Roussillon : la pluie est enfin revenue après deux ans de sécheresse
Vignoble du Roussillon sous les nuages
Deux ans qu’il n’avait pas autant plu. Cette semaine, le vignoble du Roussillon a été largement arrosé, permettant aux vignerons de pousser un ouf de soulagement. “Selon les secteurs, entre dimanche et jeudi, il est tombé de 50 à 100 mm. Ce mois d’avril sera le premier mois excédentaire en pluie par rapport à une année normale depuis deux ans”, indique Julien Thiery, chef du département Viticulture à la chambre d’agriculture des Pyrénées-Orientales.
Une pluie bienvenue mais encore insuffisante
Des pluies salvatrices qui n’enrayeront pas pour autant ces deux dernières années de sécheresse. “Le niveau de pluviométrie sur le département reste déficitaire puisque nous n’avons reçu que 200 mm depuis les vendanges contre 400 mm en année normale”, confirme Julien Thiery. C’est une “pause dans la sécheresse de surface”, abonde l’agroclimatologue Serge Zaka, expliquant qu’il faudra attendre l’automne prochain pour renflouer les nappes phréatiques, l’eau étant actuellement captée par la végétation. En attendant, pendant près de quatre jours, la pluie est tombée, sans trop d’intensité et de manière régulière. Une pluie idéale, selon les vignerons, qui évite tout ravinement du sol. “Nous n’avons pas une seule flaque d’eau dans nos parcelles, signe que la terre a tout bu”, relève Aurélie Mercier, directrice technique de la maison Cazes. “Nos sondes, à 30 et 60 cm de profondeur, confirment un sol réhumecté.” Même retour à Maury dans la vallée de l’Agly où la pluie est tombée “en douceur”, se réjouit Aurélie Pereira, présidente de la cave coopérative. “Et sans tramontane derrière, ce qui aurait resséché les sols dans la foulée”, complète Pierre Pelou, vigneron à Tautavel.
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Ces pluies tombent à point nommé, quelques jours avant le démarrage de la floraison, “une étape clé”, explique Dominique Génot, à la tête du domaine Mas Llossanes, à Tarerach. “En cas de stress hydrique à ce moment-là, le risque est d’avoir ensuite une mauvaise nouaison, ce qui correspond au moment où le fruit se forme à la suite de la fertilisation de la fleur. Des phénomènes de coulures peuvent alors apparaître, entraînant la chute du fruit avant même qu’il ne grossisse.” Si le bon déroulement du cycle végétatif de la vigne est assuré au moins jusqu’en juin, de nouvelles pluies seront toutefois nécessaires avant les vendanges. “Idéalement, il faudra encore 20 à 30 mm en juillet et la même chose début août”, estime le chef du département Viticulture à la chambre d’agriculture. “Seuls 5% du vignoble du Roussillon sont irrigués, contre 20 à 30% en Languedoc”, rappelle-t-il. “Nous sommes complètement tributaires de ce qui nous tombe du ciel “.
Les rendements ne cessent de baisser
2023 n’est pas la première année de sécheresse et la mortalité dans les vignes se fait ressentir. “Difficile de l’estimer car elle est très hétérogène. Elle se traduit souvent par des “trous“ dans les parcelles”, explique Julien Thiery qui l’évalue toutefois à près de 10% de potentiel de production en moins. Une chose est sûre, les rendements ne cessent de baisser, passés de 42 hl/ha en 2012 à désormais autour de 30 hl/ha, et même 26 hl/ha en 2023, donnant la plus faible récolte enregistrée pour le Roussillon avec 481 000 hl. “Aujourd’hui, les viticulteurs dépensent de l’argent pour travailler. Certes ils sont coutumiers des aléas climatiques et des difficultés économiques mais il y a toujours de bonnes années pour se refaire. Là, ce n’est pas le cas.”
Pour Romuald Peronne, président du syndicat Collioure-Banyuls, “la problématique de la sécheresse est mineure car conjoncturelle. Il ne faut pas mettre tout le Roussillon dans le même panier : de notre côté, en 2023, nous avons fait 10% de mieux qu’en 2022 ! Là où la vigne n’a pas poussé, cela veut peut-être dire qu’il va falloir, malheureusement, arrêter à ces endroits. Ceux qui sont en difficulté aujourd’hui l’étaient déjà avant la sécheresse, avec une rentabilité limite, voire négative. Le moindre pépin qui arrive les met dans une situation délicate.”
Plus que la sécheresse, un problème de sous-commercialisation
Pour le vigneron de la côte Vermeille, le problème de fond demeure la sous-commercialisation des vins du Roussillon. “Il y a eu la dégringolade des vins doux naturels en vingt ans et, depuis deux – trois ans, il y a les difficultés sur le marché du vin rouge qui représentent deux tiers de notre production”, abonde Julien Thiery.”Certains plantent des blancs mais ils sont peu, faute de trésorerie disponible, et parce qu’ils ont peu de perspectives de reprise de leur exploitation.” Les primes à l’arrachage définitif attendues pour 2025 devraient d’ailleurs trouver preneurs, craint Pierre Pelou qui estime qu’il faudrait pourtant au contraire “garder un volume représentatif pour être visible sur les marchés.”
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