Qui est Salomé Zourabichvili, la présidente qui défend la position européenne de la Géorgie ?
Salomé Zourabichvili, le 31 mai 2023, à Bruxelles en Belgique.
Des manifestations massives ont lieu en Géorgie depuis plusieurs semaines. Ancienne diplomate française, la présidente du pays défend une vision pro-européenne, à l’inverse du gouvernement qui se rapproche de la Russie.
En Géorgie, la présidente n’est pas en phase avec son gouvernement. Des dizaines de milliers de manifestants sont à nouveau descendus dans la rue, mercredi 1er mai 2024 au soir. Une protestation contre le projet de loi controversé sur l’ « influence étrangère ».
Le texte a été adopté en deuxième lecture par le Parlement. Le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, qui a la majorité parlementaire, compte l’adopter définitivement d’ici mi-mai, malgré la mobilisation massive de ses opposants depuis début avril. Ce texte est perçu comme une entrave aux aspirations de Tbilissi à rejoindre l’Union européenne. Il doit encore passer une troisième lecture.
La présidente géorgienne Salomé Zourabichvili à une réunion au siège de l’Union européenne, à Bruxelles en Belgique, le 13 mars 2023.
En conflit avec le gouvernement, la présidente du pays Salomé Zourabichvili devrait y mettre son veto – même si le Rêve géorgien dispose d’assez de voix pour pouvoir passer outre. Peu connue, ancienne diplomate française, partisane du rapprochement avec l’UE mais aux prérogatives limitées… Mais qui est la présidente de la Géorgie, Salomé Zourabichvili ?
Un rôle essentiellement symbolique
Élue présidente en 2018 avec l’appui de Rêve géorgien, Salomé Zourabichvili a pris depuis lors ses distances avec le parti gouvernemental. Pro-Europe, elle l’a depuis régulièrement accusé d’entretenir des liens avec Moscou. En septembre 2023, le parti au pouvoir avait même entamé une procédure de destitution à son encontre, quelques années après l’avoir pourtant soutenue.
Aujourd’hui âgée de 72 ans, Salomé Zourabichvili tient un rôle essentiellement symbolique à la tête de l’État, puisque la présidence géorgienne est surtout un poste de représentation, depuis que la majorité des pouvoirs exécutifs a été transférée ces dernières années au Premier ministre. La cheffe de l’État conserve toutefois une influence politique.
Une ex-diplomate française
Née française à Paris en 1952, elle est issue d’une famille d’émigrés géorgiens composée d’intellectuels, d’économistes et de politiques, très influente dans la diaspora géorgienne et en lien avec le pouvoir en exil à Paris et à Leuville-sur-Orge, dans l’Essonne.
Ses grands-parents avaient soutenu la première république indépendante de Géorgie, proclamée en 1918 par les sociaux-démocrates, expliquait Ouest-France en 2018. Avec son père, ils avaient fui et s’étaient exilés en France en 1921, au moment de l’invasion du pays par l’Armée rouge, envoyée le pouvoir bolchévique russe. Son père Levan avait alors 14 ans et, durant toute l’ère soviétique, il a entretenu la flamme à la tête de l’Association géorgienne de France.
Salomé Zourabichvili est notamment la cousine de l’académicienne Hélène Carrère d’Encausse, décédée l’été dernier, qui a été sa professeure dans son cursus autour du monde soviétique, comme le relevait franceinfo . Elle va à l’école française mais à l’église géorgienne. Diplômée de Science Po, elle rejoint la diplomatie française dans les années 1970 puis connaît une ascension rapide. Elle travaillera notamment à l’ambassade à Rome, puis à l’Onu ou encore à l’Otan.
Ambassadrice, ministre puis présidente
En 2003, Jacques Chirac la nomme ambassadrice à Tbilissi. Avant, l’année suivante, de se voir accorder la double nationalité et d’intégrer le gouvernement du nouveau président géorgien Mikhaïl Saakachvili. « Le président de l’époque a demandé au président français s’il pouvait “emprunter” son ambassadeur », a raconté sa fille, la journaliste de France 24 Kethevane Gorjestani, sur Europe 1.
Ayant besoin de cadres, il lui confie le ministère des Affaires étrangères. Sa volonté de remodeler la Géorgie, indépendante depuis 1991, sur le modèle français lui vaut une image d’arrogance. C’est elle qui négocie le départ des bases militaires russes du pays du Caucase, note franceinfo. Débarquée au bout d’un an, elle crée son propre parti, la Voie de la Géorgie, qu’elle dirige jusqu’à son retour en France en 2010.
Revenue en Géorgie, elle est élue députée en 2016 comme candidate indépendante au Parlement. En 2018, celle qui parle six langues renonce à la nationalité française pour candidater à la présidentielle. Durant la campagne électorale, Salomé Zourabichvili avait été vivement critiquée pour avoir déclaré que la courte guerre de 2008 contre la Russie (dans deux régions séparatistes) avait éclaté parce que la Géorgie avait commis l’erreur de répondre « aux provocations russes ». Elle sera tout de même élue.
Partisane du rapprochement avec l’UE
Salomé Zourabichvili est tournée vers l’Europe. En mars 2023 déjà, la cheffe de l’État avait – tout comme le voisin ukrainien – ouvertement apporté son soutien aux manifestants et indiqué qu’elle mettrait son veto au projet de loi. En avril 2024, le retour du texte au Parlement a ravivé les tensions entre le gouvernement et la présidente.
La Géorgie a l’ambition depuis des années d’approfondir ses relations avec les Occidentaux mais le parti au pouvoir est accusé de vouloir, au contraire, rapprocher cette ex-république soviétique de la Russie. « La Géorgie ne se rendra pas à la re-soviétisation ! » a écrit Salomé Zourabichvili sur X (ex-Twitter).
Aux yeux de ses détracteurs, Rêve géorgien est trop proche de Moscou et a enclenché ces dernières années un virage jugé trop répressif. Les deux pays n’ont plus de relations diplomatiques officielles depuis 2008. Le ressentiment anti-Russie reste très présent dans l’opinion publique et la population géorgiennes. Mais le gouvernement a évité de critiquer ouvertement ce que le Kremlin appelle « une opération militaire spéciale » en Ukraine et n’a pas imposé de sanctions envers la Russie après le lancement l’invasion de leur voisin commun.