Contrôles aux frontières, solidarité obligatoire… Ce que contient la vaste réforme migratoire de l’Union européenne

contrôles aux frontières, solidarité obligatoire… ce que contient la vaste réforme migratoire de l’union européenne

Les eurodéputés ont adopté un texte issue d’années de négociations, pour aboutir à un difficile compromis. AFP/JOHN THYS

C’est l’aboutissement d’années d’âpres négociations, pour aboutir à un délicat compromis. Les eurodéputés ont adopté mercredi une profonde réforme de la politique migratoire européenne, qui durcit les contrôles des arrivées aux frontières du bloc et met en place un système de solidarité entre États membres. Les dix textes de ce « Pacte sur la migration et l’asile » ont tous été approuvés. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a salué une « journée véritablement historique », un adjectif repris par plusieurs dirigeants et responsables, à Berlin comme Athènes.

La réforme promet notamment des « demandes d’asile traitées plus rapidement » et « des retours plus efficaces », selon un communiqué du parlement européen. Le texte, qui avait fait l’objet d’un accord politique en décembre, devra désormais être formellement validé par le Conseil, probablement à la fin du mois. Il s’appliquera en 2026 et ses modalités de mise en œuvre devront encore être finalisées. Tour d’horizon de ses principaux points.

Contrôles renforcés

Un « filtrage » obligatoire préalable à l’entrée d’un migrant dans l’UE est mis en place. Ces contrôles d’identification et de sécurité peuvent durer jusqu’à sept jours. À l’issue de ce délai maximum, la personne est orientée vers une procédure d’asile, classique ou accélérée, ou renvoyée dans son pays d’origine ou de transit.

Les pays d’arrivée sont chargés d’entrer les empreintes digitales, la photo du visage et les documents d’identité des demandeurs d’asile et des migrants dans la base de données Eurodac, dont le champ a été élargi et qui s’applique désormais aux enfants dès l’âge de six ans. La réforme prévoit aussi des « contrôles de sécurité, de vulnérabilité et de santé obligatoires » pour toute personne entrant de façon irrégulière dans l’UE. Il reviendra aux États membres de s’assurer du « respect des droits fondamentaux » des migrants, par des « mécanismes de contrôle indépendants ».

Rétention dans des centres dédiés

Une « procédure à la frontière » est prévue pour ceux qui sont statistiquement les moins susceptibles d’obtenir l’asile : ils seront retenus dans des centres le temps que leur dossier soit examiné de façon accélérée. Sont surtout concernés les ressortissants de pays pour lequel le taux de reconnaissance du statut de réfugié est inférieur à 20 % en moyenne dans l’UE, comme le Maroc, la Tunisie et le Bangladesh.

Dans le cadre de cette procédure, il est prévu de créer quelque 30 000 places dans des centres dédiés, afin d’accueillir à terme jusqu’à 120 000 migrants par an. Les mineurs non accompagnés faisant courir « un risque à la sécurité » et les familles avec enfants seront aussi concernés. La procédure impliquera vraisemblablement une détention mais, selon l’eurodéputée française Fabienne Keller, la rapporteure pour ce texte, des mesures alternatives de restriction de liberté sont aussi possibles. La durée de la procédure aux frontières est de douze semaines pour l’examen de la demande, à laquelle peuvent s’ajouter douze semaines pour la procédure de renvoi, soit six mois maximum au total.

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Quelque 161 organisations de défense des droits humains, dont Human Rights Watch, Amnesty International, l’International Rescue Committee, avaient appelé les eurodéputés à rejeter le Pacte, s’inquiétant des « détentions de familles avec enfants » et d’une « criminalisation » des exilés.

Le nouveau texte prévoit plus largement la prolongation de la durée possible de détention d’un migrant aux frontières extérieures de l’UE : jusqu’à neuf mois au total, procédure de renvoi comprise.

Traitement des demandes d’asile accéléré

Le texte prévoit qu’un traitement des demandes « plus rapide », avec l’objectif d’atteindre « des délais plus courts pour les demandes infondées ou irrecevables ». La réforme permet ainsi des procédures d’examen des demandes d’asile plus simplifiées pour un plus grand nombre d’exilés, afin de pouvoir les renvoyer plus facilement. Il s’applique aussi aux situations d’« instrumentalisation », c’est-à-dire aux cas où un « pays tiers ou un acteur non étatique » utilise la migration pour déstabiliser un pays de l’UE.

Le texte s’appuie aussi une notion controversée de « pays tiers sûr », un critère permettant à un État d’y renvoyer un demandeur d’asile. Il pourra ainsi juger un dossier irrecevable parce que le demandeur est passé par un pays tiers considéré comme « sûr », où il aurait pu déposer une demande de protection, si tant est qu’il y ait un « lien » suffisant entre la personne concernée et ce pays.

Reste à savoir quelle sera l’effectivité des renvois, qui se heurtent souvent au refus des pays d’origine de reprendre leurs ressortissants. Autour de 20 % seulement des migrants irréguliers recevant l’ordre de quitter le territoire européen sont renvoyés, et pour tenter de remédier à cela, l’UE signe des accords avec les pays d’origine.

Solidarité obligatoire

Le nouveau système, qui remplace le règlement Dublin III, maintient le principe général en vigueur selon lequel le premier pays d’entrée dans l’UE d’un demandeur d’asile est chargé de l’examen de son dossier. Mais cette règle fait peser un poids plus important sur ceux du sud de l’Europe. Pour soulager ces pays où arrivent de nombreux exilés, comme l’Italie, la Grèce ou l’Espagne, un système de solidarité obligatoire est donc organisé, permettant la prise en charge de la demande dans un autre pays que celui d’arrivée.

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Les autres membres de l’UE doivent contribuer à ce mécanisme en accueillant des demandeurs d’asile (« relocalisations »), par une aide financière ou en fournissant « un soutien opérationnel et technique ». La réforme prévoit un minimum annuel de 30 000 relocalisations par an de demandeurs d’asile, et la compensation financière prévue est de 20 000 euros pour chaque demandeur d’asile non « relocalisé ». Elle sera versée par le pays qui refuse cette « relocalisation », au profit du pays sous pression migratoire.

Cette alternative était destinée à surmonter l’opposition de la Hongrie et la Pologne à tout quota de réfugiés, mais ces deux pays restent malgré tout hostiles à la réforme.

Réponse spécifique en cas de « crise »

Une autre des dispositions de la réforme prévoit une réponse en cas d’afflux massif et exceptionnel de migrants dans un État de l’UE, comme au moment de la crise des réfugiés entre 2015 et 2016. Sera alors rapidement déclenché un mécanisme de solidarité en faveur de l’État concerné et un régime dérogatoire sera mis en place, moins protecteur pour les demandeurs d’asile que dans les procédures habituelles.

Le texte prévoit plusieurs critères pour définir une situation de « crise » : « le système d’asile, d’accueil, de protection de l’enfance ou de retour d’un État membre donné » doit être « inopérant », avec le risque par ailleurs « de conséquences graves sur le fonctionnement du régime d’asile commun de l’UE ».

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