La Serbie aura-t-elle bientôt des avions Rafale? C’est ce qu’a assuré son président, en visite à Paris cette semaine. Aleksandar Vucic multiplie les achats d’armes, qu’elles soient européennes, chinoises ou russes: en dix ans, le budget militaire serbe a été multiplié par trois.
“Nous avons conclu, il me semble, des accords concrets concernant l’achat de Rafale. Je m’attends à la signature du contrat dans les deux prochains mois, en présence du président français, ce qui est extrêmement important pour notre pays”, a-t-il déclaré depuis Paris.
Dassault Aviation refuse pour le moment d’évoquer une éventuelle vente d’avions à la Serbie. L’opération, qui tournerait autour d’une douzaine d’appareils, pourrait rapporter trois milliards d’euros mais la France entend recevoir des confirmations sur l’évolution politique du pays avant de sceller l’acquisition.
Un avion de chasse Rafale sur le pont d’envol du porte-avions Charles-de-Gaulle en Méditerranée le 12 décembre 2016
Dépenses militaires en hausse
“Tous les pays européens s’arment, et nous devons faire de même”, avait déclaré Aleksandar Vucic en mars. “Même bien plus que les autres, pour rester intacts et pouvoir dissuader d’éventuels agresseurs. (…) Je ne suis jamais pleinement satisfait, mais nos capacités militaires d’il y a dix ans sont incomparables à celles d’aujourd’hui”.
La Serbie consacre 2% de son PIB à ses dépenses militaires. Les investissements sont en constante augmentation ces dernières années. De 2012 à 2023, le budget militaire serbe a été multiplié par trois, pour atteindre 1,4 milliard d’euros. Plus que les budgets combinés des cinq autres pays des Balkans.
Entre 2014 et 2023, la Serbie a dépensé 2,67 milliards d’euros en achat d’armes -notamment pour acquérir le système antiaérien chinois FK-3, des hélicoptères russes Mi-17 et Mi-35, ainsi que le système russe de défense aérienne Pantsir.
Proximité avec la Russie
Le dossier des Rafale est cependant plus complexe. La proximité du chef de l’État serbe avec son homologue russe Vladimir Poutine pose problème du côté de Paris. Si la Serbie a condamné l’agression russe en Ukraine, elle ne s’est pas alignée sur les sanctions occidentales.
Fin mars, le ministre serbe des Affaires étrangères, Ivica Dacic, était en visite à Moscou, l’occasion selon la diplomatie serbe d’améliorer “les liens traditionnellement amicaux entre la Serbie et la Russie”.
Surtout, les achats à la Russie et à la Chine n’ont pas cessé depuis l’invasion de l’Ukraine en 2022. En février, le président serbe a fièrement présenté ses dernières acquisitions: des Repellent russes, un système antidrones, ainsi que des drones chinois. Il a aussi promis la mise en production d’ici la fin 2024 d’un drone explosif made in Serbia.
“La République de Serbie acquiert des armes et de l’équipement militaire de l’Est et de l’Ouest”, expliquait en mars le ministère serbe de la Défense en réponse à une question de l’AFP sur ses achats à la Russie et à la Chine, “en choisissant ceux dont les caractéristiques amélioreront le plus les capacités des forces armées serbes”.
Une potentielle vente “ridicule”
La France s’est engagée depuis un certain temps à intensifier sa collaboration dans le domaine de la défense avec la Serbie. Un accord bilatéral de coopération en matière de défense est en place depuis 2011 et a été ravivé à partir de 2019. Une coopération qui n’est pas du goût de tous.
“Ce serait ridicule de la part de Paris, d’un côté de mentionner des envois de troupes en Ukraine, et de l’autre de vendre une arme extrêmement sophistiquée à l’un des alliés les plus proches de la Russie”, balaye Jasmin Mujanovic, chercheur en sciences politiques.
La vente de Rafale à cet allié de Moscou “serait inquiétante car elle permettrait des fuites d’informations vers la Chine et la Russie”, estime-t-il.
L’oeil de la Serbie est fixé sur le Kosovo
Selon le livre blanc de la Défense serbe, publié en 2023, “le plus grand défi sécuritaire” pour Belgrade se trouve de l’autre côté de la frontière avec le Kosovo, ancienne province devenue indépendante au terme d’une guerre sanglante -13.000 morts. Parmi les conditions demandées, le président français a également mentionné la nécessité d’apaiser les tensions dans les relations avec le Kosovo.
Or, si la vente de Rafale se fait, “vous pourriez voir des avions de chasse français utilisés pour intimider le Kosovo. Ces avions pourraient être utilisés contre des pays voisins”, met en garde Jasmin Mujanovic.
L’appareil, entré en service en 2004 et destiné à voler jusque dans les années 2060, est le fer de lance à l’export de l’industrie de défense française. Sept pays ont des Rafale ou ont conclu des accords commerciaux pour en acquérir: l’Égypte, le Qatar, l’Inde, la Grèce, l’Indonésie, les Emirats arabes unis et la Croatie.
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