Indochine, une guerre oubliée (France 3) - La face cachée de la bataille de Dien Bien Phu
Il y a près de soixante-dix ans, la défaite de Dien Bien Phu sonnait la fin de la présence française en Extrême- Orient. Petit rappel de faits méconnus du grand public.
Novembre 1953 : les forces françaises débutent leur installation en plein territoire hostile, dans la vallée de Dien Bien Phu, à 250 km de Hanoï. C’est une cuvette de 16 km sur 9, entourée de collines culminant à 550 m. Une piste aérienne est construite. Le chef du corps expéditionnaire, le général Henri Navarre, pense attirer les troupes du général Giap et les détruire grâce à l’appui aérien et à la puissance de feu française. Il est convaincu alors que les Vietnamiens n’auront pas les ressources logistiques pour soutenir un combat d’une telle ampleur. C’est mal connaître le général Giap : ses 60 000 combattants, soutenus par des dizaines de milliers de porteurs, ont tracé des pistes dans la jungle. Ils ravitaillent le front à l’aide de vélos. Ironie de l’Histoire : ce sont des cycles Peugeot, que la marque française a abondamment exportés en Extrême-Orient. Les canons de 105, démontés, sont acheminés à dos d’homme et les obus à vélo. Le 13 mars 1954, aux environs de 17 heures, un déluge de feu s’abat sur le camp français. Béatrice, la première place forte, est prise le 15 mars, puis c’est au tour de Gabrielle de tomber. Le lieutenant-colonel Piroth, chef de l’artillerie française, qui n’avait pas prévu cette capacité de l’ennemi à positionner autant de canons, se suicide dans son abri. L’agonie de Dien Bien Phu ne fait que commencer.
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LA FRANCE REFUSE D’ATOMISER L’ADVERSAIRE
« Et si nous vous donnions deuxВ bombes atomiques ? В» C’est la propositionВ que le secrГ©taire d’État amГ©ricainВ John Foster Dulles fait Г sonВ homologue franГ§ais des AffairesВ Г©trangГЁres, Georges Bidault. NousВ sommes Г Paris, le 22 avril 1954, oГ№В est organisГ©e une rГ©union de l’AllianceВ atlantique, dans un contexteВ de guerre froide (le Vietnam est soutenuВ par la Chine et l’URSS). AlorsВ que Dien Bien Phu est sur le pointВ de tomber, les AmГ©ricains voientВ d’un trГЁs mauvais oeil une victoireВ communiste. Georges Bidault refuseВ l’offre. L’utilisation de deux bombesВ nuclГ©aires tactiques pourrait faire deВ nombreuses victimes dans le campВ franГ§ais, mais surtout entraГ®ner leВ monde dans un engrenage mortel.
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LES HÉROÏNES DU CAMP
La morale les a reléguées aux oubliettes de l’Histoire. On a préféré ne retenir que le dévouement de l’infirmière Geneviève de Galard, « seule femme du camp ». C’est omettre la vingtaine de prostituées du BMC (bordel militaire de campagne). Si les maisons closes ont été interdites en France en 1946, elles sont encore légales dans les colonies. Ces filles sont d’origines annamite, algérienne et française. Lorsqu’au début de la bataille, le colonel de Castries leur ordonne de prendre l’avion pour Hanoï, elles refusent net. Elles s’improvisent aides-soignantes, cuisinières, lavandières, soulageant et pansant les blessés, assistant les mourants. Certaines se battent comme des furies. Lorsque le camp tombera le 7 mai, les survivantes d’origine vietnamienne seront abattues d’une balle dans la nuque. Les autres seront libérées et finiront dans l’anonymat.