Les Insoumis « purgés » veulent tourner la page Mélenchon
Les Insoumis « purgés » veulent tourner la page Mélenchon
Les purgés de La France insoumise ne se privent plus de critiquer publiquement Jean-Luc Mélenchon. Ce 1er juillet, dans un local associatif du 20e arrondissement de Paris, les figures insoumises qui n'ont pas eu l'investiture officielle du Nouveau Front populaire ne décolèrent pas. « Je suis fière d'avoir été placée en tête du scrutin avec 42 % des voix. 19 points devant la candidate investie par Jean-Luc Mélenchon. Les urnes ont tranché ! » lance Danielle Simonnet, accompagnée d'Alexis Corbière, de Raquel Garrido et de Clémentine Autain.
Cette dernière, épargnée par les purges, mais écartée de la coordination du parti en 2022, est venue soutenir ses « camarades » militants qui ne veulent pas de Mélenchon. « Ça me met en colère d'être ici. On a d'autres choses à faire. C'est une déperdition d'énergie colossale », expose la députée fraîchement élue dès le premier tour, qui préférait se concentrer sur la menace d'une majorité absolue pour l'extrême droite à l'Assemblée nationale, prêter main-forte aux Insoumis en ballottages défavorables face au RN?
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Mais les purges opérées par ceux qui ont dénoncé le manque de démocratie interne au sein de LFI ont empoisonné la campagne, renvoyant l'image d'un parti aux pratiques autoritaires et lambertistes qui broie même ses plus fidèles dès qu'ils n'adhèrent pas à la doxa du chef. Danielle Simonnet et Raquel Garrido ont milité plus de trente ans avec lui ; la première a été son porte-flingue sur les plateaux, défendant avec son bagout la vision du Parti de gauche ; la seconde a fait partie des architectes de la VIe République, idéal démocratique opposé à la monarchie présidentielle, à rebours des pratiques au sein des arcanes du parti.
Pratiques autoritaires
«Ã‚ C'est une purge inutile, absurde, indécente [?] Ce ne sont pas les militants qui ont pris la décision de nous purger. Je sais qui l'a fait », dit Alexis Corbière d'une voix coléreuse, pointant du doigt la responsabilité de Jean-Luc Mélenchon dont il fut l'un des compagnons de route. Il n'était pas présent le 30 juin, sur la scène du Nouveau Front populaire, place de la République. Les apparatchiks lui ont préféré Sabrina Ali Benali, la candidate officiellement investie contre lui et qui se maintient au second tour.
Mais, à les entendre, il ne s'agit pas seulement d'une blessure personnelle. Raquel Garrido s'attache ainsi à élargir les enjeux, à ne pas seulement donner l'image d'une guerre fratricide, marquée par des luttes picrocholines et des élans narcissiques : « L'enjeu, c'est que le NFP donne une image enthousiasmante, qu'il soit capable de gouverner. » L'ancienne avocate du tribun fait le réquisitoire de la stratégie adoptée par Jean-Luc Mélenchon depuis 2022, faite de querelles et de conflictualités avec les autres composantes de la gauche qui brisent « l'éthique militante ». « LFI n'aspire pas à être une organisation démocratique [?] Il y a un droit de veto interne de Jean-Luc Mélenchon. Il peut rayer des noms et ça passe crème ! Il y a une gauche qui n'est pas d'accord avec les méthodes de Jean-Luc Mélenchon », explique Raquel Garrido.
« Ce côté un peu Trump » de Mélenchon
Les méthodes, parlons-en. Raquel Garrido a été insultée sur les réseaux sociaux par des militants ; le compte de Danielle Simonnet lui permettant de créer des événements sur la page du parti a été désactivé ; Alexis Corbière a été diabolisé en homme de droite par l'écrivain radical-chic Geoffroy de Lagasnerie, et même traité de « vendu aux médias sionistes ».
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«Ã‚ Il faut que les fermes àtrolls administrées depuis le siège de LFI s'arrêtent », lâche Raquel Garrido, déplorant cette « toxicité, ce côté un peu Trump. » Ses griefs sont aussi politiques ; elle pointe la faiblesse de LFI dans les campagnes comme un frein àla victoire et déplore « une dérive sectaire, gauchiste qui conduirait la gauche àl'opposition pour l'extrême droite ». L'objectif de ces Insoumis en rupture de rang : « Passer àl'après-Mélenchon ». Jean-Luc Mélenchon, par ses outrances, aurait-il renoncé àla victoire ? « Oui », soupire, las, l'un des purgés.