Eau potable, hôpital "très saturé": Dominique Voynet pointe les raisons de l'épidémie de choléra à Mayotte
Dans un entretien au Parisien, l’ancienne directrice de l’Agence régionale de santé de Mayotte estime que “l’État devrait reprendre la main face aux lenteurs administratives”.
Dominique Voynet le 10 avril 2013 à Montreuil. (Photo d’archive)
Un hôpital de Mayotte “très saturé”, une alimentation en eau potable et des réseaux d’assainissement “défaillants” et “des années d’impéritie de la part des élus locaux”. Tels sont quelques-uns des facteurs ayant favorisé l’épidémie de choléra qui a provoqué la mort d’un enfant de 3 ans mercredi 8 mai à Mayotte, estime dans une interview au Parisien Dominique Voynet, directrice de l’Agence régionale de santé sur l’île de 2020 à 2021.
L’épidémie est “contenue” et ‘il n’y a pas d’explosion, mais ça ne veut pas dire que ça va s’arrêter du jour au lendemain”, a de son côté déclaré jeudi le ministre chargé de la Santé Frédéric Valletoux, en déplacement à Mayotte. Vendredi matin, sur RTL, il a précisé que 65 personnes avaient été infectées par la maladie depuis la mi-mars et que 3.700 personnes avaient été vaccinées.
Pour Dominique Voynet, l’une des principales cause de la propagation de la maladie est “l’alimentation en eau potable et les réseaux d’assainissement” qui sont “défaillants à Mayotte” et ce “depuis des années”.
“Le syndicat d’eau et d’assainissement de Mayotte, qui est dirigé par les maires de différentes communes, est censé améliorer la distribution en eau potable des Mahorais. Des travaux ont été mis sur la table mais les chantiers n’avancent pas.”
“La politique de traque des étrangers” mise en cause
Pour l’ex-ministre de l’Environnement du gouvernement Jospin, c’est à l’État qu’il revient de “reprendre la main face aux lenteurs administratives” et de faire “en sorte que les travaux s’accélèrent pour assurer un meilleur accès à l’eau potable et permettre l’assainissement des eaux usées”.
Dominique Voynet regrette également que la construction d’un second hôpital à Mayotte soit toujours au point mort. “La construction d’un deuxième établissement, implanté à l’ouest de l’île, était déjà en discussion au début de la pandémie de Covid-19, lors de mon mandat à l’ARS”, précise-t-elle. “Mais depuis trois ans, les travaux n’ont même pas débuté. À croire que les élus locaux ne mesurent pas leur responsabilité. On a pris des années de retard.”
Alors que le gouvernement entend lutter contre l’immigration illégale à Mayotte, en particulier celle en provenance des Comores, où des milliers de cas de choléra ont été enregistrés depuis le début de l’année, Dominique Voynet juge également que “la politique de traque des étrangers” peut également avoir un impact sur la crise sanitaire.
Pour elle, celle-ci mène “de nombreuses familles à ne pas oser appeler au secours, ou à ne pas se rendre dans les centres de santé. Si l’enfant souffre de diarrhées, les parents peuvent être amenés à se dire: ‘On va attendre que ça passe.’ Et cela peut déboucher sur des catastrophes.”