vendredi, après un débat organisé à l’école et jugé décevant.
« On a l’impression que cette mobilisation concerne l’élite scolaire. C’est un peu le luxe que peuvent se permettre certains étudiants », estime Olivier Galland, sociologue spécialiste de la jeunesse, directeur de recherche émérite au CNRS, et auteur de « 20 ans le bel âge ? « (Ed. Nathan). Pour Sylvaine Bulle, chercheuse àl’École des hautes études en sciences sociales et autrice de « Sociologie de Jérusalem » (Ed. Découverte), les étudiants des facs mobilisés le sont déjàsur d’autres sujets : questions sociales ou répression policière cite-t-elle comme exemple. « Dans les universités, la plupart des étudiants sont pro-Palestine. Mais Sciences-po est révélateur d’une frange de la population très cultivée. »
Des étudiants moins favorisés ?
« Si le mouvement ne prend pas dans les facs les plus àgauche, c’est qu’il ne prend pas dans la masse des étudiants », indique Olivier Galland, peu certain « que les autres étudiants se sentent très concernés par ce qu’il se passe àSciences-po ».
« Cette contestation vient de Sciences-po car ce sont sans doute les étudiants les plus élitistes », décrypte Sylvaine Bulle. « Je pense qu’il y a un effet paradoxal avec les universités qui accueillent davantage de classe populaire. Ceux qui travaillent parallèlement àleurs études ou ont des conditions de vie difficiles peuvent mettre la mobilisation au second plan », analyse-t-elle. « À Sciences-po, les étudiants sont plus favorisés, ils sont plus libres et ont plus de temps disponible pour la cause palestinienne. »
Pourtant, comme le rappelle Jade Béniguel, élue étudiante à l’Union étudiante de Sciences-po Rennes, « les étudiants n’ont pas attendu pour se mobiliser ». « Certains étudiants de rennes 2 et de Rennes 1 se sont mobilisés avec ceux de Sciences-po Rennes », indique la jeune femme. Si beaucoup d’entre eux n’ont plus cours à Rennes 2, une banderole en soutien à Gaza a tout de même été installée. « C’est une action symbolique, complète l’étudiante. Le but, c’est d’étendre le mouvement. Tant qu’il y a un génocide en cours à Gaza, on ne peut pas se taire. »