"À l'été 2023, les voiliers qui ont franchi le passage du Nord-Ouest n'ont même pas croisé un glaçon"

Face au réchauffement climatique, la navigation dans les glaces est moins compliquée qu’avant.

Nous avons rencontré Éric Brossier, capitaine du Vagabond, voilier polaire participant à des expéditions scientifiques. Interview.

GEO : Vagabond fut le premier voilier à boucler une circumnavigation arctique, via les passages du Nord-Est et du Nord-Ouest, en 2002-2003. Comment s’est déroulé ce voyage ?

Éric Brossier : Entre juillet et septembre, le long du passage du Nord-ouest, la navigation dans les glaces a été difficile. Nous avons été coincés pendant trois jours dans du pack [masse de blocs de glace flottants] très dense, au nord du delta de la rivière Mackenzie [près de Tuktoyaktuk]. Sur les sept voiliers de plaisance à tenter le passage, nous n’avons été que deux à le réussir. En 2023, 21 voiliers ont franchi le passage, sans compter les bateaux de croisière. Ils n’ont même pas eu un glaçon à mettre dans leurs verres de whisky !

Cela est-il la conséquence du réchauffement climatique ?

Oui, mais le passage n’est pas toujours aussi dégagé. La glace est certes plus fine qu’autrefois dans l’Arctique canadien. Et il n’y a plus de glaces pluriannuelles, celles qui résistaient à la fonte estivale. Mais cette glace très fine se casse plus facilement : elle est transportée par les vents et les courants dans des proportions difficiles à prévoir. Il y a deux ans, la glace avait complètement bloqué le passage du Nord-Ouest, à l’inverse de cette année.

Quelle vision ont les populations autochtones de John Franklin et des premiers explorateurs ?

Pour les Inuits, ces expéditions sont curieuses, voire un peu ridicules. Les «héros» occidentaux n’ont fait que passer, sans établir de véritables connexions avec cet univers et ses habitants. D’où des drames, en fait évitables. Les chasseurs inuits parcourent depuis des lustres ces contrées, avec des moyens modestes et dans des conditions climatiques extrêmes. Il leur a fallu des générations pour acquérir cette maîtrise. Une finesse d’analyse dont les explorateurs pionniers ont indéniablement manqué.

Le passage du nord-ouest, d’hier à aujourd’hui

➤ Interview parue dans le hors-série GEO Beauté et enjeux des Pôles, n°118, de décembre 2023 – janvier 2024.

➤ Pour voir tous les numéros de GEO disponibles à l’unité, c’est par ici ! Vous êtes déjà fidèle au contenu GEO ? Alors pour ne rien manquer, découvrez nos formules d’abonnement pour recevoir chaque mois GEO chez vous en toute simplicité.