Le bouillonnant Philipsen, absent du premier sprint sur chute, déjà concentré sur la suite
Soren Kragh Andersen (dossard 104) épaule Jasper Philipsen après la chute qui a retenu plusieurs sprinteurs. (E. Garnier/L'Équipe)
D'abord privé de Mathieu Van der Poel, son poisson-pilote victime d'une double crevaison, le sprinteur de l'équipe Alpecin-Deceunink Jasper Philipsen est tombé à 3km de l'arrivée et n'a pas pu tenter sa chance. Une première opportunité ratée pour le maillot vert du Tour 2023.
Les coups de tonnerre dispersaient la foule massée aux flancs du Stade Olympique de Turin et on se demandait s'ils couvraient, derrière les vitres teintées du pullman des Alpecin-Deceuninck, les coups de gueule de Jasper Philipsen. Il avait passé la ligne en roue libre, le cuissard déchiré sur la fesse droite ensanglantée, et un oeil orageux qui trahissait plus des plaies au mental qu'au squelette. Plus loin, slalomant entre les tifosi, Mathieu Van der Poel, de bonne humeur pour un homme qui avait crevé à 6 km de la ligne, enroulait un bras fraternel aux épaules de son équipier.
Une fois engouffrés dans l'intimité de leur car, on en était réduit à imaginer la fureur froide de celui à qui sa mère interdisait parfois de jouer au Monopoly avec son frère aîné Sander pour que le plateau ne vole pas à travers la pièce s'il perdait. Ou la colère du minime qui pouvait, à 12 ans, s'il ne gagnait pas une course, faire la gueule tout le week-end dans sa chambre pour n'en sortir que le lundi matin.
Cette chute à 3 km de la ligne, qui privait le Belge de sa 47e victoire en pro, tout autant que la frustration de ne même pas avoir à tomber la chaîne sur le onze-dents pour disputer le premier sprint de son cinquième Tour, n'allait pas se digérer sans broncher. Philip Roodhooft, le manager qui paraphait il y a dix jours le nouveau contrat de quatre ans avec son sprinteur, réchauffait l'ambiance avec un sourire et une leçon de stoïcisme. « On ne pouvait pas imaginer ce scénario : d'abord, la double crevaison de Mathieu, à l'avant et à l'arrière, alors qu'il n'a jamais crevé de toute la saison, puis cette chute. On est surtout content que les deux puissent continuer, que Jasper n'ait rien de cassé, juste quelques brûlures. Il y a une petite blessure au moral, oui, sinon, pourquoi est-ce qu'on ferait tout ça ? C'est le sport, c'est la vie. On aura d'autres occasions, rendez-vous après-demain (mercredi, à Saint-Vulbas, propice à un sprint). »
Éclipsé pour le contrôle antidopage, Philipsen en revenait à vélo, short et t-shirt turquoise, les nerfs à peine démêlés. « Je bous toujours à l'intérieur. On était pourtant bien en place. Mathieu a crevé mais on s'est remis en ordre assez vite. Un coureur est tombé devant moi (vraisemblablement Alexis Renard, après un déraillement), je me suis retrouvé coincé. Je suis tombé à 60 km/h mais les dégâts sont minimes. » Le vainqueur du maillot vert 2023 voulait positiver malgré tout. Je suis satisfait de rester sur le Tour. En plus, c'était une journée longue et ennuyeuse, un peu gâchée. Je loupe le sprint mais aussi les points. C'est dommage, mais on va avancer. » Il s'engouffrait dans une voiture, laissant sous les premières gouttes de pluie une mère souriante et rassurée.
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