Pas-de-Calais : A La Coupole, histoire et science s’unissent pour raconter la « face cachée » de la conquête spatiale
A l’occasion des commémorations de la Seconde Guerre mondiale, « 20 Minutes » a visité La Coupole, un centre d’histoire situé dans un ancien bunker nazi destiné à envoyer des fusées V2 sur Londres
Under the dome – A l’occasion des commémorations de la Seconde Guerre mondiale, « 20 Minutes » a visité La Coupole, un centre d’histoire situé dans un ancien bunker nazi destiné à envoyer des fusées V2 sur Londres
Un dôme en béton de 5,5 mètres d’épaisseur qui vous coupe du monde extérieur. Des tunnels froids et humides qui serpentent sous terre. C’est dans ce cadre impressionnant que se trouve le centre d’histoire et planétarium La Coupole, à 5 kilomètres de Saint-Omer, dans le Pas-de-Calais. Installé dans une ancienne base secrète des nazis construite pour lancer sur Londres des missiles V2, les premières fusées du monde, le site, qui se veut comme un « espace de compréhension des enjeux historiques et scientifiques » de la Seconde Guerre mondiale, propose de revenir sur le conflit et la conquête spatiale à travers un prisme local.
Alors que le 8 mai ouvre le bal des commémorations de la Seconde Guerre mondiale, avec notamment les 80 ans du Débarquement et la Libération, 20 Minutes a visité ce lieu impressionnant, dont les commémorations débutent le 31 mai (lire l’encadré).
Un lieu atypique
Si le chantier du bunker n’a jamais été terminé et la base jamais mise en service à cause des bombardements alliés et du Débarquement, le site aux 120.000 visiteurs par an a de quoi impressionner : constitué de centaines de mètres de galeries, il est surmonté d’un dôme en béton armé de 55.000 tonnes et 77 mètres de diamètre. « Ce qui en fait un bunker inviolable », pose le directeur de La Coupole, Philippe Queste. On n’en doute pas : dans les tunnels et sous le dôme, il règne un froid glacial et un silence absolu, et aucun réseau téléphonique ne traverse les murs épais.
L’histoire de ce lieu, dont la construction a commencé en 1943, est décrite au début de la visite, notamment dans les tunnels qui mènent au dôme. On y trouve des niches qui reviennent sur des événements spécifiques de la Seconde Guerre mondiale, comme le drame du train de Loos, parti vers les camps le jour de la Libération de la région.
Sous le dôme, on découvre en détail l’histoire des missiles V1 et V2, dont on peut observer des modèles originaux. « Notre exemplaire de V1 a même volé, ce qui est extrêmement rare », glisse Philippe Queste.
Le missile V1 de La Coupole est un modèle original qui a volé. – M. Minaca / 20 Minutes
Un parcours au cœur de l’histoire
Le musée, ouvert en 1997, consacre une bonne partie du dôme aux différents lieux de lancement et aux centres de recherche de Peenemünde, en Allemagne, où étaient fabriqués et assemblés les V2 avant que le site ne soit bombardé, et de Los Alamos, aux Etats-Unis, où étaient menées les recherches sur la bombe atomique à la même période. Un focus est également fait sur le camp de concentration de Dora, où « les Allemands ont délocalisé la production et l’assemblage des V2 après un le bombardement de Peenemünde et où un tiers des déportés sont morts lors du creusement des tunnels dans des conditions abominables », souligne le directeur de La Coupole. Vient ensuite une partie sur la conquête spatiale, la récupération des scientifiques après la guerre et la découverte de Dora, ainsi qu’un mémorial pour les déportés du camp.
Car le but premier de ce lieu est celui-ci : mettre en lumière la « face cachée » de l’histoire de la conquête spatiale, « sur laquelle on a jeté un voile » d’après Philippe Queste. « Quand on parle de la conquête spatiale, on parle de science, on met des étoiles dans les yeux des gens, mais on oublie qu’elle s’est faite à partir de la fusée V2, qui était produite par des déportés, reprend le directeur. Il y a 20.000 personnes qui sont mortes à Dora pour créer l’usine et produire les missiles. Il s’agit de remettre sur le devant de la scène cette histoire horrible, qui a concerné des milliers de personnes. On doit quelque chose à la mémoire de ces gens-là. Aujourd’hui, parler de la conquête spatiale sans se souvenir de ça, c’est prendre un risque que l’histoire bégaie. »
Le V2, première fusée
Une sombre histoire qui n’empêche pas le centre de revenir sur l’épopée scientifique des V2. Véritables fusées avant l’heure, ces missiles de 14 mètres de haut et d’une portée de 320 kilomètres produisent, grâce à leur moteur, une poussée de 25 tonnes pour « sortir de l’atmosphère, puis redescendre » frapper leur cible avec une charge d’environ 750 kg d’équivalent TNT.
