Anne est devenue alcoolique en passant par une plateforme de livraison: quels sont les risques des commandes "en 3 clics"?

Anne a commencé à avoir des problèmes d’alcool il y a 4 ans à la suite d’une dépression post-partum. Aujourd’hui, elle déplore que les consommateurs puissent se procurer aisément de l’alcool sur des plateformes en ligne.

“Tout a commencé pendant le confinement. On s’est retrouvé seuls avec un nourrisson. Je n’avais pas de suivi psychologique par rapport à une dépression, et je me suis réfugiée dans l’alcool”, témoigne cette habitante de la province de Namur.

“J’ai commencé à consommer en cachette, et je me suis rendue compte qu’il y avait un problème. Je consommais quelques fois par semaine, et progressivement tous les jours. Au départ, sous le couvert d’une balade. J’allais jusqu’à un nigthshop. Puis j’ai découvert les applications en ligne, et on pouvait se faire livrer l’alcool à domicile. C’était super simple. En 3 clics, c’était fait. Je n’avais pas le temps de rebrousser chemin.”

Selon Anne, cet accès facile à l’alcool a accéléré son addiction. “On n’a pas le temps de se poser la question de savoir si c’est une bonne idée. On choisit, on confirme qu’on a plus de 18 ans. C’est facile de le faire, même si on ne les a pas. Je serais curieuse de connaître un livreur qui irait vérifier l’âge de la personne qui a commandé. Je l’ai fait fréquemment. Cela a provoqué des gros problèmes financiers. Comme cela se faisait via une carte de crédit, on ne se rend pas compte de ce qu’on dépense et on se retrouve avec des frais épouvantables. Cela se compte en milliers d’euros.”

Je suis étonnée d’être devenue addict

Anne dit voir le bout du tunnel grâce au soutien de l’association des Alcooliques anonymes. “Je commence à m’en sortir avec cette aide, mais cela reste très difficile car on sait que c’est toujours là, à portée de main. Il suffit d’avoir son GSM. En parlant dans les groupes des Alcooliques anonymes, on se rend compte que dans les supermarchés, les alcools sont rapidement mis en avant. J’aimerais dénoncer le fait que l’alcool est omniprésent et la trop grande facilité pour se procurer de l’alcool. C’est un fléau. J’ai l’impression que le monde politique se rend compte de certaines choses, mais ça ne va pas assez vite. Interdire la publicité ne sera pas suffisant. Il faut tout faire pour inciter les gens à ne pas boire. Je suis étonnée d’être devenue addict. Cela peut arriver à tout le monde.”

Mais comment la plateforme de livraison sur laquelle s’est rendue Anne régule-t-elle la consommation d’alcool ? Et comment vérifier que ces produits ne sont pas vendus à des mineurs ?

Selon une plateforme que nous avons contactée, plusieurs messages avertissent le consommateur au moment de l’achat. “Notre processus de vente d’alcool est conforme à la législation belge”, commente la porte-parole de la plateforme.

“Notre offre comprend des produits alcoolisés pour refléter l’offre qu’un consommateur pourrait trouver dans un magasin ou dans un restaurant. Il y a plusieurs messages dans l’application lorsque des consommateurs souhaitent acheter de l’alcool. En dessous de chaque article, il est indiqué la nécessité d’être âgé de plus de 18 ans”, précise également le porte-parole.

“Il y a aussi cette indication lors du checkout (après avoir appuyé sur ‘confirmer la commande’, mais avant que la commande ne soit effectivement passée). Nous rappelons au consommateur qu’il doit être âgé d’au moins 18 ans et présenter une pièce d’identité officielle, délivrée par le gouvernement. Tout en confirmant être assez sobre pour accepter la livraison. Et une mention spécifique ‘En continuant, vous acceptez qu’il soit de votre responsabilité de respecter la législation en matière de possession et de consommation de produits de type “alcool”’. Nous prenons la consommation d’alcool très au sérieux.”

Quels sont les risques de pouvoir se procurer de l’alcool en quelques clics ? L’alcoologue Martin de Duve répond que cette situation contribue à une “hyper banalisation” de la consommation d’alcool.

“Cette omniprésence de l’alcool est incohérente. Il y a la vente sur les plateformes en ligne, mais aussi le fait de pouvoir trouver de l’alcool dans des magasins qui n’ont rien à voir, comme les boulangeries, les librairies, les stations essence… Il faudrait simplement mettre ça dans des lieux logiquement dédiés à la vente de produit comme celui-là.”

Une meilleure régulation, ça passe par quoi ? “Cela passe par une interdiction de la publicité, une taxation logique avec l’imposition d’un prix minimum par unité pour évincer ces alcools bons marchés, qui sont là dans le but d’avoir l’effet psychotrope. Cela passe par une meilleure prévention, une meilleure sensibilisation, un renforcement des approches préventives, d’un meilleur accès aux soins (les consultations en alcoologie ne sont pas remboursées en Belgique). Il y a une panoplie de mesures à prendre pour réguler cette consommation.”

Vers une interdiction de la vente d’alcool sur ces plateformes ? “Il faut réfléchir de manière globale pour savoir comment on va vendre et distribuer de l’alcool à la population. Ces plateformes peuvent faire partie de cette réflexion”, estime Martin de Duve. “La Belgique tente de se doter d’un plan alcool, mais les négociations politiques ont été extrêmement compliquées. Il y a une volonté de légiférer, mais il y a encore des blocages importants.”

Martin de Duve ajoute que si le projet n’est pas d’éradiquer le produit, la Belgique est actuellement “plutôt complice” d’une survalorisation de l’alcool, “qui pousse à surconsommer”. “L’idée n’est pas d’enlever le produit de notre environnement. C’est une utopie. En revanche, l’Etat est responsable de mettre le curseur au bon endroit en termes de responsabilités. Ce n’est pas qu’une question de responsabilité individuelle. C’est aussi parce que tout l’environnement dans lequel nous vivons pousse à cette surconsommation. Il faut revoir la copie, la législation. On estime aussi qu’il y a presque 9.300 décès par an liés à l’alcool, ce qui représente presque 1 Belge sur 10 qui va mourir de sa consommation d’alcool. C’est la deuxième cause de mortalité évitable, juste derrière le tabac. Il est donc temps de mettre en place une législation cohérente et orientée santé publique. Il faut faire en sorte que les gens consultent un peu plus tôt quand ils s’interrogent sur la consommation d’alcool”, conclut-il.

Le Parlement fédéral a par ailleurs récemment adopté de nouvelles mesures:

– l’interdiction de la vente d’alcool aux mineurs de moins de 18 ans (sauf pour la bière et le vin)

– l’interdiction de la vente d’alcool via des appareils automatiques de distribution dans les stations-services pendant la nuit et dans les hôpitaux

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