En Belgique, l'extrême droite flamande tire son épingle du jeu avant les européennes

en belgique, l'extrême droite flamande tire son épingle du jeu avant les européennes

Le président du parti d’extrême droite flamand Vlaams Belang, Tom Van Grieken, lors du congrès de parti, à Gand, le 24 mars 2024.

En Belgique, où les électeurs voteront le 9 juin pour les élections européennes, mais aussi pour leurs élections fédérales et régionales, les disparités électorales se creusent entre les trois régions (Flandre, Wallonie et Bruxelles-Capitale). Très peu visible en Belgique francophone, l’extrême droite campe en tête des intentions de vote en Flandre.

Bien installée en Flandre, marginale en Wallonie. À sept semaines des élections européennes, l’extrême droite s’impose dans le paysage politique de plusieurs pays européens, dont la Belgique. En Flandre, région néerlandophone du nord du pays, plus riche et plus peuplée, le parti nationaliste et indépendantiste Vlaams Belang (“Intérêt flamand”) caracole en tête avec plus de 27 % des intentions de vote, selon les derniers sondages.

Fondé en 1979, le parti – qui s’appelait alors Vlaams Blok (“bloc flamand”) – a connu de beaux jours jusqu’au début des années 2000 : la formation a fait le choix de se dissoudre en 2004 à la suite d’une condamnation pour infraction à la loi de 1981 réprimant les actes inspirés par le racisme et la xénophobie… Avant de renaître sous le nom de Vlaams Belang.

Face à la montée d’un nouveau parti nationaliste et séparatiste flamand, la Nouvelle alliance flamande (N-VA), beaucoup plus modérée sur l’immigration, le Vlaams Belang ne connaît pas de franc succès avant les élections fédérales de 2019 où il redevient contre toute attente le deuxième parti de Flandre en obtenant 18,65 % des voix et 18 sièges à la Chambre des représentants (la chambre basse du Parlement belge).

Appelés à se rendre aux urnes le 9 juin pour élire leurs députés européens, les Belges prendront part le même jour aux élections fédérales et régionales.

Dans le dernier “Grand Baromètre” Ipsos-Le Soir-RTL-VTM-Het Laatste Nieuws, sondage commun aux trois scrutins, le Vlaams Belang apparaît en tête en Flandre, crédité de 27,4 % des intentions de vote, loin devant la N-VA (20,4 %).

En Wallonie, c’est le Parti socialiste belge (PS) qui occupe la première place des intentions de vote avec 21,3 % devançant de peu le Mouvement réformateur (MR) de centre-droit, crédité de 20,5 % des intentions de votes.

Dans la région francophone, le parti Chez Nous, formation d’extrême droite née en 2021 et soutenue par le Vlaams Belang, le Rassemblement national français et le PVV néerlandais, espère pouvoir décrocher un premier siège à l’issue des élections. Mais le parti nationaliste peine à décoller. Dans le dernier “Grand Baromètre”, Chez Nous est classé dans la catégorie “autres” qui, ensemble, réunissent 10,4 % des intentions de vote à Bruxelles et en Wallonie. Dans un sondage de septembre 2023, le parti représentait 0,3 %.

En Flandre, indépendance, immigration et “grand remplacement”

Si le Vlaams Belang se présente de lui-même comme une droite patriote, radicale, nationaliste, “on peut clairement le qualifier de parti d’extrême droite, et il l’a toujours été”, affirme Benjamin Biard, docteur en sciences politiques et chargé de recherches au Centre de recherche et d’information socio-politiques (CRISP).

Parmi les thématiques au cœur du discours du Vlaams Belang, la scission du pays et l’émergence d’une république flamande, des positions très strictes en matière migratoire (volonté de stopper l’immigration, durcir les conditions d’octroi de la nationalité belge) et de sécurité intérieure (suppression du système de liberté conditionnelle). Des thématiques souvent présentées par le parti comme interdépendantes qui “contribuent à stigmatiser soit les étrangers, soit l’islam et les personnes de confession musulmane”, explique le politologue, également professeur à l’Université catholique de Louvain.

Typique du discours d’extrême droite, le positionnement anti-establishment fait aussi partie de l’ADN du Vlaams Belang, visant à “créer un antagonisme entre le peuple et les élites politiques, économiques, culturelles et même médiatiques”, ajoute-t-il.

Un style populiste qui séduit. En effet, poursuit Benjamin Biard, “beaucoup votent pour ce parti, pas tellement pour son programme, mais parce qu’il incarne une rupture par rapport aux autres partis”.

Les autres électeurs votent néanmoins par adhésion aux idées que le Vlaams Belang incarne. Récemment, un sondage a mis en évidence que la première des préoccupations des Flamands demeurait la question migratoire. “La plupart des électeurs se dirigent vers ce parti parce qu’ils estiment qu’il est le plus à même de répondre à cette problématique”.

Condamné en 2004 pour racisme et xénophobie sous son ancien nom, le Vlaams Belang tient encore aujourd’hui des discours sans équivoque, reprenant notamment la théorie complotiste identitaire du “grand remplacement” – qu’il désigne par le terme néerlandais “omvolking” (terme de l’idéologie nazie signifiant “repeuplement”) – en référence à un supposé remplacement progressif des Européens dits “de souche” par des immigrés non-européens venus principalement de pays musulmans.

À lire aussi”Le grand remplacement” : la théorie française qui séduit l’extrême droite mondiale

Le 6 mai 2023, le parti avait même invité Renaud Camus, le père de cette théorie, à s’exprimer devant le Parlement flamand pour donner une conférence sur l’”immigration de masse” et “le grand remplacement”.

“On voit que les liens de sympathie entre eux existent”, commente Benjamin Biard. “C’est un parti qui épouse très clairement cette thèse, et qui l’utilise beaucoup dans le cadre de sa campagne”.

