Faut-il déclarer les bijoux de famille lors d’une succession ?
Il a fallu attendre le 6 décembre 1988 et un arrêt de la Chambre civile de la Cour de cassation pour que le droit soit enfin précisé en matière de? bijoux de famille. Non que la loi reconnaisse l'expression, mais les magistrats ont dû trancher le sort des bagues et autre bijouterie ou joaillerie, de plus en plus considérés comme des placements au-delà de leur valeur affective.
La question posée : les bijoux de famille doivent-ils être déclarés lors d'une succession ? La réponse apportée : oui, à moins qu'ils ne soient considérés comme des « présents d'usage ».
Les bijoux de valeur compris dans « l'actif successoral »
Les droits de succession sont clairs : les héritiers doivent déclarer ? et s'acquitter des taxes correspondantes ? tous les biens immobiliers et mobiliers d'un défunt. Pour ce faire, il est indispensable d'effectuer une déclaration de succession, un document obligatoire que les héritiers doivent déposer auprès de l'administration fiscale dans un certain délai après le décès d'une personne.
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Cette liste de biens constitue ce que l'on appelle « l'actif successoral » ; les bijoux, comme tout bien mobilier, sont compris dedans. Pour pouvoir effectuer un partage équitable entre les héritiers, le notaire retiendra la valeur déclarée de chaque bijou auprès de l'assureur? s'ils sont assurés.
Si ce n'est pas le cas, il faudra se tourner vers un professionnel certifié. Le notaire peut faire appel à un commissaire-priseur qui établira un inventaire et évaluera les biens. A minima, le notaire évalue le patrimoine mobilier, dont font partie les objets précieux comme les bijoux, à 5 % du patrimoine global du défunt. Si les bijoux sont intégrés à l'inventaire du commissaire-priseur, les taxes sont acquittées lors de la succession. Par conséquent, aucune autre taxe ne sera appliquée s'il y a vente par la suite, justificatifs à l'appui.
Le cas du « présent d'usage »
Reste que, depuis toujours, les bijoux de famille sont transmis en dehors de tout cadre légal, de main à la main, en général du vivant de leur propriétaire. Voilà pourquoi, en 1988, la Cour de cassation a défini le statut de « présent d'usage », soit « un cadeau fait à l'occasion de certains événements, conformément à un usage, et n'excédant pas une certaine valeur ».
Le présent d'usage permet ainsi de cadrer la volonté d'un donateur de transmettre, avant sa mort, une partie de son patrimoine mobilier, en particulier les objets précieux. Cet acte gratuit n'a pas à faire l'objet de déclaration fiscale ni au moment de la transmission ni au moment de la succession. Et ainsi, il n'est pas taxé par l'État.
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Certaines règles doivent être toutefois respectées. Le présent d'usage doit être intentionnel et motivé par un événement familial (par exemple, à Noël ou à l'occasion de fiançailles ou d'un mariage).
Enfin, la valeur du bijou doit être « modique » au vu de la fortune du donateur. La jurisprudence considère que le montant du présent d'usage ne doit pas excéder 2 % du patrimoine ni 2,5 % du revenu annuel du donateur. Si ce n'est pas le cas, l'objet pourra être requalifié par l'administration fiscale, lors de la procédure d'héritage à la mort du donateur, et, à ce moment-là, sa détention ne sera plus exonérée d'impôt.
Depuis 1988, les magistrats ont dû préciser nombre de cas et, entre les cas de divorce, de perte ou de recel de bijoux, la jurisprudence s'est considérablement étoffée.
Une vente soumise à une fiscalité précise
Une fois la succession passée, la question peut se poser de vendre tout ou partie des bijoux. S'il s'agit de présents d'usage transmis du vivant de propriétaire précédent, ils peuvent alors être soumis, au choix, soit à la taxe forfaitaire sur les objets précieux (dite « RPPM »), soit à une taxation sur la plus-value.
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Dans le premier cas, la taxe comporte deux taux, selon la nature de l'objet vendu :
- Un taux de 11,5 % à partir du premier euro pour les métaux précieux (lingot d'or, pièces de monnaie?).
- Un taux de 6,5 % pour les bijoux, objets d'art, de collection ou d'antiquité à partir du moment où leur valeur unitaire dépasse les 5 000 euros.
Ainsi, dans le cadre d'une succession, tout bijou d'une valeur de moins de 5 000 euros n'est pas soumis à la taxe forfaitaire.
Une autre option, parfois plus avantageuse, est de se soumettre à une taxation sur la plus-value de la vente. Si vous possédez le bijou depuis plus de 22 ans, vous serez exonéré ? il faut toutefois pouvoir prouver l'ancienneté de la possession. Sinon, il vous faudra déclarer la plus-value et une taxe forfaitaire de 6,5 % sera prélevée au moment de la vente.