Opération à Rafah : ce que l’on sait du plan d’évacuation et de l’offensive annoncée par Israël
Est-ce la première étape de l’offensive tant redoutée ? Selon la défense civile de Gaza, des bombardements ont commencé ce lundi après-midi sur deux quartiers de Rafah. Ce lundi matin, l’armée israélienne avait « encouragé » les habitants des quartiers est de la ville du sud, où s’entasse plus d’un million de réfugiés, à se rendre dans les zones humanitaires. Dans l’après-midi, le Croissant-Rouge palestinien a indiqué que « des milliers » de personnes ont commencé à fuir l’est de Rafah.
Que prévoit le plan d’évacuation de Rafah ?
En vue d’une offensive évoquée depuis plusieurs mois, Israël a lancé ce lundi une opération visant à faire évacuer des dizaines de milliers de familles palestiniennes de l’est de la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza. L’armée a confirmé avoir « commencé une opération d’ampleur limitée pour évacuer temporairement les personnes résidant dans l’est de Rafah », estimant à « environ 100 000 » le nombre de personnes concernées. L’armée a affirmé que cette évacuation « faisait partie des plans de démantèlement du Hamas », considéré comme une organisation terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union européenne.
«Ã‚ Les habitants évacuent dans la terreur et la panique », a déclaré àl’AFP Ossama al-Kahlout, un responsable du Croissant-Rouge palestinien dans l’est de Rafah, précisant que les zones désignées abritaient environ 250 000 personnes. Des habitants ont raconté àl’AFP avoir appris la nouvelle àleur réveil, après une nuit d’angoisse rythmée par une dizaine de frappes israéliennes. Certains préparaient leurs affaires, dans leurs tentes inondées par une pluie abondante, ou les entassaient dans des remorques.
Des tracts largués ce lundi matin sur les quartiers est de Rafah avertissaient que « l’armée israélienne s’apprête à agir avec force contre les organisations terroristes ». « Pour votre sécurité, l’armée israélienne vous demande d’évacuer immédiatement vers la zone humanitaire élargie d’al-Mawasi », à une dizaine de kilomètres de Rafah, est-il indiqué. Un habitant de Rafah a également indiqué à l’AFP que certains avaient reçu des messages vocaux sur leur téléphone les invitant à partir et des SMS avec une carte leur indiquant vers où se rendre.
Displaced Palestinians in Rafah in the southern Gaza Strip carry their belongings as they leave following an evacuation order by the Israeli army on May 6, 2024, amid the ongoing conflict between Israel and the Palestinian Hamas movement. (Photo by AFP)
Selon l’armée, « des hôpitaux de campagne, des tentes et un volume croissant de nourriture, d’eau, de médicaments et autres » sont installés dans cette zone. Mais des habitants et des organisations humanitaires décrivent des secteurs déjà surpeuplés ou détruits après sept mois de guerre.
Rafah, à la lisière sud de la bande de Gaza, est transformée en un gigantesque camp de réfugiés abritant, selon l’ONU, 1,2 million de Palestiniens, soit la moitié de la population du territoire, pour la plupart des déplacés.
L’offensive a-t-elle déjà commencé ?
Les bombardements israéliens, aériens et d’artillerie, « durent depuis la nuit dernière et se sont intensifiés depuis ce matin », a expliqué à l’AFP Ahmed Redwan, un porte-parole de la défense civile palestinienne, précisant que deux des quartiers visés – al-Shuka et al-Salam – figuraient parmi ceux que l’armée israélienne a demandé aux habitants d’évacuer.
Il a affirmé que l’intensification des bombardements avait coïncidé avec l’annonce par Israël aux habitants de certains quartiers de l’est de Rafah qu’ils devaient partir, en raison d’une prochaine opération militaire.
Ossama al-Kahlut, membre du service des opérations d’urgence du Croissant-Rouge, basé à Rafah, a confirmé des bombardements israéliens dans les quartiers Est de Rafah. « Il est clair qu’ils visent des domiciles, mais nous n’avons pas été informés de la présence de victimes dans les zones visées », a-t-il déclaré.
Un habitant de Rafah, Yakoub al-Cheikh Salama, 30 ans, a fait part de bombardements intenses dans plusieurs quartiers, notamment al-Salam et al-Shuka. « Il y a de fortes explosions et des bruits terrifiants de bombardements aériens et d’artillerie », a-t-il déclaré à l’AFP.
Pourquoi maintenant ?
Cette opération intervient après la mort dimanche de quatre soldats tués par des roquettes tirées depuis l’est de Rafah autour de Kerem Shalom, le principal point d’entrée de l’aide humanitaire depuis Israël vers Gaza. La branche armée du Hamas a revendiqué ces tirs, qui ont conduit Israël à fermer le passage, alors que l’aide internationale entre au compte-gouttes dans le territoire assiégé, où l’ONU craint une famine généralisée.
En outre, d’après le Wall Street Journal, Israël avait lancé vendredi un ultimatum au Hamas : sans accord de cessez-le-feu d’ici le 10 mai, l’offensive à Rafah commencera. Au cours du week-end, les discussions sur une trêve se sont à nouveau tendues entre les deux parties. Les médiateurs internationaux doivent tenter de sortir de l’impasse lors d’une « réunion d’urgence » au Qatar ce lundi, après sept mois de guerre. Une délégation du mouvement islamiste palestinien pourrait revenir en Égypte à partir de mardi pour reprendre les négociations.
Le gouvernement allemand a appelé toutes les parties à « ne pas mettre en danger » les discussions sur une possible trêve. « Les négociations ne doivent pas être mises en danger et toutes les parties doivent faire un maximum d’efforts afin d’arriver à une situation où les habitants de Gaza peuvent être approvisionnés le mieux possible en biens humanitaires et où les otages peuvent être libérés », a déclaré une porte-parole du ministère des Affaires étrangères Kathrin Deschauer.
Les critiques internationales
Pour parvenir à la « victoire finale », Benyamin Netanyahou n’a eu de cesse de proclamer, ces derniers jours, qu’il lancerait une offensive militaire d’ampleur sur Rafah, où sont regroupés selon Israël quatre bataillons du Hamas, et ce malgré les pressions des capitales et des ONG, qui redoutent les conséquences d’une telle opération.
Ce lundi, Paris a rappelé sa « ferme opposition » à une offensive à Rafah, ajoutant que « le déplacement forcé d’une population civile constitue un crime de guerre au sens du droit international ». L’ordre d’évacuation par Israël est « inacceptable », a critiqué de son côté le chef de la diplomatie de l’UE, Josep Borrell. La diplomatie allemande a, de son côté, rappelé ses nombreuses mises en garde contre « une catastrophe humanitaire annoncée » pour la population civile de Rafah.
Au-delà de la concentration de population, cette ville du sud est aussi le principal point de passage terrestre de l’aide humanitaire, strictement contrôlée par Israël qui assiège le territoire. Une offensive serait un « coup dur » pour les opérations humanitaires, a prévenu l’ONU.
De son côté, le président américain Joe Biden va s’entretenir avec Benyamin Netanyahou ce lundi à propos de Rafah. « Nous avons fait clairement part au gouvernement israélien de notre point de vue sur une invasion terrestre majeure de Rafah et le président parlera au Premier ministre aujourd’hui », a indiqué à l’AFP un porte-parole du Conseil national de sécurité.