Boyard, Thévenot, Poutou… Pourquoi tant de rumeurs sur leur élimination au 1er tour des législatives ?
Louis Boyard, Prisca Thévenot, Philippe Poutou.
C’est fréquemment le lot des soirées électorales : le résultat au moment où l'on se couche n’est plus le même au réveil, en vertu du dépouillement tardif des derniers bulletins qui peuvent faire basculer la donne. Mais au soir du premier tour de ces législatives anticipées, ce dimanche 30 juin, l'effet de surprise a été d'une autre nature pour certains candidats. Partis le plus souvent du réseau social X, des bruits ont annoncé la déroute de noms bien en vue, avant que les résultats officiels ne viennent rapidement les démentir dans la soirée.
Les détracteurs du LFI Louis Boyard rebouchent le champagne
Il n’a pas fallu beaucoup de temps, après l’annonce des premiers résultats sur les coups de 20 heures, pour que les internautes voient apparaître sur les réseaux sociaux une nouvelle de taille. Le jeune et tempétueux Louis Boyard, sortant de la troisième circonscription du Val-de-Marne et candidat à sa réélection sous les couleurs de La France Insoumise, serait disqualifié en perspective du second tour. Le compte X Cerfia, aux 974 000 abonnés, relaie l’information avant de corriger le tir à 22 h 11 : « RECTIFICATION », lit-on en lettres capitales.
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Entretemps, l’entrepreneur Stéphane Manigold, visiblement peu suspect de sympathie pour l’Insoumis de 23 ans, crie d’abord victoire dès le début de soirée, redit sa joie à 22 h 05 : « Je vous l’avais annoncé les amis ! C’est confirmé les amis ! Louis Boyard out ! Champagne ». Deux publications, deux millions de vues. Difficile d’y voir une manœuvre visant à influencer le vote puisqu’à cette heure les bureaux sont très largement clos. L’hypothèse d’un empressement naïf tient mieux la route : « Attention il y a plusieurs infos contradictoires !!! J’attend pour ouvrir le champagne », tweete le restaurateur à 22 h 22. Avant de rendre les armes, une demi-heure plus tard : « Attendez les amis ! Il est hélas au second tour ! Faisons tout pour l’empêcher de gagner dimanche prochain ! ».
Professeur en information-communication à l’Institut français de presse, Arnaud Mercier se refuse à parler de fake news en l’espèce, ces dernières répondant selon lui à une stratégie délibérée. « Là, on est plus sur un genre classique d’emballement bête, lié à une hystérie électorale, provoqué par des gens souvent militants de droite comme de gauche, tellement désireux de voir tel ou tel battu qu’ils prennent leurs espérances pour la vérité. » En réalité, avec 42,17 % des voix, Louis Boyard a bien pris la tête du premier tour sur ses terres, 15 points devant le candidat de gauche et 20 devant Loïc Signor pour la majorité présidentielle.
Prisca Thévenot, confusion cathodique
Le passage sur BFMTV de Prisca Thévenot, porte-parole du gouvernement Attal, a manifestement embrouillé l’esprit de nombreux téléspectateurs. Le débat se porte sur les désistements en cas de triangulaire, en particulier dans la circonscription de François Ruffin, qualifié au second tour. « Ça veut dire que vous êtes potentiellement troisième ? », l’interroge Apolline de Malherbe, générant une forme d’agacement chez son interlocutrice. Le « vous » de la journaliste, générique, désignait la majorité présidentielle et non Prisca Thévenot, par ailleurs candidate dans les Hauts-de-Seine.
Si l’échange était sans doute clair en plateau, au premier chef d'ailleurs pour la ministre sortante, certains observateurs ont mal compris la séquence. « Qui a le score réel de Prisca Thévenot car moi j'ai vu qu'elle était 3e hier soir sur BFM et que le RN était devant et donc qu'elle a dit (en colère) qu'il ne fallait pas que le RN gagne donc qu'elle se désistait ???.…sinon je retire mon tweet », lâche un usager de X. « On vient de perdre la gentille Prisca Thévenot. Elle est morte au combat contre les Russes et les antisémites », assène carrément, catégorique, un autre utilisateur du réseau social.
Pour Arnaud Mercier, tisse une comparaison avec le cas de Louis Boyard. « C’est un peu le même ressort que pour les gens incapables de saisir l’ironie, le second degré d’un propos. Il y a des personnes qui ne comprennent pas les mentions échoïques, c’est-à-dire le fait de citer quelqu’un, de faire référence à un propos », commente le docteur en science politique.
Dans sa huitième circonscription des Hauts-de-Seine, Prisca Thévenot est bien arrivée en tête de ce premier tour avec 39,9 % des suffrages, devant la candidate du Nouveau Front populaire Salomé Nicolas-Chavance (30,3 %) qu’elle affrontera en duel au second tour.
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Les imbroglios Philippe Poutou et Raphaël Arnault
Parmi les candidats les plus sujets à caution que le Nouveau Front populaire ait investis, Philippe Poutou et Raphaël Arnault se sont tous deux qualifiés pour le 7 juillet. Le premier, avec 18,7 % des voix, s’offre un deuxième round sans illusion dans la première de l’Aude. Le second, fort de ses 24,8 % dans la première du Vaucluse, affrontera la candidate mariniste qui l’a devancé. Pourtant, les deux hommes, respectivement président du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) et militant triplement fiché S, ont été un temps annoncés disqualifiés sur les réseaux sociaux.
« Poutou et Raphaël Arnault, les deux anti flics… ont été battus dès le 1er tour… C'est la France qu'on aime », prétend par exemple le compte X Nemausus, dont l’activité virtuelle du détenteur fait peu mystère de sa sympathie pour Jordan Bardella. La publication a été vue près de 10 000 fois. À l’autre bout du spectre politique, l’entrepreneur Laurent de Béchade, qui se présente en « militant antiraciste universaliste », fait son mea culpa à 23 h 13 : « J’ai relayé ce soir l’information selon laquelle Raphaël Arnault avait été éliminé au premier tour. Cette information est fausse et je m’en excuse auprès des personnes qui ont l’habitude de me suivre. Je prends normalement soin de vérifier mes sources, surtout sur Twitter. Pris dans le feu de la campagne, ce ne fut pas le cas ce soir. » Dont acte.
Le candidat lepéniste opposé à Philippe Poutou dans l'Aude, Christophe Barthès, a récolté 49,33 % des suffrages. Il est donc passé tout près d'être élu dès ce dimanche 30 juin. « C’est un phénomène assez commun dans les petites circonscriptions, où les résultats remontent plus vite qu’ailleurs, remarque l'expert en désinformation Arnaud Mercier. À partir du moment où avec 60 % des bulletins dépouillés, un candidat est donné à 50 %, certains se disent hâtivement que l’élection est acquise. Or quand on est sur une ligne de crête, la suite des opérations peut tout changer. » En l’espèce, qualifier au second tour le président du NPA.
Une autre usagère du réseau exulte sur le tard, en découvrant l’annonce officielle par le Nouveau Front populaire de la qualification au second tour de Philippe Poutou : « Et moi qui le croyais éliminé ! Quelle bonne nouvelle, dans la nuit ! » Une illustration parmi cent du trouble engendré par la twittosphère au soir de ce premier tour.