Séparation, divorce : qui doit garder les meubles ? Comment prouver ce qui m'appartient ?
Séparation, divorce : qui doit garder les meubles ? Comment prouver ce qui m’appartient ?
Qui dit rupture dit souvent déménagement et répartition des biens. Le mobilier en fait partie. Comment se partager les meubles, notamment quand on n’est pas d’accord ? Éclairage avec NotariElles, association de femmes notaires.
Divorces, ruptures de pacs ou d’union libres : entre 2010 et 2020, plus de 425 000 séparations conjugales ont eu lieu en moyenne chaque année d’après la Drees, la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du Service Public. Parmi les démarches à effectuer, le déménagement et la répartition des biens mobiliers. Sur cette question, il existe de fortes inégalités entre les sexes. Quand un partenaire prend le dessus, il peut déposséder l’autre et d’autant plus si c’est une femme tant matériellement que du point de vue de l’autonomie. Cette forme de contrôle insidieuse fait partie des violences économiques dont 41 % de Françaises sont victimes au moins une fois dans leur vie (sondage Ifop publié fin 2023). Pour faciliter la séparation, beaucoup cèdent et laissent leur conjoint prendre le dessus. Or, non seulement “le mobilier peut avoir une valeur affective ou sentimentale mais il peut également avoir une grande utilité en cas de réaffectation à un nouveau logement”. En démunir une femme peut d’autant plus contribuer à son appauvrissement. Pour mieux défendre ses intérêts et partager ses bien mobiliers équitablement, la rédaction de Femme Actuelle s’est tournée vers Estelle Amram, notaire à Paris et présidente de NotariElles. Cette association accompagne les femmes notaires dans leur quotidien ainsi que d’autres associations de femmes dans d’autres domaines d’exercice. On fait le point.
Qu’est-ce qu’un meuble ?
D’après l’article 529 du Code civil, un meuble est tout ce qui n’est pas immeuble : “Sont meubles par leur nature les biens qui peuvent se transporter d’un lieu à un autre”. Estelle Amram précise que “les meubles meublant sont ceux qui sont utilisés pour les besoins de la vie quotidienne. Il s’agit par exemple : des lits, tables, canapé, sièges, les appareils télévisés…”
La question de la répartition n’est pas évidente d’autant que “le principe même d’un meuble c’est de ne pas être individualisé”, indique Estelle Amram. Sa répartition est donc soumise à l’accord des partenaires.
Pacs, mariage : peut-on individualiser les meubles avant la signature du contrat ?
Il est tout à fait possible et préférable d’individualiser les biens mobiliers avant la signature d’un contrat, que ce soit de mariage ou de pacs.
- Pour le pacs, c’est assez récent. Une loi est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 et prévoit : “Pour les biens existants au jour du pacs, il est possible de faire l’état de ce que le couple possède et à qui cela appartient. Il est également possible de lister les biens que chacun possédait avant de se mettre en couple dans une convention de concubinage.“
- En cas de contrat de mariage, il est également possible de faire l’inventaire du mobilier qui appartient à chacun des époux.
Comment se répartir les biens ? Doit-on faire 50/50 ?
Dans la théorie, la répartition des biens est plutôt simple. Le Service Public indique à l’adresse des couples mariés : “Chacun des ex-époux reprend ses meubles si ce sont des biens propres. Les affaires strictement personnelles (vêtements, papiers, souvenirs de famille) et les cadeaux sont repris par l’époux à qui ils appartiennent. Les instruments de travail sont également repris par l’époux concerné.” La répartition à l’amiable est également la première des alternatives en cas de pacs ou de concubinage. Dans ce cas, on en fait appel au bon sens de chacun.
Que faire en cas de désaccord entre les 2 partenaires ?
Dans les faits, une rupture entraîne bien souvent des conflits. En cas de désaccord entre les deux partenaires, l’un ou l’autre peut recourir aux lois encadrant le mariage et le pacs. Toutefois, il n’existe rien concernant le concubinage. Estelle Amram explique : en cas de mariage ou de pacs, “les meubles meublants appartiennent pour moitié à chacun des partenaires ou époux” (excepté pour les bien reçus par donation ou succession).
- Précision du Service Public au sujet du mariage : “Les meubles communs doivent être partagés par moitié, en nature (un meuble pour un meuble) ou en valeur (le prix du meuble). Les meubles se partagent en général en lots. L’époux qui reçoit davantage en valeur doit dédommager l’autre“.
- Pour un pacs, cela vaut pour les deux régimes, exception faite de ceux signés après le 1er janvier 2007 pour les couples qui auraient spécifié une autre manière de répartir leurs biens mobiliers. Mais “s’ils n’ont rien prévu, le régime qui leur sera applicable est celui de la séparation des biens.“
Comment prouver qu’un meuble nous appartient ? Quels sont les recours ?
Pour prouver qu’un meuble appartient à l’un des partenaires, qu’il soit acquis avant et non déclaré au contrat ou acquis après la conclusion du mariage et du pacs, voici les recours possibles, d’après la notaire :
- En cas de pacs ou de mariage sous le régime de la séparation de biens ou de pacs signé depuis 2007 : les factures font foi. “Conservez bien les factures des biens de valeurs acquis et les documents bancaires. En l’absence de preuve, ils sont censés appartenir à chacun à concurrence de moitié.“
- En cas de dissolution d’un mariage sous le régime de la communauté de biens ou de pacs soumis à l’indivision ou signé avant 2007, “les meubles sont censés appartenir à chaque époux chacun pour moitié. Étant financés par les fonds communs, ils constituent des biens communs. Pour un divorce, en cas de difficultés, c’est le juge qui tranchera.“
De là à recourir à un juge pour faire valoir vos droits… C’est bien sûr possible, Estelle Amram nous confirme que le coût financier dépasse généralement la valeur des meubles en question. “Il faut avoir à l’esprit que l’exécution des mesures relatives aux meubles peut être plus onéreuse que les meubles eux-mêmes. La plupart des meubles perdent beaucoup en valeur dès leur sortie du magasin. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à consulter le site du “Bon Coin”.” Même dans le cas d’objets de valeur, la notaire confesse qu'”il serait également difficile de faire exécuter la décision du juge notamment lorsqu’un meuble a disparu. Comment prouver lequel dans le couple l’a pris…”.
La meilleure manière de se protéger, d’après la notaire, en plus de garder les factures et documents bancaires, “c’est de faire un inventaire avant la conclusion du pacs ou du mariage, car en plus cela fige psychologiquement les choses”. L’inventaire, qui consiste simplement à énumérer les meubles dans une liste, sera signé et joint au contrat. On prendra soin de préciser dans l’inventaire par exemple la marque de l’ordinateur.
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