Messages racistes ou antisémites, positions pro-Kremlin : ces candidats RN qualifiés au second tour malgré tout
Estimer qu’il faut renvoyer Prisca Thevenot «sur son île» ou que «toutes les civilisations ne se valent pas» et que certaines «sont juste restées au-dessous de la bestialité dans la chaîne de l’évolution» n’est plus une entrave pour briguer un mandat de député. En amont du premier tour des élections législatives, Libération notamment, mais aussi de nombreux autres titres de la presse française, avaient identifié quantité de propos racistes, antisémites, complotistes, pro-Kremlin, prononcés, en ligne ou non, par des candidats investis par le Rassemblement national ou ses affidés ciottistes, qui ont suivi le président (contesté) de LR dans son alliance avec le parti lepéniste. Au lendemain du scrutin de ce dimanche 30 juin, huit d’entre eux, tous sortants, sont déjà réélus. Et des dizaines d’autres se sont qualifiés pour le second tour. La plupart sont même en position de force pour faire leur entrée à l’Assemblée nationale.
Au total, Libé a recensé près de 70 candidats d’extrême droite épinglés par la presse qui ont franchi le seuil du premier tour. Avec une prime à la radicalité ? Plus de la moitié, soit 37, se sont non seulement qualifiés mais ont donc remporté le scrutin dès le premier tour (8) ou apparaissent favoris pour le second tour (29). A l’image de Roger Chudeau, candidat dans la 2e circonscription du Loir-et-Cher, qui a attaqué l’ancienne ministre de l’Education nationale Najat Vallaud-Belkacem, jeudi soir, sur sa double nationalité franco-marocaine, synonyme selon lui de «problème de double loyauté». «Je pense que c’était une erreur [qu’elle soit ministre] et que ce n’était pas une bonne chose pour la République», a-t-il expliqué sur BFM, avant d’être désavoué dès le lendemain par Marine Le Pen. Dimanche soir, il a récolté 49,72 % des voix.
Autre exemple, Sophie Dumont, candidate dans la 4e circonscription de Côte-d’Or, qui avait suggéré sur X (ex-Twitter) que Reconquête était financé par les juifs, en réaction à une prise de position de Sarah Knafo en faveur de l’abattage rituel : «Le petit geste qui trahit l’origine des fonds qui alimentent Reconquête», avait écrit la candidate. Dimanche, elle a été portée en tête par les électeurs bourguignons avec 42,24 % des suffrages. Tout comme Monique Griseti (45,54 %) dans la 1ère circonscription des Bouches-du-Rhône qui, sur Facebook en janvier 2022, lançait à propos du chanteur Gims : «Qu’il retourne de là où il vient, qu’il amène toute sa tribu avec lui. Qu’il aille traire la chèvre, ça nous fera des vacances.»
Face aux propos condamnables, pas toujours de désistement
Sans oublier Marie-Christine Sorin, dont Libé avait retrouvé des messages sur X qui expliquaient par exemple que «toutes les civilisations ne se valent pas» et que certaines «sont juste restées au-dessous de la bestialité dans la chaîne de l’évolution». La même regrettait encore de ne pas pouvoir dire à la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, «de retourner sur son île [elle est née à Strasbourg mais est d’origine mauricienne, ndlr] sans être taxée de racisme». Dans la 1ère circonscription des Hautes-Pyrénées, les électeurs l’ont portée en tête avec 34,09 % des voix. Le candidat Ensemble, arrivé en 3e position (24,84 %) derrière la candidate LFI portant les couleurs du Nouveau Front populaire (29,53 %), a pris le temps de la réflexion avant de se désister.
Un barrage républicain qui n’est pas automatique contre ces lepénistes aux propos condamnables, ou d’autres au parcours marqué du sceau de la radicalité. Par exemple, dans la 1ère circonscription du Val-d’Oise, Anne Sicard, «enseignante, responsable associative, mère de famille nombreuse» mais surtout responsable du fonds de dotation de l’Institut Iliade, dont elle a aussi longtemps géré les formations. A savoir un mouvement qui forme depuis des années des générations de jeunes suprémacistes blancs, des héritiers de Génération identitaire (dissous pour son racisme et la violence de ses militants en 2021) aux intégristes d’Academia Christiana (visée par une procédure d’interdiction annoncée par les autorités en décembre) notamment. Dimanche 30 juin, Anne Sicard a obtenu 33,65 % des voix, devant son adversaire du Nouveau Front populaire (30,80 %) et la candidate de la majorité (25,46 %), qui a toutefois annoncé se maintenir.
«Pro-Kremlin» mais élus ou qualifiés
En fin d’après-midi ce mardi 2 juillet, Libé recensait au total deux candidats de la majorité présidentielle et trois candidats LR qui se maintiennent malgré une possible victoire d’un candidat RN épinglé par la presse. Face à ces derniers, dans une triangulaire, ceux du NFP se sont retirés dans douze circonscriptions, contre trois pour ceux d’Ensemble. Aucun candidat LR n’a fait ce choix.
Bruno Bilde au Cap d'Agde, le 17 septembre 2022. Il a obtenu, dimanche, 59,24 % dans la 12e circonscription du Pas-de-Calais.
Enfin, les candidats du RN estampillés «pro-Kremlin» par la presse ont également performé. Sur la quinzaine dont les noms ont circulé, tous se sont qualifiés. Deux sortants ont même assuré leur siège dès ce dimanche, Bruno Bilde (59,24 %) dans la 12e circonscription du Pas-de-Calais et Julie Lechanteux (51,5 %) dans la 5e circonscription du Var. Le premier s’était rendu en 2018 en Russie comme «observateur» de la présidentielle russe (théâtre de fraudes électorales massives). La seconde a joué le rôle «d’observatrice électorale» en Russie en 2020 à l’occasion du vote d’une réforme constitutionnelle permettant à Vladimir Poutine de briguer plus de deux mandats consécutifs. Un voyage financé par un «mystérieux bienfaiteur» selon le Monde. Un bel hémicycle en perspective.