Trêve à Gaza : Israël et le Hamas laissent éclater de nouveaux désaccords au Caire, les négociateurs palestiniens reviendront mardi
Samedi soir, dans les villes d’Israël, notamment à Tel Aviv, des milliers de personnes ont manifesté pour la libération immédiate des otages du Hamas. REUTERS/Ronen Zvulun
Bien plus nombreux que les autres samedis. Des dizaines de milliers d’Israéliens ont manifesté samedi soir dans les principales villes du pays pour réclamer la libération de tous les otages encore aux mains du Hamas et la tenue d’élections anticipées en Israël. Une pression supplémentaire, avec celle des Américains, sur les négociations qui avaient lieu ce dimanche au Caire (Égypte).
Mais dans un contexte particulièrement tendu, alors que l’État hébreu et le mouvement islamiste palestinien ont affiché dimanche leur profond désaccord sur les discussions, les négociateurs du Hamas ont mis fin à la réunion en Égypte sur un projet de trêve. « La réunion avec le ministre du Renseignement égyptien a pris fin, la délégation du Hamas va repartir pour Doha pour poursuivre des concertations » avec les dirigeants du mouvement, a déclaré à l’AFP un responsable du Hamas qui a requis l’anonymat. Selon une source égyptienne, une délégation reviendra mardi au Caire pour la reprise des négociations sur une trêve.
Netanyahou : « Capituler » serait « une terrible défaite »
« Quand Israël montre sa bonne volonté, le Hamas s’obstine dans ses positions extrêmes, en tête desquelles sa demande de retrait de nos forces de la bande de Gaza, la fin de la guerre et la préservation du Hamas. Israël ne peut accepter cela », a fustigé dimanche Benyamin Netanyahou, lors d’un Conseil des ministres. Il a aussi estimé que « capituler » face aux demandes du mouvement palestinien représenterait « une terrible défaite » pour Israël et « une grande victoire pour le Hamas, pour l’Iran ».
Signe que la situation reste sous haute tension, le gouvernement israélien a « décidé à l’unanimité » que la chaîne qatarie Al-Jazeera serait « fermée en Israël », a aussi annoncé Benyamin Netanyahou, cette fois dans un message sur le réseau X. Il avait déjà accusé précédemment le média d’être « un organe de propagande du Hamas et d’avoir participé au massacre du 7 octobre ». Le pouvoir israélien a d’ores et déjà ordonné la saisie du matériel de la chaîne dans le pays. Une décision contestée au sein même du gouvernement, selon The Jerusalem Post, trois ministres du parti de l’Unité nationale craignant que ce choix ne vienne « saper les efforts visant à venir à bout des négociations ».
De son côté, le chef du mouvement palestinien, Ismaïl Haniyeh, avait justement accusé dimanche Israël de « saboter les efforts des médiateurs ». Il a accusé dans un communiqué que Benyamin Netanyahou de vouloir « inventer des justifications constantes pour la poursuite de l’agression, l’extension (…) du conflit et le sabotage des efforts déployés par les différents médiateurs et parties ».
Par ailleurs, selon le journal israélien Haaretz, le document exprimant l’accord du Hamas, et qui était censé avoir déjà été soumis à l’Égypte, créant un petit vent d’optimisme, n’aurait en fait pas été envoyé. Les négociateurs contactés par CNN affirment que des progrès sur les aspects techniques ont été réalisés samedi, mais qu’il faudra encore plusieurs jours, peut-être une semaine, pour parvenir à un accord final entre les deux parties.
Le projet israélien d’assaut sur Rafah au centre des enjeux
Quant au contenu des tractations, la question de Rafah était au cœur des discussions : le mouvement palestinien voulait avoir la garantie que l’armée israélienne n’entrera pas dans la grande ville du sud de la bande de Gaza, où 1,2 million de personnes s’entassent dans des conditions de vie épouvantables. « Nous ferons ce qui est nécessaire pour gagner et vaincre notre ennemi, y compris à Rafah » avait redit cette semaine le chef de l’État hébreu, en soulignant qu’il lancerait cette offensive « avec ou sans accord » de trêve.
Les États-Unis, principal allié d’Israël, ont maintes fois manifesté leur opposition à un assaut sur Rafah « car les dommages qu’elle causerait seraient au-delà de ce qui est acceptable », a affirmé le secrétaire d’État Antony Blinken, chef de la diplomatie américaine.
Au cours d’un entretien téléphonique ce dimanche avec le Premier ministre israélien Emmanuel Macron « a réitéré sa plus ferme opposition à une offensive israélienne sur Rafah et l’urgence absolue qu’il y a de garantir une entrée massive d’aide humanitaire par tous les points d’accès à la bande de Gaza », tout en rappelant « la priorité qui était la nôtre d’une libération de tous les otages, et tout particulièrement de nos trois compatriotes, Ohad Yahalomi, Ofer Kalderon et Orion Hernandez », a précisé l’Élysée.
Dès lors, la durée de la trêve était aussi essentielle : temporaire, comme le veut Netanyahou, ou définitive, comme l’exige le Hamas ? Un responsable du mouvement palestinien a répété samedi à l’AFP que son mouvement n’accepterait « en aucun cas un accord ne prévoyant pas explicitement un arrêt de la guerre ». « Nos informations confirment que Netanyahou en personne freine un accord par calculs personnels », a-t-il ajouté, sans donner de précisions.
Selon les autorités israéliennes, il reste à Gaza 128 otages israéliens, dont 34 au moins sont morts. Israël considère officiellement les gens comme des otages, même s’ils sont morts, jusqu’à ce que leurs dépouilles soient restituées. L’armée israélienne a annoncé vendredi que la dépouille d’Elyakim Libman, classé otage à Gaza, avait été retrouvée en territoire israélien. Plus de 1 170 personnes sont mortes dans les attaques sanglantes perpétrées par le Hamas en territoire israélien le 7 octobre. En réponse, le gouvernement israélien a juré d’anéantir le mouvement au pouvoir à Gaza depuis 2007, et enclenche une riposte sans merci, qui dure depuis 211 jours. Samedi, le ministère de la Santé de Gaza affirmait que le bilan s’élève à au moins 34 654 morts dans l’enclave gazaouie.