Au Togo, une nouvelle Constitution taillée sur mesure pour Faure Essozimna Gnassingbé

Une réforme votée le 25 mars fait du « président du conseil des ministres », désigné par l’Assemblée nationale, le nouvel homme fort du pays. Un poste qui devrait échoir au chef de l’Etat au pouvoir depuis 2005.

au togo, une nouvelle constitution taillée sur mesure pour faure essozimna gnassingbé

Faure Essozimna Gnassingbé arrive au palais de l’Elysée à Paris, le 9 avril 2021.

Il aura suffi d’une nuit pour que le Togo change, en toute discrétion, de régime et de Constitution. Alors que les regards étaient rivés sur l’élection présidentielle au Sénégal, largement remportée par l’opposant Bassirou Diomaye Faye, les députés togolais ont voté le 25 mars, à 23 heures passées, une modification de la loi fondamentale qui instaure un régime parlementaire. Un bouleversement institutionnel pensé, selon l’opposition, pour permettre au chef de l’Etat, qui a succédé à son père en 2005, de se maintenir indéfiniment à la tête du pays.

Le texte adopté, qui émane d’un groupe de dix-neuf députés du parti UNIR (Union pour la République), dont certains très proches du palais, a été conçu pour renforcer le poids du chef du gouvernement, au détriment de celui du président de la République. Ce dernier, élu « sans débat » pour un mandat unique de six ans par le Parlement réuni en congrès, n’a désormais plus qu’un rôle honorifique. Le vrai pouvoir est concentré dans les mains d’un « président du conseil des ministres » désigné par l’Assemblée nationale, sans limite de mandat.

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Chef des armées et responsable de la politique étrangère, ce « super premier ministre » décide des grandes orientations du pays. Un poste qui semble taillé pour l’actuel chef de l’Etat et qui pourrait lui échoir, si son parti s’impose aux prochaines élections législatives et régionales prévues le 20 avril.

«Â Tout ça s’est passé en catimini, alors que tout le monde dormait. On savait, depuis la mi-mars, qu’une proposition de loi était en préparation, mais on était loin d’imaginer qu’on allait carrément changer de régime », s’étrangle Isabelle Ameganvi, ancienne députée et vice-président de l’Alliance nationale pour le changement (ANC), l’un des principaux partis d’opposition. « A l’heure où je vous parle, je n’ai encore pas eu accès au texte voté ! », poursuit-elle, choquée par le procédé.

« Le chef de l’Etat veut se donner un nouveau bail »

Pour cette juriste de formation, la loi, qui doit encore être promulguée, est d’autant plus problématique, qu’elle « viole » l’article 59 de la Constitution, selon lequel le mode d’élection du président de la République ne peut être changé que par voie référendaire. Par ailleurs, le mandat des députés a officiellement expiré le 7 janvier. « Ils auraient dû se contenter d’expédier les affaires courantes. Ce n’est pas à 89 personnes mal élues il y a cinq ans [1 député a voté contre, 1 autre s’est abstenu] de décider pour 5 millions d’électeurs togolais ! Le problème du pays, ce n’est pas son régime politique, c’est que les autorités ne respectent pas la loi », assène-t-elle.

Officiellement, la nouvelle Constitution est censée « apporter un nouvel élan dans la gestion de la chose publique », peut-on lire sur le site de l’Assemblée nationale. Mais, pourquoi alors opter pour un régime parlementaire et ne pas amender le texte de 1992 comme cela a déjà été fait en 2002, 2007 et 2019 pour, selon l’opposition, permettre au dirigeant en place de se représenter après un ou plusieurs mandats en arguant d’une remise à zéro des compteurs ?

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«Â Il n’y a pas eu de vrais débats sur ce point, ni de débats tout court, parce que la nature du régime est juste un habillage juridique des rapports de force politiques. Il est très clair que le chef de l’Etat veut se donner un nouveau bail », estime l’économiste togolais Kako Nubukpo, commissaire à l’agriculture auprès de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et ancien ministre du président Faure Gnassingbé. Contactée par Le Monde, la ministre de la communication et porte-parole du gouvernement, Florence Kouigan, n’a pas donné suite.

Faure Gnassingbé, « le jeune doyen »

Depuis 1967, le Togo n’a connu que deux présidents : Gnassingbé Eyadéma, ancien soldat de l’armée française porté à la tête de l’Etat à la faveur d’un putsch et qui s’y est maintenu jusqu’à sa mort en 2005, puis son fils, Faure Gnassingbé, réélu confortablement en 2010, 2015 et 2020.

A 57 ans, « le jeune doyen », comme le surnomment ses pairs d’Afrique de l’Ouest, apparaît comme l’un des mieux arrimés au pouvoir, alors que la sous-région a connu, ces trois dernières années, une série de putschs au Mali, au Burkina Faso, en Guinée et au Niger. Des régimes sanctionnés par la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), mais avec lesquels le Togo s’est toujours efforcé de garder le contact, au point de devenir l’un des principaux médiateurs dans les crises qui secouent la région.

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Le pouvoir togolais a-t-il voulu capitaliser sur la défiance qu’inspire aujourd’hui le modèle démocratique qui s’est déployé en Afrique de l’Ouest à partir des années 1990 et dont les régimes militaires sont aujourd’hui les principaux porte-voix ? « C’est dans l’air du temps de critiquer les défaillances et la fragilité de la démocratie représentative. Un des arguments mis en avant par le parti UNIR pour justifier de la nécessité de passer à une gouvernance parlementaire, c’est que ce nouveau régime serait un gage de stabilité et un modèle plus adapté aux sociétés africaines. Ce qui n’est nullement établi », souligne Kako Nubukpo.

L’opposition, qui cherche à mobiliser l’opinion contre ce qu’elle considère comme un coup de force constitutionnel, a peu de marge de manœuvre. Une conférence de presse a pu être organisée, mercredi 27 mars, dans la capitale, Lomé, avec des représentants de la société civile pour dénoncer la « forfaiture » des autorités. Mais une autre réunion, qui devait se tenir plus tôt a été interrompue par les forces de l’ordre sous prétexte que ses organisateurs ne disposaient pas les autorisations nécessaires.

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