Concert de Taylor Swift: Qui sont ces relous qui bâtissent un « mur de téléphones » et passent leur concert à filmer?
Tous les mois, « 20 Minutes » s’intéresse aux relous du quotidien, qui nous agacent avec des manies pas bien méchantes mais très énervantes. A l’occasion de la venue de Taylor Swift à Paris, on dissèque ceux qui vivent les concerts téléphone en main
Heureusement, les smartphones ne captent pas encore les odeurs sous les bras.
Les relous, c’est nous, c’est vous – Tous les mois, « 20 Minutes » s’intéresse aux relous du quotidien, qui nous agacent avec des manies pas bien méchantes mais très énervantes. A l’occasion de la venue de Taylor Swift à Paris, on dissèque ceux qui vivent les concerts téléphone en main
La mamie (à l’air forcément innocent) qui s’incruste devant vous dans la file d’attente comme si vous étiez invisible, l’automobiliste qui klaxonne comme un forcené alors que le feu est toujours rouge, le glouton au ciné qui mange ses pop-corns et fait crisser ses papiers de bonbons en dolby stéréo… L’idée de départ est simple : s’intéresser à ces petits gestes « relous » qui nous titillent au quotidien. A ce « sentiment de toute-puissance qui nous fait dire “si je ne le fais pas, l’autre le fera, donc autant le faire moi” », comme le décrit le psychologue Robert Zuili, auteur du Pouvoir des liens (éd. Mango, septembre 2023).
Ces petites choses reloues, elles sont légion. Et surtout, surtout, elles nous concernent tous. Car finalement, « nous sommes tous le relou de quelqu’un », dit Robert Zuili. En particulier quand on passe tout un concert à filmer au lieu de profiter.
Le fait relou
Votre cœur s’emballe et vous vous félicitez d’avoir mis la dose de déo parce que vous êtes en nage avant même que ça commence. Plus que quelques secondes et le bel Harry Styles va débarquer sur scène, avec ses bras tatoués et son coiffé-décoiffé de dingue. Le moment promet d’être magique. Il faut qu’il le soit, vu que vous avez payé une blinde pour le vivre et saoulé tout le monde avec. Sauf que non. Pas d’apparition divine. A la place, une « forêt de téléphones portables » se dresse devant vous, formée par les relous qui vont passer leur concert à filmer plutôt qu’à kiffer. « On ne voit plus que ces petits écrans qui filment d’autres écrans, filmant d’autres écrans », s’emporte un mélomane à bout de nerfs sur un forum musical.
Ce « mur de téléphones » donne carrément des envies de meurtres à Alice*, qui se croyait grande. Elle en a franchement marre de passer ses concerts éblouie par des lampes que tout le monde oublie d’éteindre après le moment de communion de la balade romantique. D’autant qu’elle note que le phénomène empire : à son dernier concert de Scorpion, « les quatre nanas » qui se sont plantées devant elle « ne filmaient pas le groupe, elles se filmaient elles ! »…
Pourquoi c’est méga relou
On a tous capté – à grands coups de tutos – que pour être efficace sur les réseaux sociaux, il faut filmer en vertical. Sauf que le vertical, pour le fan qui est derrière vous, déjà sur la pointe des pieds, c’est la double peine. Et puis à quoi bon lui boucher la vue pour obtenir des vidéos « toutes pourries » ? Vous aurez beau lever de la fonte, personne de normalement constitué ne peut capter des images stabilisées, donc regardables, dans la fosse d’un concert.
Par ailleurs, notre internaute furax ne s’explique pas pourquoi beaucoup choisissent désormais de confier « la mémorisation de leurs souvenirs à leur smartphone » à la place « de profiter du show pleinement pour imprimer des images “réelles” » dans leur cerveau.
Enfin, cette agaçante habitude transcende les générations. Alice croyait passer une soirée tranquillou en accompagnant sa mère à un concert de Calogero. A sa grande déception, sa daronne s’est mise à filmer elle aussi. Façon boomeuse en plus. « Même pas en mode silencieux. Elle a reçu des appels. La honte ! ».
Les arguments des relous
La plupart des adeptes de la « captation live », s’ils confessent leur travers, indiquent qu’ils ne filment que « quelques minutes » ou bien « uniquement [leur] morceau préféré ». Mais soit vous êtes un extraterrestre, soit votre chanson favorite est aussi celle de vos compagnons d’un soir. Celle que tout le monde a envie de vivre « IRL », en palpitant.
Darlène* rebat toutefois les cartes : elle filme efficace et « se repasse en boucle pendant des jours » après le concert ses vidéos prises en live, tellement meilleures qu’en studio. Autre argument massue : « comme je suis petite, dit-elle, je regarde souvent sur les téléphones des personnes plus grandes que moi quand je ne vois pas la scène ».
Enfin, Xavier est l’honnêteté incarnée. « On est humains. Il y a du narcissisme dans tout ça. On le fait pour le poster et dire aux autres “Regardez la vie que j’ai et que vous n’avez peut-être pas” », reconnaît celui qui vient de débourser 168 euros pour voir le Boss dans le « carré or » du Vélodrome. Et puis poster, c’est partager avec une communauté qui vibre sur les mêmes ondes musicales que vous. Et même avoir une chance de toucher le Graal quand l’artiste himself – Miles Kane le fait parfois – vous remercie sur Insta.
Quel est le truc infaillible pour faire comprendre au relou qu’il est relou ?
«Р’В Moi je les engueuleР’В !Р’В Р’В», propose Alice. Qui nРІР‚в„ўexclue pas de lancer un pogo dГ©vastateur, avec risque de casse garanti pour lРІР‚в„ўiPhone dernier cri de votre voisin. Mais il y a des mГ©thodes plus pacifiques que celles dРІР‚в„ўAlice pour faire rentrer les tГ©lГ©phones dans les bananes.
Comme par exemple frapper les consciences avec l’argument écologique. En voyant « toutes ces personnes sauter en brandissant leur portable », Cédric, un Toulousain, a « songé à toutes les forêts qui disparaissaient dans le cloud » via « ces images inutilisables » pendant son concert de Dionysos. Et le comble, dit-il, c’est que « la majorité des gens qui filment, c’est la jeunesse éco-anxieuse ».
Sinon, pour être assuré de mettre le holà sur les olas de téléphones, il faut avoir les idoles qu’on mérite. Lors de sa dernière tournée, le groupe Placebo demandait à ses fans d’éviter films et photos. « Cela rend la performance beaucoup plus difficile. Plus difficile de se connecter avec vous et de communiquer efficacement les émotions des chansons », expliquait-il. Un soir de 2016, la diva Adele a aussi éteint en live un spectateur. « Pourriez-vous arrêter votre caméra ? Parce que je suis là, dans la vraie vie. Profitez de moi en vrai plutôt qu’à travers un écran ».
* Les prénoms ont été changés
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