Ukraine : face au manque de soldats, la Pologne et la Lituanie prêtes à aider à renvoyer vers Kiev les exilés mobilisables

Plusieurs milliers d’Ukrainiens sont revenus au pays depuis l’invasion du 24 février 2022, avec l’échec des troupes russes dans le nord du pays.

Plusieurs centaines de milliers d’Ukrainiens mobilisables sont actuellement à l’étranger : face à son déficit de soldats, Kiev aimerait les convaincre de revenir au pays, avec l’aide de ses voisins.

Plus de bras pour combattre la Russie : alors que les États-Unis ont signé un programme d’aide massif à l’Ukraine en avril 2024, Kiev continue de manquer d’hommes en âge de combattre, un problème de même ampleur que ses pénuries de matériel et de munitions. La Rada (parlement) est enfin parvenue, après des mois de débat, à passer une nouvelle loi de mobilisation également en avril 2024, tandis que les conscrits pourront désormais être âgés de 25 ans au minimum (contre 27 jusqu’à présent).

Mais ces mesures ne suffisent pas nécessairement à recruter assez d’hommes, qui sont nombreux à avoir fui vers l’étranger. D’où l’assistance que Varsovie et Vilnius entendent fournir à Kiev : aider à renvoyer au pays les exilés en âge de combattre, qui restent à l’étranger par peur d’être mobilisés.

Mobiliser tout en préservant l’équilibre de la population

Un vivier important d’hommes en âge de servir est ainsi installé dans les pays environnants. Selon Eurostat cité par le Financial Times, 200 000 hommes ukrainiens vivraient en Pologne.

Ces Ukrainiens à l’étranger ne sont pas nécessairement mobilisables : si tous les hommes de 18 à 60 ans sont normalement interdits de quitter le pays depuis la loi martiale imposée en février 2022, les conscrits ne peuvent pas avoir moins de 25 ans, afin de préserver les jeunes générations. L’Ukraine est touchée par une forte émigration depuis des décennies, un taux de fertilité en chute libre, en plus des ravages du conflit en cours : les jeunes hommes sont considérés comme une ressource précieuse pour la reconstruction du pays.

L’Ukraine a suspendu les services offerts par ses consulats aux Ukrainiens en âge de servir : ces derniers, s’ils veulent garder leur passeport, doivent donc rentrer au pays. “Tout est possible”, a ainsi affirmé Władysław Kosiniak-Kamysz, en poste depuis 6 mois, quant à la possibilité que la Pologne renvoie d’elle-même ces Ukrainiens par-delà la frontière. Laurynas Kasčiūnas, ministre de la défense lituanien, a de son côté exclu une déportation mais est prêt à se coordonner avec le voisin polonais.

Mais de nombreux Ukrainiens sont prêts à tout pour échapper à la mobilisation : 22 personnes sont mortes en tentant de traverser la rivière Tisza pour rejoindre la Roumanie depuis le 24 février 2022, selon Ukrainska Pravda. 6 000 autres ont bel et bien trouvé refuge dans le pays voisin. Un trentenaire a même été secouru par les autorités ce mois-ci, alors qu’il tentait de franchir le fleuve Dniestr pour rejoindre la Moldavie, armé d’un simple matelas gonflable. Malgré le soutien polonais et lituanien, des milliers d’Ukrainiens disséminés sur le continent risquent donc de continuer à échapper à un appel sous les drapeaux.

Un rempart face à la Russie

Cette question de mobilisation est essentielle : elle aurait contribué au renvoi de l’ex général en chef Valeri Zaloujny, qui réclamait 500 000 hommes, un chiffre trop important selon le président Volodymyr Zelensky.

Les unités ukrainiennes sont cependant belle et bien en manque de combattants, alors que la Russie ponctionne régulièrement sa population avec une conscription annuelle. Moscou parvient ainsi à avancer au prix d’énormes pertes sur le front de l’Est, et ses ressources font craindre un épuisement de l’Ukraine, en guerre totale depuis plus de deux ans.