Une campagne largement menée sur les réseaux sociaux et s’adressant massivement aux jeunes. Car pour la première fois, la Belgique, où le vote est obligatoire, fera voter ses électeurs à partir de 16 ans. Cette nouveauté, valable uniquement pour le scrutin européen, concerne près de 270 000 électeurs.

Un potentiel réservoir de votes supplémentaires pour l’extrême droite ? “Le Vlaams Belang a un électorat plus jeune que la moyenne des électorats tous partis confondus”, affirme Benjamin Biard, confirmant un sondage de la Haute école flamande PXL et TV Limburg selon lequel 24,9 % des primo-votants flamands donneront leurs voix au Vlaams Belang, leur parti favori devant les écologistes flamands “Groen”, et la N-VA.

Selon ce sondage, les amis et les réseaux sociaux sont déterminants dans le choix électoral de ces jeunes. Des réseaux sociaux sur lesquels le Vlaams Belang mise beaucoup : en 2023, le parti a dépensé 1,7 million d’euros sur Meta (Facebook et Instagram) pour sa promotion, selon le dernier rapport AdLens.

Un terreau moins fertile en Wallonie et à Bruxelles-Capitale

En Wallonie, Chez Nous est le troisième compte politique le plus “influent” sur les réseaux sociaux (suscitant le plus de réactions). Pourtant, le parti d’extrême droite wallon, né il y a moins de trois ans, peine à s’imposer dans les intentions de vote. Au-delà du manque de maturité du parti, celui-ci reste à la marge, en partie parce que l’ordre des préoccupations dans ces régions est différent.

Là où les Flamands s’inquiètent avant tout de l’immigration, “les Wallons se préoccupent d’abord de questions socioéconomiques, du pouvoir d’achat, du système de soins”, développe Benjamin Biard. Pour cause, précise-t-il, le taux de chômage en Wallonie est assez élevé (8 % au quatrième trimestre 2023), alors que la Flandre connaît un quasi-plein emploi (3,5 %).

Le “cordon sanitaire” politique et médiatique est un autre facteur essentiel. Instaurée en deux étapes en 1989 et 1992 entre les partis politiques flamands, cette pratique politique belge visant à exclure les partis politiques d’extrême droite de toute majorité politique a été étendue à la sphère médiatique en Belgique francophone (la Communauté flamande a, elle, choisi de ne pas appliquer ce système). En vertu de ce cordon sanitaire médiatique, les principaux médias belges ne reçoivent ni n’interrogent de représentants de l’extrême droite.

La société civile est elle aussi massivement mobilisée face à l’extrême droite, notamment les militants antifascistes qui essaient régulièrement d’empêcher la tenue des meetings de Chez Nous, par des actions de blocage ou en faisant pression sur les autorités communales pour faire interdire ces événements.

S’ajoutent à ces éléments “des tensions internes au parti et une difficulté à faire émerger un leader charismatique”, poursuit Benjamin Biard, mais aussi un “faible sentiment d’identité nationale de ce côté du pays”.

Soutien moral de Chez Nous, le Vlaams Belang a conclu un accord avec le parti d’extrême droite belge francophone visant à ne pas déposer de liste électorale dans les circonscriptions wallonnes, afin d’éviter un éclatement des voix. En échange, Chez Nous laisse le champ libre au Vlaams Belang dans la région bruxelloise où le parti flamand est, selon les derniers sondages, crédité de 3 % des intentions de vote, loin derrière le Mouvement réformateur (21,8 %).

À Strasbourg, aux côtés du RN, de l’AfD, de la Ligue, du FPÖ, du PVV…

Au Parlement européen, où la Belgique dispose de 21 sièges – elle en gagnera un de plus lors des prochaines élections –, l’extrême droite en occupe actuellement trois : Gerolf Annemans, Filip de Man et Tom Vandendriessche, tous trois appartenant au Vlaams Belang. “C’est déjà pas mal si l’on considère que l’ensemble des sièges ne sont pas tous acquis à la circonscription flamande”, commente Benjamin Biard. En effet, la Flandre représente 10 sièges sur 21.

Les trois députés Vlaams Belang siègent au sein du groupe Identité et Démocratie (ID), ex-Europe des nations et des libertés (ENL), dont le parti flamand est cofondateur aux côtés de l’ex-Front national français, de la Ligue du Nord italienne, du FPÖ autrichien ou encore du PVV néerlandais. Un groupe qui rassemble aujourd’hui des partis très clairement identifiés comme nationalistes et d’extrême droite, de manière plus homogène que le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE). Ce dernier allie la droite et l’extrême droite : il compte dans ses rangs les députés de Fratelli d’Italia, Reconquête ou encore Solution grecque qui cohabitent avec la N-VA belge, qui n’est pas considérée comme un parti d’extrême droite.

En raison du quota alloué à la Belgique, et du système de représentation proportionnelle qui favorise l’éclatement des voix, le Vlaams Belang peut espérer a minima conserver trois eurodéputés, au mieux remporter un quatrième siège, estime Benjamin Biard.

“Si l’influence de cette formation – en tout cas de ses quelques représentants sur les près de 750 eurodéputés – ne sera pas colossale, cela signifiera néanmoins que l’extrême droite a bel et bien la capacité de progresser”, à l’échelle nationale comme à l’échelle européenne, analyse le politologue.

La montée du Vlaams Belang est en effet loin d’être un cas isolé et reflète des tendances plus larges à travers l’Europe. Pays-Bas, Italie, Hongrie, Finlande, Bulgarie, Grèce… Les sondages donnent l’extrême droite gagnante dans neuf États membres de l’Union européenne, et en deuxième ou troisième position dans neuf autres.

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