Comment une plainte de Canal+ contre des sites pirates a bloqué... des ampoules connectées
OpenDNS, filiale de Cisco, a décidé de quitter la France après avoir été contraint de bloquer l'accès à des sites pirates. Mettant à mal certains systèmes connectés à internet.
Un dégât collatéral de la lutte contre la diffusion illégale de matchs de rugby ou de foot. Depuis ce 28 juin, des internautes ont dû faire face à des difficultés pour utiliser certains services en ligne. Sur Twitter, l'un d'entre eux précise avoir ainsi fait face à une déconnexion de ses ampoules connectées.
Canal+.
En cause, l'annonce par le service OpenDNS, filiale de l'Américain Cisco, de l'arrêt de ses services en France suite à une décision de justice. Des services qui assurait la connexion internet de ses ampoules Philips.
Comme l'expliquait le site l'Informé, la justice avait condamné en mai plusieurs entreprises, dont OpenDNS, à bloquer des sites diffusant des matchs de foot ou de rugby de façon illégale. Et ce à la demande de Canal+, détenteur des droits sportifs pour les compétitions concernées.
DNS déjà modifiés
Pour comprendre cette affaire, il faut revenir sur la définition d'un DNS: Domain Name System (Système de nom de domaine). Si les internautes ont l'habitude d'écrire les noms de domaine des sites web pour y accéder (par exemple bfmtv.com), chaque site est en fait accessible depuis une adresse IP (une longue suite de chiffres).
Parce que ces suites de chiffres seraient évidemment trop complexes à retenir, il existe donc des répertoires qui réalisent la jonction entre un nom de domaine et l'adresse IP correspondante. Une sorte d'annuaire géant, indispensable au fonctionnement du web. Si celui-ci disparaît, le nom de domaine renvoie ainsi vers une page blanche.
En France, les opérateurs gèrent leurs propres DNS. Ils sont intégrés par défaut aux différentes box. Ils font donc régulièrement l'objet de requêtes par les ayants droits pour bloquer les DNS dirigeant vers des sites pirates. Des blocages qu'ils peuvent effectuer, mais qui n'empêchent pas les abonnés de modifier - très facilement - leur répertoire de DNS.
En effet, chaque internaute dispose de la liberté de modifier son répertoire de DNS, via quelques manipulations dans les réglages de son ordinateur ou de sa machine.
Multiples effets collatéraux
C'est parce que de nombreux internautes semblent avoir choisi OpenDNS en lieu et place des DNS de leur opérateur que Canal+ s'est finalement attaqué à la filiale de l'Américain Cisco. Problème: empêcher l'accès à ces sites depuis la France revient techniquement à empêcher leur accès depuis n'importe quel endroit dans le monde.
"Il est impossible de modifier uniquement pour le territoire français un enregistrement DNS opéré depuis l’étranger. Rendre inaccessible le service depuis la France était donc le seul moyen de se conformer à la décision, qui n’imposait nullement de bloquer en dehors de France" explique Alexandre Archambault, avocat spécialisé dans le numérique, auprès de Tech&Co.
De fait, la désactivation des services d'OpenDNS en France a posé problème à l'ensemble des appareils connectés qui les utilisaient, et qui se retrouvaient alors dans l'incapacité de communiquer avec n'importe quel site web.
S'il est impossible de connaître l'ampleur des désagréments, la désactivation d'ampoules connectées montre les très nombreux effets collatéraux d'une telle décision de justice.
"D'autres outils font appel à des services de DNS. Par exemple des outils de contrôle parental, qui bloquent des sites pour adultes par le biais de cet annuaire. Autant d'outils qui ont pu être désactivés" estime Alexandre Archambault.
Face au juge, Cisco avait assuré qu'un tel blocage serait de toute façon inefficace, dans la mesure où de multiples autres solutions gratuites de DNS existent, pour accéder de nouveaux aux sites pirates incriminés, rappelait le site spécialisé Next.
Contacté pour savoir si OpenDNS est utilisé par ses ampoules connectées ou s'il s'agissait d'une configuration manuelle de l'utilisateur, Philips n'a pour l'heure pas répondu.