Max-Erwann Gastineau : "L’occidentalisation de la Chine a préfacé la désoccidentalisation du monde"

Le président Xi Jinping est en visite à Paris.

L’adhésion aux valeurs occidentales, l’attractivité des démocraties libérales, l’influence des États-Unis, la place de l’Europe dans la croissance mondiale… tous ces indicateurs sont en recul. Un contre-monde a émergé, dominé par les BRICS, sigle réunissant le cartel des puissances émergentes. Avec en son cœur un modèle unique, aussi inquiétant par bien des aspects que fascinant par son rapide essor : le « modèle chinois ».

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Souvent réduits à l’opposition séculaire entre démocraties et autocraties, nous passons à côté de ses plus prépondérantes aspérités. Une erreur fondamentale, à l’heure d’un monde multipolaire, désoccidentalisé, qui appelle d’autres réponses que la poursuite paresseuse d’un manichéisme de confort.

Les mots de l’affirmation

Au plus fort de la crise sanitaire, consécutive à la pandémie de Covid-19, Pékin a opposé la force son modèle. Une communication de l’ambassade de Chine en France passée relativement inaperçue, publiée le 27 mars 2020, l’a illustré. « Les pays asiatiques, dont la Chine, affirme ce communiqué, ont été particulièrement performants dans leur lutte contre le Covid-19 parce qu’ils ont ce sens de la collectivité et du civisme qui fait défaut aux démocraties occidentales. Mais si les Sud-Coréens, les Japonais et les Singapouriens se comptent en millions, en dizaines de millions ou, tout au plus, en centaines de millions, pour les Chinois, l’unité de compte est le milliard. Ainsi, quand bien même la Chine serait aussi efficace qu’eux contre l’épidémie, elle fait face à une difficulté de 10 fois à 100 fois supérieure. Gouverner si bien, et même mieux que d’autres pays, une nation aussi immense sans un bon régime est absolument inimaginable. »

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Longtemps discrets et pragmatiques imitateurs du modèle occidental, les officiels chinois ont donc assumé, en réponse aux critiques adressées contre leur gestion de la crise sanitaire, le rapport de force idéologique, la supériorité culturelle (« civisme astatique ») et politique de leur modèle. Mais d’où puisent-ils cette manifeste arrogance ?

« Monsieur Science » et « Monsieur démocratie »

Le modèle chinois est le produit de deux crises majeures. La première prend ses racines dans les guerres de l’opium. La défaite de Pékin en 1860 face aux principales puissances occidentales engendre une crise identitaire inédite.

Les milieux intellectuels multiplient les appels à refonder la culture chinoise à partir des « savoirs occidentaux ». L’issue de la Première Guerre mondiale sert d’ultime détonateur. Le 4 mai 1919, de violentes manifestations étudiantes éclatent. Le traité de Versailles, qui livre au Japon les concessions allemandes du Chang-toung, cristallise les tensions. Le nationalisme des étudiants brocarde l’apathie de leur classe dirigeante, corrélée à des ressorts culturels surannés.

En 1919, comme cent ans plus tard face au Covid-19, les valeurs priment. Les pancartes brandies par les manifestants en révèlent la substance, sous les noms de « Monsieur Science » et de « Monsieur démocratie » (Monsieur De 德先生 et Monsieur Sai 賽先生), figures associées aux recettes qui ont fondé la supériorité de l’Occident. Fondateur de Nouvelle Jeunesse, revue emblématique du mouvement étudiant, Chen Duxiu, ex-secrétaire général du Parti communiste chinois (PCC), déclare : « La pensée chinoise a un retard de mille ans sur la pensée occidentale. »

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Après une période d’instabilité politique, marquée par les affres de la guerre civile, la Chine lance sa modernisation, synonyme d’occidentalisation, et prend le pli du communisme. Mais la mort de Mao Zedong (1893-1976), principal dirigeant de la République populaire de Chine créée en 1949, et les crimes de la « révolution culturelle » (1966-1976), dont il avait été à l’origine, changent la donne. Le retard de la Chine est conséquent. Une seconde crise identitaire s’ouvre.

Un modèle « national-confucéen »

Souhaitant à la fois tourner le dos aux années Mao et s’ouvrir aux canons jadis honnis du capitalisme occidental, la Chine cherche, au début des années 1980, sous l’impulsion de Deng Xiaoping, à épouser les contours d’un nouveau crédo politique. Singapour est pris en exemple. La péninsule connaît un essor spectaculaire, articulant occidentalisation et asianisation. En 1984, le philosophe Tu Wei-ming observe une « forte réappropriation de l’éthique du discours confucianiste pour l’adapter à des questions non-confucéennes ». Cette réappropriation vise la construction d’un « capitalisme est-asiatique » capable de concilier mérite individuel et sens du collectif, innovation et cohésion intérieure.

Comme le note à son tour le sinologue Antony Maranghi, « dès les années 1980, l’émergence politique et économique de la Chine a produit une grande vague d’intérêt pour les “valeurs asiatiques”, ce qui a marqué le retour de la pensée confucéenne (…) ».

Reposant sur une série d’enseignements, la pensée confucéenne produit un système complexe de valeurs valorisant aussi bien l’éthique personnelle que l’harmonie collective, le dévouement à l’État que l’insertion de l’individu dans la communauté, matérialisée par l’existence de cinq « relations sociales » (wulun) primordiales : père-fils, mari-femme, aîné-cadet, gouvernement-gouverné et entre amis.