Le missile V2, censé frapper Londres depuis La Coupole, transportait environ 750 kilos de TNT. – AMsoHappy
L’immersion se poursuit dans les deux salles de préparation des V2, situées en profondeur sous le dôme. Si des lancements avaient eu lieu, c’est ici que la fusée aurait été « redressée, posée sur son support sur rail et remplie de carburant », avant d’être amenée sur le pas de tir, décrit Philippe Queste.
Impossible, aussi, d’évoquer les V2 sans parler de leur concepteur, l’ingénieur allemand Wernher von Braun, récupéré par les Etats-Unis après la guerre. « Il est fait citoyen américain et conduit le pays sur le sol lunaire avec le programme Apollo », dont il a développé la fusée Saturn V, rappelle le directeur de La Coupole.
Un lieu de mémoire
En parallèle de l’histoire des V2 et de la conquête spatiale, le site retrace l’histoire de la guerre dans la région à travers un parcours chronologique : bataille de France, bataille d’Angleterre, mur de l’Atlantique, opération Dynamo, massacre d’Ascq… On revient ainsi sur les spécificités de cette période dans la région, qui n’était pas pilotée par le régime de Vichy mais directement par les Allemands depuis Bruxelles.
Des panneaux abordent aussi l’occupation, avec un focus sur « la vie quotidienne, les restrictions, la difficulté à vivre » lors de cette période. Le lieu fait la part belle à la Résistance, « qui récupère des pilotes, met en place des filières d’évasion, produit des journaux comme L’Homme libre ou La Voix du Nord, qui va faire beaucoup de renseignement ou de sabotages », détaille Philippe Queste.
«Ã‚ On est dans de l’histoire locale, mais pas que, pose le directeur du site. On évoque l’histoire internationale parce qu’on est un point carrefour entre l’Allemagne, l’Angleterre, la Flandre, les Pays-Bas et la France. On a ce devoir d’être les gardiens de cette mémoire, de garder cette petite flamme de la conscience. »
Une flamme renforcée par des panneaux sur la libération des camps et un mémorial consacré aux 8.000 fusillés et déportés du Nord-Pas-de-Calais. Dans une petite salle, les quatre murs sont couverts de photos de personnes déportées. La biographie de 1.500 d’entre elles est disponible sur des écrans, un chiffre voué à augmenter. « L’idée est de faire un travail avec les scolaires et d’écrire les biographies des gens », précise Philippe Queste.
Se tourner vers l’avenir
Pour poursuivre l’histoire de la conquête spatiale, La Coupole s’est dotée, en 2012, d’un planétarium. Pour notre interlocuteur, « c’est la suite de l’histoire, qui permet de se projeter vers l’avenir ». Avec son écran de 15 mètres de diamètre, « l’outil nous permet d’avoir une modélisation en 3D d’une grande partie de l’univers. On peut emmener le public à des endroits où l’homme n’est jamais allé », ajoute-t-il.
Le planétarium, ouvert en 2012, propose des séances d’une heure sur différentes thématiques. – M. Minaca / 20 Minutes
Chaque jour, cinq séances différentes sont diffusées. On peut ainsi plonger en immersion dans la Station spatiale internationale avec des astronautes, découvrir l’épopée des sondes Voyager à travers le système solaire, en apprendre (encore) plus sur la conquête spatiale, remonter le temps jusqu’au Big Bang pour comprendre la naissance de notre univers ou en apprendre plus sur le Débarquement. Particularité de La Coupole : « Chaque film est précédé d’une préséance d’une quinzaine de minutes, animée par des spécialistes qui travaillent sur place ». Un site complet, donc, où se mêlent naturellement histoire et science.
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