Jordan Bardella lance une « fake news » sur le financement de Valérie Hayer
«Â Qui me parle ce soir, madame Hayer ? », interpelle Jordan Bardella jeudi soir, après une heure de débat organisé sur BFMTV. La tête de liste du RN essaie, à ce moment-là , de se dégager des liens entre le RN et la Russie de Vladimir Poutine. Sa réponse : une contre-attaque sur le financement de la campagne de Valérie Hayer. Selon Jordan Bardella, son adversaire macroniste serait financée par le parti européen Alde (Alliance des libéraux et démocrates européens), lui-même financé par de grandes multinationales comme Microsoft, Amazon, Facebook (Meta).
Valérie Hayer réplique qu’elle n’est pas membre de l’Alde. Ce qui est vrai. Elle est membre du groupe Renew Europe. Il n’a pas été possible de fusionner l’Alde et Renew Europe, aucune structure ne voulant céder sur l’autre.
À LIRE AUSSI Européennes 2024 : quand Bardella fait la courte échelle à HayerMais la fausse information de Jordan Bardella est plus profonde : les partis européens n’ont même pas le droit de financer les campagnes nationales ni référendaires. Ils ne peuvent même pas financer les formations des élus nationaux. Ce qui, du reste, limite fortement l’implication des partis européens dans la campagne européenne? L’Alde n’a même pas le droit de désigner des candidats aux élections européennes. Cela demeure la compétence des États membres, qui fixent les règles de financement.
Des partis politiques qui ne peuvent pas financer les campagnes
Le cadre réglementaire des partis européens est très strict. Dix partis européens ont rempli les conditions pour accéder aux fonds européens. Les conditions sont les suivantes : se déclarer auprès de l’autorité européenne (APPF), disposer de la personnalité juridique, avoir son siège dans un État membre, respecter les principes fondamentaux européens, participer aux élections européennes et être représenté (via ses membres) dans un quart des États membres. Les partis ne doivent pas poursuivre un but lucratif ni être membres d’un autre parti politique européen.
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Il y a eu, en vérité, une forte friction entre Stéphane Séjourné, l’ancien président de Renew, et les dirigeants de l’Alde lorsqu’ils ont tenté de créer un parti unique. La question des financements de l’Alde posait problème.
En effet, pour la seule année 2018, l’Alde avait reçu 122 000 euros en provenance de huit grands groupes et lobbys et ceux-ci payaient, en outre, un droit d’entrée pour intervenir lors du congrès annuel du parti ou lors de colloques. Parmi les sponsors, Google (15 000 euros), le groupe Bayer (18 000 euros), Deloitte, ou encore le lobby agroalimentaire Fooddrink? L’Alde continue de percevoir des dons des entreprises en 2022 : AT & T (18 000 euros), Microsoft (18 000 euros), Amazon (18 000 euros), Janssen (18 000 euros)?
Valérie Hayer n’est pas membre de l’Alde
On peut trouver de nombreuses informations sur les partis politiques européens dans une étude menée en mai 2023 par l’Institut Jacques Delors. En fait, les partis européens ont éprouvé de grandes difficultés à trouver des cotisants et des dons de particuliers ou d’entreprises.
Si bien que le plafond maximum des subventions européennes a été relevé deux fois. En 2008, il était de 75 % des ressources totales. En 2019, il a été relevé à 85 %. Désormais, c’est 90 %? Alde est le seul parti qui a constitué une base de membres individuels. Ils étaient 1 340 membres individuels en 2020. Mais Valérie Hayer n’en fait pas partie.
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Jordan Bardella a cru pouvoir jouer de cette carte en se parant de vertu. « Moi, je ne reçois pas de financements de grandes boîtes américaines, a-t-il lâché. Je comprends mieux pourquoi vous êtes si dure avec les entreprises françaises à qui vous imposez des normes toujours plus complexes : sans doute pour avantager les gens qui financent votre campagne. » Problème : c’est faux.
Un procès attend Marine Le Pen sur l’usage des fonds européens
Valérie Hayer aurait pu répliquer qu’en matière de financement, le RN a rendez-vous avec la justice. Marine Le Pen et la direction de son parti (26 autres prévenus) des années 2010 seront jugées à partir du 30 septembre par le tribunal correctionnel de Paris. Ils sont soupçonnés d’avoir mis en place entre 2004 et 2016 un système de rémunération par l’Union européenne des assistants parlementaires des eurodéputés qui travaillaient en réalité pour le parti. Marine Le Pen a déjà accepté de verser près de 330 000 euros au Parlement européen pour la rémunération indue de deux assistants parlementaires.
Une affaire similaire a frappé le MoDem, partenaire de la majorité présidentielle. Le procès des assistants parlementaires du MoDem s’est déroulé en novembre 2023.
Le 5 février, le tribunal correctionnel de Paris a condamné cinq ex-eurodéputés MoDem à des peines allant de 10 à 18 mois de prison avec sursis, des amendes de 10 000 à 50 000 euros et à deux ans d’inéligibilité avec sursis. François Bayrou a été relaxé « au bénéfice du doute », ainsi que deux autres prévenus. Le parquet de Paris a fait appel des décisions de relaxe.