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Brocardé en 1919 et sous la révolution culturelle, Confucius est réhabilité. Communisme et traditionalisme ne s’opposent plus. Rassemblés, ils révèlent une Chine présentant son histoire, sa culture et l’orientation idéologique de son régime (« socialisme à la chinoise ») comme un tout transcendant la structure sociale. La population suit.

Un confucianisme d’atmosphère (scolaire, artistique, cinématographique, vestimentaire) s’institue, créant une connivence éthique peuple-élite sous-estimée. « Pour maintenir et développer le marxisme, nous devons l’intégrer à la belle culture traditionnelle de la Chine, résumait Xi Jinping à l’occasion du 19e Comité central du PCC. Ce n’est qu’en prenant racine dans le riche sol historique et culturel du pays et de la nation que la vérité du marxisme pourra s’épanouir ici. (…). »

Le gouvernement « pour le peuple »

La démocratie n’a pas disparu du vocabulaire, mais elle est vidée de sa substance « occidentalo-centrée » (libérale). En Chine, la démocratie correspond à « ce que le public appelle un État qui fonctionne suffisamment bien pour y vivre », synthétise Xunchao Zhang, géopolitologue à l’université du Wisconsin. Elle suppose un État fort, capable d’améliorer le sort matériel (économie) et moral (grandeur nationale, bonheur social) de la population. Elle se confond avec « la culture politique traditionnelle chinoise, qui met l’accent sur la gouvernance “pour le peuple”, plutôt que sur le gouvernement “par le peuple” ».

Théorisé en 2014 par Lin Junyue, le système de « crédit social » en est l’ultime manifestation. Il repose sur un système de notations évaluant les comportements et visant leur correction par le développement d’un système de sanctions et de récompenses favorisant l’autodiscipline. En mandarin, le « crédit » (信用) intègre le caractère « xin – 信 » qui renvoie aux notions d’intégrité (诚信) et d’honnêteté (守信). Initialement pensé pour vérifier la solvabilité des entreprises et des ménages, le système s’est rapidement étendu.

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L’objectif de « renforcer les valeurs socialistes et la morale citoyenne » par « l’éducation et la culture » est désormais avancé. Fusionnant avec l’idée d’« harmonie sociale » aux sources du confucianisme, le crédit social est autant promu par le haut que par le bas, afin d’asseoir une gouvernance moins quantitative que qualitative, permettant de lutter contre les incivilités, la corruption des élites ou divers scandales touchant la vie quotidienne des Chinois, dans le secteur hospitalier ou l’éducation.

Un défi inédit pour l’Occident

Tout modèle politique doit, pour être durable, susciter l’adhésion des populations dont il régit l’existence. Dans le quotidien suisse de référence, Le Temps, le journaliste Frédéric Koller se demande : « Pourquoi les Chinois ne haïssent-ils pas leur gouvernement ? » Diverses enquêtes internationales attestent, en effet, de la satisfaction d’une large partie de la population chinoise.

C’est notamment le cas de l’enquête réalisée en 2019 par le site d’information américain SupChina, qui avance quatre explications : l’élévation générale du niveau de vie ; la reconnaissance par les citoyens de la compétence macroéconomique de leurs élites dirigeantes (selon les derniers classements du FMI mesurant le PIB des nations en PPA (parité de pouvoir d’achat), la Chine est la première économie mondiale, devant les États-Unis, alors qu’elle ne représentait que 10 % de l’économie américaine en 1980) ; le sentiment patriotique diffusé dès l’école, dans les familles ; le bon accueil réservé dans la culture confucéenne à l’autorité et à la verticalité du pouvoir.

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Elle convainc Pascal Boniface, dans ses 50 idées reçues sur l’état du monde (Armand Colin), de préférer le qualificatif « autoritaire » à celui de « totalitaire » pour qualifier un régime où des libertés publiques, certes encadrées, et une société civile relativement indépendante ont pu s’épanouir, malgré un véritable tour de vis observé depuis l’avènement du Covid.

Le modèle chinois doit faire face à de nombreux défis (sociaux, démographique, écologique) et critiques soutenues (sort révoltant réservé aux minorités ouïghoures, devenir de Taïwan), mais son influence croît. Il rappelle aux pays du Sud, notamment africains, que la route du développement peut emprunter d’autres voies que l’imitation de l’ancien colon ; modernisation ne rimant plus nécessairement avec occidentalisation, mais aussi désormais avec « sinisation ».

Ainsi la Chine lance-t-elle un défi inédit à l’Occident, qui doit de nouveau faire la preuve de la valeur de ses valeurs et de son système politique privilégié. Une chance pour ses élites, juge le grand historien britannique Timothy Garton Ash, « bon nombre des problèmes de l’Occident – l’orgueil de l’invasion de l’Irak, la crise financière – [venant] en partie du fait qu’après la fin de la guerre froide, nous n’avions pas de concurrent sérieux ». Ce temps est, en effet, révolu. L’Occident n’est plus seul au monde. En s’occidentalisant, la Chine a préfacé la désoccidentalisation du monde. Il existe désormais d’autres mondes, d’autres manières de répondre au défi du développement et de la quête de puissance.

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