Ouragan Béryl : «Nous avons connu des ouragans dans le passé, mais de mon vivant, c’est le pire que Carriacou ait jamais connu»
Du matériel essentiel chargé sur un navire à destination de l'île de Carriacou, durement touchée par l'ouragan Béryl, à Saint-Georges, Grenade, le 2 juillet 2024.
Un port de pêche dans lequel les bateaux retournés s’entassent les uns sur les autres sur une mer déchaînée, des maisons déracinées par des vents déferlant à plus de 270 km/h, ou encore des rues transformées en amas de tôle : voilà les scènes impressionnantes qui inondent les réseaux sociaux après le passage de l’ouragan Béryl dans le sud-est des Antilles.
D’abord classé comme tempête tropicale, Béryl est devenu un ouragan dans la nuit de samedi à dimanche puis a été classé en catégorie 4. L’ouragan a finalement été placé dans la soirée de lundi en catégorie 5 – la plus élevée de l’échelle de Saffir-Simpson, celle des ouragans «potentiellement catastrophiques».
Près de 90 % des habitations détruites
Béryl a alors ravagé plusieurs territoires au cours de son parcours dévastateur. L’île de Carriacou a par exemple été rasée «en une demi-heure», a annoncé Dickon Mitchell, le Premier ministre de la Grenade, un Etat caribéen composé de plusieurs îles. Au total, trois personnes sont mortes lors de cet événement météo extrême, a-t-il aussi précisé à la presse.
La connexion internet est par ailleurs coupée sur l’île depuis le passage de l’œil de l’ouragan. Alvis Cudjoe, un ancien habitant de l’île volcanique aujourd’hui installé aux Etats-Unis, explique à Libération ne plus pouvoir joindre sa famille depuis près de vingt-quatre heures. Les dernières informations qu’il a pu obtenir de leur part – ainsi que les dernières photos d’un paysage désolé qu’il partage massivement sur Facebook – remontent à la veille.
«Avec l’ouragan et une force de vent allant jusqu’à 150 mph [soit 240 km/h, ndlr], les membres de ma famille ont vu leur toit s’envoler», détaille-t-il. Si «la plupart des maisons possèdent des murs solides», les toits sont en acier, donc très peu résistants face à des vents violents. Il ajoute également que les bateaux de l’entreprise familiale ont été complètement détruits. «Les routes sont bloquées à cause des arbres, de la tôle galvanisée et de la boue. Tout ce que Béryl a emporté avec lui se trouve dans les rues !» avance-t-il encore, très préoccupé par la situation sur place. Des nouvelles de sa famille lui sont récemment parvenues : tous sont hors de danger. «Nous avons connu des ouragans dans le passé, mais de mon vivant, c’est le pire que Carriacou ait jamais connu», conclut-il, ajoutant que près de «90 % des habitations» sont détruites.
Un phénomène climatique de cette échelle est extrêmement rare si tôt dans la saison des ouragans, qui s’étend de début juin à fin novembre aux Etats-Unis. La «crise climatique pousse les catastrophes à de nouveaux niveaux records de destruction», a mis en garde ce mardi le chef de l’ONU, Climat Simon Stiell, dont la famille est également installée à Carriacou.
«Les nouvelles qui nous arrivent sont très mauvaises»
Les autorités s’attendent également à des dégâts «extrêmes» sur l’île voisine de la Petite Martinique, appartenant elle aussi à la Grenade. Des vidéos de Saint-Georges, la capitale de la Grenade, montrent aussi des pluies torrentielles et des vents violents. Sur l’archipel voisin de Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Béryl a semé la désolation et fait au moins un mort, selon le Premier ministre, Ralph Gonsalves. «Il pourrait y avoir plus de victimes, nous ne sommes pas sûrs», a-t-il ajouté dans une vidéo sur Facebook, et «90 % des habitations ont été gravement endommagées ou détruites sur l’une des îles où le toit de l’aéroport a été arraché».
«Les îles de la Grenade et l’archipel de Saint-Vincent-et-les-Grenadines ont été les régions les plus sévèrement touchées. Comparativement, ici en Barbade, nous avons été plus chanceux», explique quant à lui Pieter Bult, représentant de l’Unicef pour les Caraïbes, qui rassemble les premières informations quant aux conséquences de ce premier ouragan de l’année 2024.
«Les nouvelles qui nous arrivent sont très mauvaises. De nombreuses habitations, avec des toits en métal, ont été détruites. Des portions entières de routes sont inaccessibles. La majorité de la population a trouvé refuge dans des centres d’accueil d’urgence, qui sont en plus surchargés.» Sur place, les équipes de l’Unicef tentent encore de chiffrer le nombre de personnes affectées par l’ouragan – en premier lieu les enfants – afin de pouvoir délivrer une «aide sanitaire et matérielle» adaptée.
Au-delà des potentielles victimes et des dégâts matériels, l’impact de Béryl sera aussi économique, prévient Pieter Bult. «Le revenu de ces îles repose principalement sur le secteur de la pêche. Or l’ouragan a emporté des dizaines de bateaux, parfois avec des pêcheurs encore dessus, et ravagé des ports entiers. Le secteur peut mettre des années avant de se remettre d’un phénomène climatique d’une telle ampleur», détaille le représentant de l’Unicef. Le secteur du tourisme, lui aussi très important dans la région, va également être mis en pause.
Béryl devrait dans les prochaines heures passer à proximité de la République dominicaine et Haïti, avant de toucher ce mercredi la Jamaïque. Il est maintenant prévu, selon le bulletin du centre américain des ouragans, que Béryl «s’affaiblisse». Mais le danger n’en demeure pas moins.