« Un énorme vide… » Faut-il instaurer un congé pour la mort d’un animal de compagnie ?
Certains employeurs proposent à leurs salariés un jour de repos pour se remettre de la mort de leur chien ou de leur chat. Une façon de « reconnaître la réalité de ce deuil »
Certains employeurs accordent un jour de congé pour les salariés endeuillés après la perte de leur chien ou de leur chat. Illustration.
RIP FILOU – Certains employeurs proposent à leurs salariés un jour de repos pour se remettre de la mort de leur chien ou de leur chat. Une façon de « reconnaître la réalité de ce deuil »
Elle a ressenti « un énorme vide », et surtout une « immense tristesse » pendant plusieurs semaines. Lorsque Léa a brutalement perdu son chat dans un accident, c’est comme si « le monde s’était écroulé ». Pourtant, il a bien fallu que cette trentenaire nantaise, qui travaille dans les ressources humaines, reprenne le chemin du boulot le lendemain, « après une nuit horrible ». C’est pour adoucir ce genre de moments particulièrement désagréables que certains employeurs décident de faire un geste.
Depuis quelques mois, la société protectrice des animaux (SPA) offre à ses salariés qui doivent affronter la mort de leur animal de compagnie un jour de congé payé supplémentaire. « Cela permet de faire les démarches nécessaires mais c’est surtout un symbole, détaille à 20 Minutes Jean-Charles Fombonne, le président de l’association. L’idée est de reconnaître la place que l’animal tient dans une vie. » Tous les animaux sont concernés, à la condition qu’un acte de décès ait été signé par un vétérinaire. C’est le seul justificatif demandé, car « on n’est pas du tout dans une logique de tricherie », pense le président.
« Reconnaître la réalité du deuil »
Alors que chaque entreprise peut décider, dans le cadre d’un accord interne, sa politique en matière de congés spéciaux, de plus en plus de sociétés (toutes dans l’univers des animaux, semble-t-il) sautent le pas. En 2021, c’est Wamiz, qui se présente comme le premier média spécialisé dans les animaux de compagnie, qui avait mis en place cette mesure. L’année suivante, le spécialiste de l’assurance santé animale Santévet annonçait elle aussi l’octroi d’un jour de repos, tout en précisant que « ce dispositif n’a pas vocation à compenser la perte mais bien à reconnaître la réalité du deuil face au décès d’un animal ».
Idem depuis quelques semaines chez Mars Petcare, une entreprise où l’on pouvait déjà venir bosser avec son toutou. Il faut dire que selon une enquête Esthima/Wamiz datant de 2020, 88 % des propriétaires s’accordent sur le fait qu’il est aussi difficile de perdre un animal qu’un proche. Et Covid-19 aidant, le lien avec nos petits compagnons devient de plus en plus fort, en témoigne le succès inattendu du touchant livre Son odeur après la pluie, où Cédric Sapin-Defour décrit la perte de son chien Ubac.
Une perte difficile à avouer
Mais l’argument est parfois difficile à entendre dans des entreprises moins sensibilisées à la question, alors que la loi reconnaît l’animal comme un « être vivant doué de sensibilité » et non plus comme un « bien meuble » seulement depuis 2015. Comme Léa, qui avait prévenu son équipe qu’elle traversait « un problème personnel » sans rentrer dans les détails, ils seraient 88 % à ne pas oser en parler aux collègues qui n’ont pas d’animaux.
«Ã‚ On ne peut pas reprocher àceux qui n’ont jamais vécu ce lien de ne pas le comprendre, estime Marie Cibot, vétérinaire et fondatrice de Solâme, une entreprise dédiée àl’accompagnement àla fin de vie des animaux. Pour certains, le chien sert encore àgarder la maison mais chez d’autres, il est bien plus que ça : c’est un être qui vit constamment avec nous, ce qui rend sa perte particulièrement intense. C’est aussi pour cela que les gens veulent les accompagner jusqu’au bout dans la dignité, avec des demandes d’euthanasie àdomicile par exemple. »
Le congé patte-ternité
Pour autant, faut-il que la loi évolue afin que tous les propriétaires de chiens et chats endeuillés puissent bénéficier de ces 24 heures de pause rémunérées ? Le débat avait déjà été lancé par le Parti animaliste, qui avait porté cette proposition pour les élections législatives de juin 2022. Pour Léa, « cela risque quand même de créer des inégalités, entre ceux qui ont des animaux et les autres ». Une incompréhension d’autant plus forte que le nombre de jours de congés payés légaux octroyés en cas de décès d’un parent (3 jours) est déjà largement décrié, car jugé insuffisant.
«Ã‚ Selon moi, ce n’est pas impossible qu’on aille un jour dans ce sens, observe pourtant Marie Cibot. En Belgique, on peut se faire inhumer avec les cendres de son animal, par exemple. C’est le signe qu’il y a des choses qui bougent en faveur d’une meilleure reconnaissance du lien entre l’homme et son animal. »
Reste à savoir jusqu’où. En attendant, certaines entreprises – dont plusieurs déjà citées dans cet article – poursuivent la démarche. Wamiz, par exemple, a récemment mis en place un congé pour les toutous malades (3 jours), à l’instar du congé enfant malade, qui permet de prendre en urgence un rendez-vous chez le pédiatre, ou en l’occurrence chez le vétérinaire. Une société américaine a aussi lancé le congé patte-ternité, qui permet de rester en télétravail afin d’accompagner au mieux l’arrivée dans votre foyer d’une petite boule de poils.
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