« Il est peut-être déjà trop tard » : comment la presse européenne analyse le premier tour des législatives
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«Â Un coup de poker qui a spectaculairement échoué », c'est ainsi que le magazine britannique The Economist décrit le choix d'Emmanuel Macron d'appeler les Français aux urnes. « Marine Le Pen est sur le point de récolter les bénéfices d'une décennie passée à  hygiéniser son parti, à rendre ses députés présentables et à convaincre les électeurs qu'il ne vise pas que la contestation tapageuse mais aussi le pouvoir », poursuit le magazine.
The Times pense que la France se dirige vers un Parlement dépourvu de majorité « où aucun parti ne sera capable de former un gouvernement, ouvrant la voie à des mois de paralysie législative et de chaos politique ». Mis sous pression, Emmanuel Macron serait alors obligé d'envisager une démission, ajoute le quotidien.
La prise de risque agressive
The Guardian dénonce de son côté « la confiance en soi invincible » et « le penchant pour la prise de risque agressive » du président, dont il paye désormais le prix. Plus grave, le journal estime qu'il a « légitimé » l'agenda de l'extrême droite en prenant un virage à droite sur les questions de l'immigration ou du multiculturalisme. La vraie gagnante, estime-t-il, est Marine Le Pen, qui « le regard solidement vissé sur la prochaine élection présidentielle ne pourra que bénéficier d'un système politique dysfonctionnel ».
The Telegraph tire quant à lui un parallèle avec la situation au Royaume-Uni, rappelant que si Keir Starmer, le probable nouveau Premier ministre travailliste, ne maîtrise pas l'immigration illégale et ne remet pas le pays sur la voie de la croissance, il affrontera lui aussi une mouvance populiste de droite sous la forme du parti Reform UK de Nigel Farage.
Le sorcier et le mauvais « sort »
Quelques jours avant le premier tour des législatives, le quotidien portugais Publico redoutait que le mauvais « sort » lancé par Emmanuel Macron aux oppositions ne se retourne finalement contre « le sorcier ». Force est de constater, ce matin, que la presse lusophone avait vu juste. Publico consacre sa une à la victoire du Rassemblement national au premier tour des législatives anticipées.
Dans l'attente des résultats définitifs, dont on aura connaissance dimanche prochain à l'issue du second tour, le journal parie sur « une cohabitation périlleuse » et s'attend à « la naissance d'une VIe République ». De son côté, l'hebdomadaire Expresso observe que la victoire de l'extrême droite en France suscite « une vague d'appels à l'unité républicaine », laquelle vise à empêcher le parti de Jordan Bardella et de Marine Le Pen d'obtenir une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Lucide, Expresso reconnaît toutefois qu'« il est peut-être déjà trop tard ».
Si le Portugal s'inquiète, c'est surtout parce que le RN est perçu dans ce petit pays situé aux confins de l'Europe de l'Ouest comme un parti profondément eurosceptique. « Voter pour le RN, c'est voter contre la France et contre l'Europe », analyse pour la Sic la commentatrice Ana Gomes, ancienne diplomate et députée européenne socialiste. Le vote des Français n'arrange en effet pas les affaires du Portugal, dont la classe politique est majoritairement proeuropéenne, et qui vient de placer le socialiste Antonio Costa à la présidence du Conseil européen. Pour l'heure, ni le président de la République Marcelo Rebelo de Sousa, ni le Premier ministre Luis Montenegro n'ont commenté les résultats du premier tour, attendant certainement le verdict définitif des urnes, qui aura lieu le 7 juillet.
Côté urnes, justement, les Français du Portugal ont placé en tête le député sortant David Vojetta (divers centre) et Johana Maurel (RN), recueillant 36,37 % et 24,51 % des suffrages exprimés. Pour autant, le second tour des législatives dans la cinquième circonscription des Français établis hors de France (Portugal, Espagne, Andorre et Monaco) opposera le centriste à Maxime Da Silva, du Nouveau Front populaire. À l'échelle de cette circonscription, où Manuel Valls avait échoué à se faire élire en 2022, Vojetta obtient 33,68 % et Da Silva 26,18 %.