Le chantage affectif de la gauche à Glucksmann, l’"agent étranger" Bardella… le débat des européennes en 3 points
Le débat de ce dimanche 5 mai a réuni les sept principaux candidats aux élections européennes.
Enfin le coup d’envoi de la campagne pour les élections européennes ? À un mois du scrutin européen, Jordan Bardella (RN), Valérie Hayer (Renaissance), Raphaël Glucksmann (PS), Manon Aubry (LFI), Marie Toussaint (Les Écologistes), François-Xavier Bellamy (LR) et Marion Maréchal (Reconquête !) ont échangé les coups pendant deux heures à l’occasion du tout premier débat à sept de la campagne. Au programme de ce rendez-vous coorganisé par RTL, Le Figaro, M6, LCP et Paris Première ? Quatre thèmes principaux tels que « la défense européenne » dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’« écologie », « l’immigration et la protection des frontières de l’UE » et « la guerre économique face à la Chine ».
La cible Bardella
C’était le premier rendez-vous auquel participait la tête de liste du Rassemblement national (RN) Jordan Bardella, qui caracole en tête des intentions de vote depuis de longues semaines. Alors les attaques à son encontre n’ont pas manqué de fuser, notamment dès la première séquence de l’émission consacrée… à la guerre l’Ukraine. « Ça commence… », souffle d’emblée le jeune président du RN, alors que la tête de liste Renaissance Valérie Hayer l’interpelle dès sa première prise de parole, dénonçant ses « positions ambiguës » et jugeant « honteux » le « soutien » de son parti à la Russie.
« Vous n’avez jamais soutenu l’Ukraine. Vous n’avez jamais soutenu les condamnations contre l’emprisonnement de l’opposant russe Alexeï Navalny. Vous avez même confirmé sur votre liste un certain Thierry Mariani dont on connaît les positions et la proximité avec la Russie », a souligné la candidate du camp présidentiel. Avant de résumer le fond sa pensée : « Tout cela confirme que vous êtes au service non pas des intérêts de la France et de l’Europe mais des intérêts de la Russie. »
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La macroniste n’est pas la seule à avoir choisi de viser la tête de liste RN sur ce terrain. « Vous êtes un agent de l’étranger », a tout bonnement lancé de son côté la candidate écologiste Marie Toussaint à Jordan Bardella, tandis que celui-ci reprochait à Emmanuel Macron de vouloir « supprimer la souveraineté de la France » en prônant une défense européenne. « Quand on a une telle fascination pour Vladimir Poutine, pour Bachar el-Assad, on ne peut pas venir ici et dire qu’on défend les Françaises et les Français. C’est vraiment un mensonge », a fustigé la candidate.
Et Marie Toussaint d’ajouter : « Vous n’avez jamais voté en faveur » de résolutions visant à « se libérer du gaz russe ».
L’Insoumise Manon Aubry n’est pas en reste puisqu’elle est allée jusqu’à rebaptiser le nom du « parti à la flamme nationale » de Jordan Bardella… le parti de la « flemme nationale ». Une allusion aux petits « 21 amendements en l’espace de cinq ans » déposés par l’eurodéputé lors de son premier mandat.
Le chantage affectif de la gauche à Glucksmann
À l’occasion du chapitre sur l’écologie, les deux candidates de gauche présentes sur le plateau n’ont pas hésité à cibler cette fois la tête de liste du Parti socialiste (PS). Alors que Raphaël Glucksmann occupait le temps de parole pour évoquer sa défense du Green Deal, « enjeu essentiel de cette élection », l’écologiste Marie Toussaint l’a coupé à plusieurs reprises de manière pour le moins familière : « Raphaël, tu ne peux pas dire ça, tu as une famille politique… Raphaël… On se connaît tu ne peux pas faire ça… »
« Allez prendre un café ! », se permet alors d’ironiser la candidate Reconquête ! Marion Maréchal. Avant que Marie Toussaint ne se reprenne et délaisse le tutoiement au profit d’une marque de politesse… Et d’un discours incisif. « Vous faites, Monsieur Glucksmann, parti d’une famille politique qui a voté pour l’austérité, pour les méga camions, pour moitié pour les OGM, pour le détricotage environnemental de la PAC… Vous ne pouvez pas venir nous dire que votre groupe est le rempart face à ce détricotage alors que vous en avez été partie prenante, ce n’est pas possible. »
Jusqu’au retentissement du fameux « buzz » – qui est intervenu plusieurs fois pendant le débat pour tenter de stopper la cacophonie commençant à s’installer sur le plateau. Raphaël Glucksmann a bien tenté de reprendre son argumentaire sur le Green Deal, appelant aux « investissements » et à la « planification » pour que la révolution écologique soit « industrielle ».
Mais ce fut alors au tour de Manon Aubry de jouer de sa proximité avec le candidat du PS. « Raphaël, si tu veux être cohérent, alors quitte le groupe social-démocrate au Parlement européen », a insisté l’Insoumise
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Un bras de fer sur l’immigration
Après l’écologie, l’immigration. La séquence était attendue mais pas de grosses surprises. Sur leur terrain de prédilection, les candidats d’extrême droite Jordan Bardella et Marion Maréchal se sont pourtant quelque peu pris les pieds dans le tapis sans réussir à répondre clairement aux questions des journalistes sur le plateau à propos de la « remigration » et de son application concrète… Mais en cherchant surtout à apparaître comme le plus offensif la question. Pour Marion Maréchal, la « remigration » signifie « qu’aujourd’hui il y a un certain nombre de personnalités étrangères qui sont sur le sol français et n’ont rien à y faire ».
Et la candidate du parti d’Éric Zemmour de lister : « Les fichés S pour islamisme », « les délinquants étrangers qui peuplent beaucoup trop de nos prisons » et « les chômeurs de longue durée qui ne subviennent pas à leurs besoins et qui pèsent sur la solidarité nationale française »… Le journaliste les interroge alors : « Êtes-vous pour la remigration comme en Grande-Bretagne ? » – en référence au récent projet de loi visant à renvoyer des migrants au Rwanda, quelle que soit leur nationalité d’origine.
« Ça fait trente ans que mon mouvement politique défend ces mesures donc je ne vais pas vous dire le contraire », répond d’emblée Bardella sans donner l’impression d’avoir écouté toute la question. « Renvoyer des clandestins, oui, ça c’est sûr. Et je suis même contre le principe de toute régularisation d’une personne arrivée clandestinement sur le sol français », renchérit fièrement Marion Maréchal à la suite de cette même question, en dénonçant au passage le vote par le RN de textes macronistes sur le sujet à l’Assemblée, ayant « abouti à l’augmentation du nombre de régularisation des clandestins sur le sol français ».
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Alors que Jordan Bardella nie les accusations de sa concurrente, le journaliste demande à nouveau au candidat RN si son parti est favorable à ce « système anglais ». Réponse de l’intéressé ? « Moi je suis pour le renvoi de toutes les personnes qui n’ont rien à faire chez nous. C’est-à-dire les délinquants et criminels étrangers, les islamistes étrangers… », liste-t-il à son tour.
Avant d’assurer : « Un islamiste qui menace la sécurité nationale qui est sur le sol français… Ce qui peut lui arriver dans son pays d’origine, ce n’est pas mon sujet. Moi ce qui m’importe c’est la sécurité de nos concitoyens. »
Des échanges qui ne semblent pas de nature à rebattre les cartes du débat et les rapports de force à un mois du scrutin. D’autres rendez-vous attendent pourtant les têtes de liste d’ici là.