Deux femmes mises en examen pour avoir tagué « L’Origine du monde » au Centre Pompidou-Metz
Le célèbre tableau de Gustave Courbet a été tagué lundi au Centre Pompidou-Metz. AFP/Jean-Christophe Verhaegen
Leur geste visait à interpeller la ministre de la Culture sur « les violences sexuelles subies par nombre de femmes dans l’industrie artistique ». Deux femmes ont été mises en examen mardi dans le cadre d’une information judiciaire ouverte après les tags commis sur cinq œuvres du Centre Pompidou-Metz, dont « L’Origine du monde » de Gustave Courbet (1866), a-t-on appris auprès du parquet.
Les deux femmes, nées en 1986 et 1993, « ont été mises en examen notamment pour dégradation en réunion d’un bien culturel et vol en réunion d’un bien culturel », a indiqué Yves Badorc, procureur de la République à Metz. « Elles sont toutes les deux placées sous contrôle judiciaire avec interdiction du département de la Moselle et interdiction de contact » entre elles, a-t-il précisé.
« Un cri »
Dominique Beyreuther, avocate de l’artiste performeuse Eva Vocz, l’une des deux femmes poursuivies, a regretté sa mise en examen « de façon la plus sévère », une décision prise « contre toute attente », selon un communiqué. L’avocate avait argumenté en faveur du statut plus favorable de témoin assisté.
« Eva Vocz et Laure Pépin interpellent Madame la ministre de la Culture, Rachida Dati, sur les violences sexuelles subies par nombre de femmes dans l’industrie artistique », a indiqué Me Dominique Beyreuther. « Ce geste pictural dans le cadre de la performance (au Centre Pompidou-Metz) vient questionner les limites de la liberté de création des femmes. Il faut l’entendre comme un cri. »
Par ailleurs, une des œuvres « pourrait avoir été atteinte dans son intégrité, parce qu’elles n’étaient pas toutes protégées, mais ce n’est pas L’Origine du monde, qui était protégée par une vitre », a indiqué le procureur. « Ça sera à vérifier dans le cadre de l’information judiciaire. »
Un « geste de réappropriation »
Une vidéo transmise lundi par la performeuse franco-luxembourgeoise Deborah de Robertis montre une femme taguant à la peinture rouge la célèbre représentation d’un sexe féminin – protégée par une vitre – et une autre un tableau différent. On les voit ensuite scander « Me Too », bombes de peinture à la main, avant d’être entraînées vers la sortie par des agents de sécurité.
Une troisième personne, qui n’a pas été interpellée, pourrait selon Yves Badorc être à l’origine du vol d’une œuvre d’Annette Messager, une broderie rouge sur tissu baptisée « Je pense donc je suce » (1991). Deborah de Robertis a revendiqué un « geste de réappropriation » de l’œuvre volée, issue de la collection personnelle d’un critique d’art également commissaire de l’exposition « Lacan, quand l’art rencontre la psychanalyse », actuellement visible au centre Pompidou-Metz. « Je l’ai reconnue tout de suite, j’ai eu envie de vomir, car c’est celle qui est accrochée au-dessus de son lit conjugal. Je me suis souvenue des nombreuses fellations qu’il s’est permis de me demander comme si c’était son dû », a indiqué Deborah de Robertis dans un communiqué.
Une photo de Deborah de Robertis, baptisée « Miroir de l’Origine du monde » est par ailleurs exposée à proximité du tableau de Courbet pour l’exposition du Centre Pompidou-Metz dédiée à Jacques Lacan. On voit l’artiste poser, le sexe nu, sous l’œuvre de Courbet, le 29 mai 2014 au musée d’Orsay.
Condamnée à une amende pour s’être dénudée devant la grotte de Lourdes en 2018, Deborah de Robertis a été relaxée après d’autres actions similaires, notamment en 2017 pour avoir montré son sexe au musée du Louvre devant « La Joconde ».