Pour armer l’Ukraine, l’UE s’accorde afin d’utiliser l’argent des avoirs gelés de la Russie
Un tank de l’armée ukrainienne et son équipage à proximité de la ligne de front dans la région de Zaporijia, le 18 avril 2024.
De l’argent frais qui serait bienvenu au moment où l’armée ukrainienne souffre face aux coups de boutoir russes. Les Vingt-Sept sont parvenus, ce mercredi 8 mai, à un accord «de principe» sur l’utilisation des bénéfices provenant des immenses avoirs de la Russie gelés dans l’Union européenne afin d’armer l’Ukraine. La présidence belge de l’Union européenne a déclaré que «cet argent servira à soutenir la défense militaire et la reconstruction de l’Ukraine».
Cet accord, qui devra encore être confirmé au niveau des ministres de l’UE, intervient après de longs et âpres débats sur la façon d’utiliser les avoirs de l’État russe. Bloqués depuis le déclenchement de l’invasion de l’Ukraine, les colossaux avoirs russes représenteraient environ 210 milliards d’euros dans l’UE – sur 300 milliards au total dans le monde. La Commission européenne avait proposé en mars un plan visant à saisir ces bénéfices, qui pourraient permettre de dégager entre 2,5 et 3 milliards d’euros par an en faveur de Kyiv.
«Il ne pouvait y avoir […] un meilleur usage pour cet argent que [d’y recourir] pour rendre plus sûr l’Ukraine et l’Europe tout entière», a ajouté Ursula von der Leyen, dans un message sur X. Selon le plan adopté, 90 % des revenus saisis seront destinés à la Facilité européenne pour la paix (FEP), qui finance des achats d’armes, cruciaux à un moment où Kyiv réclame des munitions et des systèmes de défense aérienne pour contenir une armée russe à l’offensive. Les 10 % restants seront versés au budget de l’UE pour renforcer les capacités de l’industrie de défense ukrainienne.
Parmi les Vingt-Sept, certains Etats avaient cependant dit redouter les conséquences d’une telle saisie, craignant le précédent que cela pourrait créer sur les marchés financiers, et les répercussions judiciaires qu’elle engendrerait. La Russie avait d’ailleurs menacé en mars l’UE de lui intenter des poursuites judiciaires «sur des décennies» en cas d’utilisation des revenus de ses avoirs gelés au profit de l’Ukraine, ce qui s’apparenterait selon Moscou à un «vol».
L’immense majorité de ces avoirs russes gelés se trouve en Belgique, où ils sont administrés par Euroclear, un organisme international de dépôts de fonds. Ce groupe a pu en tirer des revenus totalisant l’an dernier 4,4 milliards d’euros – une somme taxée par l’Etat belge au titre de l’impôt sur les sociétés. Selon une source diplomatique, l’accord des Vingt-Sept consistera à saisir ces revenus des avoirs russes après imposition, mais la Belgique s’est engagée à réallouer à l’Ukraine l’ensemble des recettes fiscales générées sur son territoire par ces revenus exceptionnels.