Le trafic de succulentes pousse vers l'extinction des cactus endémiques du désert d’Atacama
Massifs de cactus Copiapoa dans le Parc National Llanos de Challe, désert d’Atacama, Chili .
D'après la dernière mise à jour de la "Liste Rouge" de l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), 82 % des espèces de cactus Copiapoa – endémiques du désert d'Atacama, au Chili – sont désormais menacées d'extinction à cause du commerce illégal et du changement climatique.
Si robustes, et pourtant si fragiles. Comme toutes les plantes grasses ou "succulentes", les cactus du genre Copiapoa présentent de multiples adaptations au climat chaud et aride du désert d'Atacama, au Chili, dont elles sont endémiques. Mais leurs épines, utiles pour limiter la transpiration, n'ont que peu d'utilité pour repousser les prédateurs. Y compris le plus "vorace" d'entre eux : l'humain.
Ainsi, 82 % des espèces de Copiapoa (une trentaine) sont aujourd'hui menacées d'extinction, contre 55 % en 2013, a annoncé l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Cette évolution défavorable en moins d'une décennie s'expliquerait par le commerce illégal de ces plantes, "appréciées en tant qu'espèces ornementales en Europe et en Asie". Triste tendance "déco" !
Largement éclipsé dans les médias par le statut "En danger" attribué à l'éléphant de Bornéo (26 juin 2024), ce constat est issu lui aussi de la dernière mise à jour de la "Liste Rouge des espèces menacées" – un précieux état des lieux, élaboré à partir des meilleures connaissances scientifiques disponibles, du degré de menace pesant sur les espèces animales, végétales et fongiques sur Terre.
Plantes braconnées versus cultivées en serre
Non seulement le trafic visant les espèces de Copiapoa a bondi avec l'essor des réseaux sociaux, mais le développement de routes et de logements a par ailleurs rendu ces cactus plus accessibles aux braconniers, tout en détruisant leur habitat désertique, précise l'UICN.
"La culture du Copiapoa en serre a le potentiel de constituer une alternative durable pour fournir des cactus au marché mondial", souligne pourtant l'organisation basée à Gland en Suisse.
"Il est facile de distinguer si les cactus Copiapoa ont été braconnés ou cultivés en serre", explique ainsi Pablo Guerrero, Investigateur principal à l'Institut d'écologie et de biodiversité, Professeur associé à l'Université de Concepción, et membre du Groupe de spécialistes des cactus et plantes succulentes de la CSE-UICN (communiqué).
Les copiapoa braconnés ont un ton gris et sont recouverts d’un duvet à l’aspect poussiéreux qui protège les plantes dans l’un des déserts les plus secs de la planète, tandis que les plantes cultivées semblent plus vertes.
Si ces différences d'aspect peuvent certes aider les autorités douanières à repérer les spécimens arrachés à leur écosystème, côté "consommateur", elles sont au contraire susceptibles de jouer en la défaveur des espèces. Du moins, si l'on se fie à l'exemple de la Dudleya farinosa, surnommée "plante Instagram" pour sa popularité sur le réseau social, endémique de Californie et d'Oregon.
"Plus les dudleyas ont l’air âgées et éprouvées par les éléments, plus elles ont de la valeur en Asie", confiait Stephen McCabe, professeur émérite de botanique à l’université de Santa Cruz, en Californie, à la reporter Laure Andrillon, auteure d'une enquête pour GEO sur le "cartel des succulentes" aux États-Unis, illustrée par le photographe Olivier Touron (GEO n°492, février 2020).
Assoiffées par le changement climatique
Mais si le commerce illégal est le principal facteur de déclin des cactus Copiapoa, il n'est malheureusement pas le seul. Le changement climatique menace également ces succulentes, car "le brouillard océanique dont elles ont besoin pour s'hydrater" évolue avec les températures, note l'UICN. Un péril qui s'avère d'autant plus grand que "ces espèces à longue durée de vie ne peuvent pas se reproduire assez rapidement pour coloniser de nouveaux territoires en conséquence."
"Cette dernière mise à jour de la Liste rouge révèle un niveau de menace scandaleusement élevé pour les cactus Copiapoa", affirme le Dr Steven Bachman, Responsable de recherche en Évaluation et analyse de la conservation aux Jardins botaniques royaux Kew (communiqué). "La Liste rouge tire la sonnette d’alarme pour une action urgente visant à sauver ces espèces menacées."