Le travail forcé des Nord-Coréens en Chine alimente l'Occident en fruits de mer, selon une récente enquête

le travail forcé des nord-coréens en chine alimente l'occident en fruits de mer, selon une récente enquête

Des travailleuses dans une usine de produits de la mer de Dandong.

Selon le New Yorker, la Chine exploite massivement et en toute illégalité des travailleurs nord-coréens pour alimenter le marché mondial des fruits de mer. Une aberration pour les droits de l’Homme qui se répercute jusque dans nos assiettes.

D’où proviennent les produits de la mer qui atterrissent dans les assiettes occidentales ? Si l’opinion publique est généralement avertie des conditions de vie imposées par le régime de Kim Jong-Un à ses habitants, il est plus confidentiel qu’une partie des fruits de mer consommés aux États-Unis et certains pays d’Europe proviennent d’usines chinoises exploitant des travailleurs nord-coréens sous contrainte.

C’est le triste bilan établi par un journaliste du New Yorker, qui a enquêté en 2023 sur les entreprises de transformation des produits de la mer de la ville de Dandong, proche de la frontière avec le pays des Kim. Son récit est édifiant : une partie du succès industriel de Dandong, métropole de plus de deux millions d’habitants qui lorgne le voisin nord-coréen par-delà le fleuve Yalu, est due à son recours à un vaste programme de travail forcé en provenance de la Corée du Nord.

Pourtant sanctionné par l’ONU depuis 2017, suite à une série de tests d’armes nucléaires et balistiques par Pyongyang, l’emploi de travailleurs nord-coréen est toujours répandu parmi les entreprises chinoises de la province du Liaoning. Selon les estimations du département d’État américain (en charge des relations internationales), une centaine de milliers de Nord-Coréens travaillent toujours pour le grand Dragon.

En 2022, d’après des responsables chinois chargés de la mise en quarantaine en cas de pandémie, il y avait quelque 80 000 Nord-Coréens rien qu’à Dandong. Les candidats sont nombreux : les contrats en Chine promettent des salaires d’environ deux cent soixante-dix dollars par mois, quand un travail similaire en Corée du Nord ne rapporte que trois dollars par mois.

Agressions sexuelles et séquestration

Par l’intermédiaire d’un discret réseau d’enquêteurs Sud-Coréens, l’enquête menée par le New Yorker a mobilisé les récits de Nord-Coréennes ayant travaillé dans des usines chinoises. Elles décrivent des conditions de travail bien loin des promesses faites à l’embauche, mêlant séquestration, brutalités et violences sexuelles.

Ainsi selon elles, les Nord-Coréens employés en Chine sont privés de sorties, de vacances, de congés maladie. Les déplacements autorisés se font sous la stricte supervision d’un surveillant, et le courrier est examiné par des agents de sécurité nord-coréens, envoyés par le régime de Kim Jong-Un pour surveiller les contingents de travailleurs à l’étranger. Les ouvrières racontent avoir été parquées dans des dortoirs fermés à clé, parfois à trente par chambre.

D’autres récits dramatiques font état d’agressions sexuelles de la part des supérieurs. “Le moment le plus terrible et le plus triste a été celui où j’ai été forcée d’avoir des relations sexuelles lorsque nous avons été amenés à une fête avec de l’alcool”, témoigne ainsi une femme.

En cas de tentative de fuite, c’est la mort : “On insiste souvent sur le fait que si vous êtes pris en train de vous enfuir, vous serez tué sans laisser de trace”. Dans les usines, les travailleurs nord-coréens portent des uniformes différents de ceux des travailleurs chinois. “Sans cela, nous ne pourrions pas savoir si l’un d’entre eux a disparu”, a déclaré un directeur selon le New Yorker.

Menaces sur les familles et passeports confisqués

Pour prévenir les fugues, le régime de Pyongyang met en place d’ingénieux leviers de dissuasion. Les fonctionnaires à la solde de Kim Jong-Un sélectionnent minutieusement les candidats au travail par-delà la frontière, en vérifiant leur degré de loyauté au régime.

“Ces vérifications commencent au niveau du voisinage”, déclare au New Yorker Remco Breuker, spécialiste de la Corée du Nord à l’université de Leiden, aux Pays-Bas. Selon un rapport du gouvernement sud-coréen, pour certains postes, les candidats célibataires de moins de vingt-sept ans doivent avoir des parents vivants, qui peuvent être punis s’ils tentent de faire défection; les candidats de plus de vingt-sept ans doivent pour leur part être mariés.

Dès lors, fuir relève de la mission suicide. Et puis, fuir avec quoi ? Les passeports sont confisqués à l’arrivée en Chine, et les salaires versés à la fin de la période d’emploi (parfois trois ou quatre ans). Au final, le chiffre sur la feuille de paie n’est pas celui négocié.

“Les travailleurs reçoivent souvent moins de 10 % du salaire promis”, note le journaliste du New Yorker. “L’un des contrats que j’ai examinés stipulait qu’une quarantaine de dollars seraient déduits chaque mois par l’État pour payer la nourriture. D’autres sommes sont parfois déduites pour l’électricité, le logement, le chauffage, l’eau, l’assurance et les paiements de “loyauté” à l’État.” Pour les entreprises chinoises, la force de travail nord-coréenne est une aubaine : les ouvriers ne sont généralement payés qu’un quart de ce que gagnent les employés locaux.

Du côté des autorités chinoises, c’est le déni. Le pays ne reconnaît pas l’emploi des travailleurs nord-coréens, l’ambassadeur chinois auprès des Nations unies ayant même écrit en 2022 que la Chine avait respecté les sanctions imposées sur le travail forcé des nord-coréens bien qu’elle ait subi de “grandes pertes” à cause d’elles.

Un marché qui inondent l’Occident

Les filiales du travail forcé à Dandong posent question bien au-delà des frontières chinoises. Parmi les usines étudiées par le New Yorker, dix totalisent depuis 2017 l’expédition de cent vingt mille tonnes de fruits de mer à plus de soixante-dix importateurs américains.

Ces derniers approvisionnent ensuite des épiceries telles que Walmart, Giant, ShopRite et des chaînes de restauration comme McDonald’s et Sysco (géant mondial de la distribution alimentaire qui à son tour fournit près d’un demi-millions d’établissements de restaurations aux États-Unis). “Détail” notable : l’enquête du média américain porte également sur une usine qui approvisionne indirectement les cafétérias du Parlement européen (celle-ci a déclaré qu’elle n’employait pas de travailleurs nord-coréens à l’étranger).

Contactés par le New Yorker, beaucoup de restaurateurs ont refusé de répondre ou indiqué qu’ils n’avaient pas connaissance des faits. Selon Remco Breuker, le travail forcé des ouvriers nord-coréens est finalement “une aubaine pour l’Occident en raison des produits bon marché que nous obtenons en conséquence.”

La conséquence sur les droits humains est lourde : “des millions de dollars, et même des fonds fédéraux, vont à des usines chinoises utilisant des travailleurs nord-coréens, et que cet argent va ensuite directement dans les mains du régime de Kim Jong-Un, qui l’utilise pour armer nos adversaires et réprimer son propre peuple” résume Chris Smith, membre républicain du Congrès du New Jersey et spécialiste de la Chine.

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