La Côte d’Ivoire face au défi de la pêche illicite

la côte d’ivoire face au défi de la pêche illicite

Quai de débarquement de pêche artisanale à Abidjan, en avril 2024.

La pêche illicite génère des pertes d’emplois et de ressources financières estimées à plus de deux milliards de dollars par an pour les pays du Golfe de Guinée. En Côte d’Ivoire, alors que le poisson est la première protéine animale consommée dans le pays, les eaux se vident peu à peu de leurs poissons.

Adossées à la lagune Ebrié, plusieurs pirogues colorées font face à la métropole d’Abidjan. Sur ce petit quai de pêche artisanale du quartier de Vridi 3, des hommes s’affairent à débarquer leurs prises de la nuit, revendues ensuite dans la zone portuaire. Mais les seaux sont à moitié vide : “Il n’y a plus de poisson dans la mer. Ça fait au moins deux ans que c’est très dur” déplore Amaka Kouamé, pêcheur rencontré sur place. En effet, ces dernières années, la production de la pêche maritime en Côte d’Ivoire a baissé d’environ 40 %.

Une situation qui impacte de plus en plus durement les 70 000 marins pêcheurs du pays. Amaka explique qu’il doit prendre un crédit à chaque sortie en mer pour financer le carburant et le matériel nécessaire. Lui qui gagnait l’équivalent de 3 000 euros par an il y a encore quelques années, peine aujourd’hui à atteindre les 1 200 euros.

“Un fléau majeur”

Si le réchauffement climatique et la pollution font partie des causes de la raréfaction des ressources en poisson, tous les acteurs du secteur s’accordent également pour pointer du doigt la pêche illégale. “C’est un fléau majeur, et un défi pour la gestion durable des stocks halieutiques” abonde Maxime Diomande, responsable du Centre national des surveillances des Pêches. En 2018, le ministère des Ressources animales et halieutiques estimait les pertes de la pêche illicite à 100 000 tonnes, et le manque à gagner à 1,5 million de dollars pour l’État.

La pêche INN (pêche illicite, non déclarée et non réglementée) prend des formes extrêmement variées, mais pour Amaka c’est l’utilisation des dispositifs de concentration de poissons (DCP) par les embarcations industrielles ou semi industrielles qui posent problème. Critiquées parce qu’elles attirent des poissons n’ayant pas atteint l’âge adulte et génèrent des prises annexes d’espèces parfois protégées, l’utilisation de ces mini-îles flottantes est réglementée et limitée. Une gageure pour le pêcheur ivoirien. “Il y en a au moins cinquante au large des côtes entre Abidjan à San Pedro. Ça empêche le poisson de rejoindre les zones côtières où les pêcheurs artisanaux travaillent. Et quand il y a du courant, ces dispositifs déchirent nos filets, qu’on doit ensuite racheter à nos frais.”

Ce conflit entre pêche artisanale et pêche industrielle se cristallise également autour des nationalités de ceux qui la pratiquent. Si les pêcheurs artisanaux sont majoritairement ouest-africains (beaucoup viennent du Ghana et du Liberia voisins), la pêche industrielle est constituée de navires européens, et de bateaux dont la capitainerie est gérée par des Chinois ou des Coréens, mais qui battent pavillon bélizien ou ivoirien.

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Pour Yves Gnoukouri, le secrétaire général de l’Union des marins pêcheurs de Côte d’Ivoire, les thoniers gérés par les Asiatiques sont beaucoup plus enclins à s’affranchir des règles. “Les bateaux français ou espagnols partent deux mois en mer, et peinent à ramener 200 tonnes de poissons. Les chinois et les coréens font des campagnes de 20 jours, et ils reviennent parfois avec près de 1 000 tonnes. Comment cela serait-il possible sans avoir recours à des techniques de pêche illicite ?” fait-il mine de s’interroger.

“Aux yeux et à la barbe des responsables portuaires”

Un rapport du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD) datant de 2022 pointe également du doigt “la faiblesse du système de suivi contrôle-surveillance des activités de pêche”. Une analyse que partage Yves Gnoukouri. De nombreux navires qui ne disposent pas de licence pour pêcher dans les eaux ivoiriennes sont autorisés à débarquer dans le port d’Abidjan, pour, officiellement du moins, y vendre du poisson pêché dans les eaux internationales. “On les voit débarquer du poisson qui n’est même pas congelé, ce qui signifie qu’il a été pêché le jour même ou la veille. Donc, il ne peut pas provenir des eaux internationales, situées à plusieurs jours de navigation du port.” Pour le syndicaliste, c’est la preuve que ces navires pêchent dans les eaux ivoiriennes sans licence. “La pêche illicite se pratique aux yeux et à la barbe des responsables portuaires. C’est bien la direction des pêches qui leur donne ces autorisations de débarquer, alors que la situation est connue de tous” s’insurge-t-il.

