L’exposition à la pollution de l’air affecte le développement des fœtus, selon une nouvelle étude
L’équipe de chercheurs a étudié l’effet de trois polluants de l’air sur les gènes du placenta, vulnérable à différents composés chimiques. (Illustration) LP/Jean-Baptiste Quentin
Diabète, obésité, hypertension… L’exposition à trois grands polluants aériens est liée à des modifications susceptibles « d’altérer le développement du fœtus », ont découvert des chercheurs de l’Inserm et de l’Université Grenoble Alpes, qui se sont penchés sur l’effet de la pollution de l’air sur le placenta. Ces modifications pourraient avoir des effets à long terme sur le métabolisme, avec des effets différenciés entre garçons et filles, selon ces recherches parues dans la revue The Lancet Planetary Health.
Les effets délétères de la pollution de l’air sur le fœtus ont déjà fait l’objet de recherches, qui ont mis en lumière le risque de voir plusieurs pathologies cardio métaboliques et respiratoires apparaître. Mais cette nouvelle étude cherche à comprendre concrètement quels sont les « mécanismes moléculaires en jeu », explique un communiqué de l’Inserm.
Diabète néonatal et obésité
L’équipe de chercheurs s’est donc penchée sur le placenta, qui joue « un rôle clé dans le développement fœtal » et est « particulièrement vulnérable à de nombreux composés chimiques ». Auprès d’un panel de près de 1 500 femmes enceintes, elle a étudié l’impact de trois polluants aériens, le dioxyde d’azote, et les particules fines PM2,5 et PM10.
Elle a découvert un « impact significatif » de cette exposition, liée à des « modifications épigénétiques », autrement dit des changements dans l’expression des gènes mais sans modification de la séquence d’ADN. Ces changements sont « susceptibles d’altérer le développement du fœtus, en particulier aux niveaux métabolique, immunitaire et neurologique », explique le communiqué.
Un tiers de ces modifications impliquaient directement « des indicateurs du développement de l’enfant », comme le poids et taille de naissance, périmètre crânien ou encore la durée de la grossesse ». Des modifications placentaires concernaient aussi des gènes impliqués dans le développement du système nerveux et immunitaire ainsi que du métabolisme, dont des gènes impliqués dans l’apparition du diabète néonatal ou de l’obésité.
« Altérations différentes en fonction du sexe »
L’étude relève aussi que si ces modifications épigénétiques ont été constatées chez les deux sexes, les effets diffèrent entre filles et garçons. À commencer par le fait que ce n’est pas à la même période de la grossesse que le placenta est vulnérable aux changements dans l’expression des gènes : le premier trimestre chez les garçons et le troisième chez les filles.
«Ã‚ Cet impact différencié pourrait contribuer àdes altérations du développement et du déroulement de la grossesse différentes en fonction du sexe de l’enfant ànaître », explique la chercheuse de l’Inserm Johanna Lepeule, qui a dirigé l’équipe, citée par le communiqué.
Chez les garçons, l’équipe de recherche a ainsi repéré des effets sur des gènes impliqués « de façon critique dans le développement du système nerveux et de l’intellect », souligne le document. De quoi « appuyer les études de plus en plus nombreuses » qui tissent un lien entre pollution de l’air et « atteinte du neurodéveloppement et/ou une réduction des capacités cognitives » des fœtus, « avec une plus grande vulnérabilité des enfants de sexe masculin », détaille Lucile Broséus, première autrice de la publication, également citée par le communiqué.
Quant aux filles, les modifications épigénétiques découvertes pourraient être associées « à des défauts de développement susceptibles d’augmenter les risques de développer des maladies chroniques métaboliques (…) plus tard dans la vie », comme de l’hypertension, du diabète ou de l’obésité, entre autres.
La mère peut aussi courir un risque accru de fausses couches ou de pré-éclampsies, une pathologie qui entraîne une hausse de la pression artérielle et de la quantité de protéines dans les urines. Elle est responsable d’un tiers des naissances de grands prématurés en France et peut mener au décès de la mère et/ou de son enfant si elle n’est pas traitée.
En bref, les modifications impliquées par la pollution de l’air, entraînant une « dérégulation de la croissance fœtale », « pourraient être à l’origine de modifications à long terme du métabolisme », résume le communiqué. Un constat à étayer davantage encore par de prochaines études, qui pourront s’atteler à « des populations d’autres régions géographiques et avec des profils génétiques différents », propose Johanna Lepeule. Elle invite également à étudier si ces changements « persistent après l’accouchement et comment ils pourraient influencer le développement durant l’enfance ».