Des faits qui nous sont confirmés par James*, un marin qui embarque régulièrement sur des thoniers gérés par des Chinois. “Ces bateaux, ils volent l’eau. Ils pêchent dans des endroits où ils ne sont pas censés pêcher car ils ne payent pas la licence.” James et plusieurs de ses collègues dénoncent par ailleurs des conditions de travail très difficiles à bord. “C’est dangereux de travailler sur ces bateaux : ils sont en mauvais état, les cabines sont insalubres, et nous y sommes mal nourris.” Les salaires sont également extrêmement bas : un marin empoche 150 000 francs CFA pour une campagne, soit environ 225 euros ; tandis que les thoniers français ou espagnols proposent 950 000 francs CFA soit quasiment 1 500 euros.

Pêche artisanale 

Mais la pêche artisanale, qui représente 70 % du secteur, n’est pas exempte de toute critique pour autant, comme le souligne le colonel Lazare Aké Abe, directeur de l’Institut de sécurité maritime interrégional. Difficilement traçables car la majorité ne sont ni immatriculés ni équipés de balises, ils peuvent pêcher dans des aires marines protégées, ou avoir certaines pratiques illégales. La pêche à la lumière – une technique qui consiste à attirer le poisson grâce à des lampes LED placées dans l’eau – est notamment pointée du doigt dans le rapport du PNUD. Par ailleurs, le problème de sélectivité des engins de pêche utilisés dans la zone économique et commerciale de Côte d’Ivoire concerne autant la pêche artisanale qu’industrielle. L’utilisation de filets de pêches aux maillages inférieurs à la réglementation est responsable de la capture de nombreux poissons juvéniles qui peuvent représenter près de 70 % des débarquements de la pêche artisanale, d’après le PNUD.

Renforcer les contrôles 

“Il y a une vraie volonté politique de prendre en compte ces fléaux” nous explique pourtant Maxime Diomande, du Centre de surveillance des pêches. Depuis une dizaine d’années, le pays se dote progressivement d’un arsenal législatif, réglementaire et tactique pour lutter contre la pêche illicite. Des aires marines protégées ont été mises en place, le pays a ratifié en 2019 l’accord de la FAO sur les mesures du ressort de l’État du Port (AMREP) visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche INN.

Les contrôles ont été renforcés en mer, où l’État vise “d’ici peu une présence continue”. Une convention a été signée avec la Marine nationale, qui permet aux inspecteurs d’utiliser leurs six patrouilleurs pour réaliser des contrôles en mer environ douze jours par mois. Une présence qui s’est accrue depuis 2018, année où seulement cinq patrouilles de trois jours avaient été organisées. Quatre vedettes rapides et deux drones de surveillance sont par ailleurs en cours d’acquisition pour compléter ce dispositif.

Depuis l’année dernière, le projet Pro-Surveillance permet également la surveillance satellitaire des navires industriels et semi-industriels équipés de balises, ainsi que la surveillance par radar des eaux ivoiriennes. Un programme pour l’immatriculation et le balisage des pirogues artisanales est également en cours de développement. Pour Maxime Diomande, ces dispositifs sont avant tout dissuasifs. Depuis le lancement du centre dont il est le directeur depuis 2017, les autorités ont constaté une baisse des infractions commises en mer. Au point qu’aucun navire n’a été arraisonné cette année.

Un constat de réussite qui ne convainc pas Yves Gnoukouri. “On ne voit pas l’efficacité de l’action de l’État en mer. Il faudrait pouvoir aller jusqu’aux eaux internationales pour savoir qui entre dans les eaux, et avoir au moins un hélicoptère.” En 2022, le rapport du PNUD affirmait que “malgré les progrès accomplis dans la compréhension de ces problématiques, la réponse aux pressions a été insuffisante.”

Reste que la gestion durable des ressources halieutiques demande de “s’appuyer sur plusieurs leviers” rappelle Maxime Diomande. Il souligne notamment que la fermeture totale de la pêche lors d’une période donnée pour repos biologique, mise en place depuis l’année dernière, a eu un effet favorable. Une initiative saluée par les syndicats de pêche, qui reconnaissent volontiers que la reconstitution des stocks de poisson est l’enjeu majeur pour l’avenir de la profession.

* nom modifié à sa demande

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